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Billet de blog 26 septembre 2024

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Critique Ce qui mouille - Lecture performance - Festival Extra, Centre Pompidou

Les textes s’enchainent, poétiques et réflexifs, de l’archive à la science fiction écolo-queer. On tente ici d'entamer une circonscription de nos rapports à l’eau, dans sa valeur symbolique, sa position centrale dans l’écologie ou encore dans sa personnification.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce qui mouille - Création collective Emma Bigé, Léa Rivière, Marcela Santander, Ife Day, Cy Lercerf Maulpoix/ Centre pompidou, Festival Extra! 2024

Le trou béant du Forum -1 du Centre Pompidou a été décoré d’une grande plateforme, aux courbes douces et à l’imprimé aquatique violet, sur lequel des poufs accueillent nos corps, proches, presque entassés. Nous formons avec elle une mer d’humain.es. 

Alice: “j’ai toujours pas vu d’hétéro dans la salle” - on ri 

Marine: “j’ai l’impression de tous les connaitre, c’est comme des versions évoluées des gens qu’on connait, regarde là c’est Lucie en mieux!” - je ris encore 

Si il existe une sorte de gratin queer intello, il est réuni ce soir pour assister à Ce qui mouille, pratiquement enlacés dans cette masse d’eau-plastique-rosé. 

A 20h30 pile, un bruit micro suivi d’un silence dans la salle: 

Ca commence - une lecture, une voix douce, je ne sais pas à qui elle appartient, trop confortablement installée pour lever la tête:

Hamac-méduse/ jupes-poèmes/ mémoires qui suintent et qui saignent/ un temps pour plonger/ respirer ensemble/ respirer collectivement/ des lesbiennes géologiques/ participent mais ne disent rien comme si elles pensaient plus fort 

Ils nous regardent, extérieur, du rebord, nous sommes l’eau qui leur semble étrangère. Ils sont des couples, des vieux, des moins vieux, ils ont l’air surpris, ils ne s'attendaient pas à nous, à ces mots, là, dans le trou du Hall devenu puit 

Les textes s’enchainent, poétiques et réflexifs, de l’archive à la science fiction écolo-queer. On tente ici d'entamer une circonscription de nos rapports à l’eau, dans sa valeur symbolique, sa position centrale dans l’écologie ou encore dans sa personnification. 

Elles disent que la science fiction est une puissance d’archive indispensable/ le ministère de l’écologie finance les mammectomies/ hormone est un joli prénom/ cacher nos modes de vie indécents en dehors de la ville/ mer pourvoyeuse d’oublie/ 

Je hisse ma tête petit à petit, lâche un peu mon critérium, ralenti la prise de note, décroche mon regard de nos visiteurs perchés sur la rambarde pour découvrir les visages de ce qui font offrande de ces mots, sonores et gourmands, doux, frappants et pertinents. Je découvre des corps derrière ces voix. Celui de Marcela Santander danse un “rythme incessant comme celui de l'océan” à l’intérieur de la flaque qu’est le public, dans un mouvement légèrement fébrile à la générosité débordante. 

Elle semble nous arroser avec ses pieds, son sourire transparent de son visage simplement ouvert, elle nous invite à taper avec elle dans nos mains endormies. Et tandis que le fond du puit s’éveille, que des rythmes s’en échappent, ils sont encore plus nombreux à venir interroger du regard cette réunion sorcelleresque.

Les voix se succèdent, les textes se suivent, avec humilité la passation n’implique aucune comparaison. Ce qui mouille est une choral dans laquelle on aurait dissocier dans le temps les voix hautes des voix basses et que l’harmonie globale en serait qu'amplifier. 


De l’eau qui m’est si chère, moi méditerranéenne et cévenole amoureuse des rivières et des vagues, ils tentent de traduire les voix, multiples et politiques. Avec eux je cherche, dans cette rythmique lente tel le va et vient des corps qui flottent, ce qui m'invite parmi ces étendues immenses et ces ruisseaux minuscules. J’écoute les histoires qui naissent et qui meurent, le passé mystérieux et l’avenir inquiétant, ce qui se danse et ce qui se pleure, les contemplations et les combats que lient entre elle.eux ce qui mouille.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.