C’était hier soir dans l’émission A L’AIR LIBRE DE MEDIAPART.
Cette vidéo devrait être vue par toutes les rédactions en France. Merci à tous les intervenants. Vraiment merci.
Carine Fouteau, présidente de Mediapart.
28' « C’est un processus génocidaire qu’on a sous les yeux. Une guerre, un génocide qui est là, en direct, sur les réseaux sociaux, qui nous est transmis par tous les journalistes palestiniens qui sont encore là, qui travaillent. L’intention génocidaire on la voit, elle s’exprime. L’intention de détruire un avenir, un présent, un passé sur des équipements qui assurent la subsistance des Palestiniens, des Palestiniennes qui sont anéantis. Ce sont des musées, des écoles, des hôpitaux, tout ce qui fait la vie qui est aujourd’hui anéantie. C’est pour ça que ça compte pour nous à Mediapart, de nommer les choses. Et de dire que oui, c’est une guerre génocidaire qui a lieu en ce moment, parce qu’elle est documentée comme telle par les journalistes qui racontent des faits. Qui proposent de nous raconter exactement ce qui est n train de se passer, sous leurs yeux. Et donc pour nous c’est important d’utiliser ce terme parce ne pas le faire, c’est comme une injure au travail, à la documentation, à ce qu’ils nous apportent. Il faut rappeler que les journalistes palestiniens meurent aujourd’hui pour faire leur travail. Ils meurent pour nous faire comprendre ce qui est en train de se passer. Donc pour nous c’est important de prendre la mesure de ce qui est en train de se passer. Ce qui est d’autant plus dingue en ce moment, c’est d’avoir le sentiment qu’on vit dans un pays occidental et que rien n’est suffisamment fait pour empêcher la catastrophe, pour arrêter le désastre.
On voit bien que les pays de l’Union européenne, les pays occidentaux, ont des leviers d’action et ne sont pas impuissants contrairement à ce qu’on voudrait nous faire croire. Ils sont tout à fait puissants, mais ils se refusent à utiliser ces leviers d’actions à leur disposition pour agir et pour arrêter ce massacre.
On voit en ce moment que la France se cache derrière l’inaction européenne en disant « on aimerait faire plus mais l’Allemagne bloque, l’Italie bloque mais nous on pousse ». C’est ce qu’on entend du côté du quai d’Orsay. Nous on est volontaire, on voudrait faire en sorte que les choses bougent or il se trouve que certains pays comme l’Espagne prennent des mesures unilatérales pour faire bouger les choses.
Il faut peut-être rappeler la panoplie de sanctions qui sont à la disposition des Etats aujourd’hui. Il y a effectivement l’accord commercial -comme l’a dit Vincent Lemire- ça aurait une action directe, concrète sur, non seulement les relations, mais la pression que les Israéliens pourraient faire peser sur leur gouvernement, parce que ce serait terrible. L’Union européenne étant effectivement le premier partenaire commercial d’Israël. Mais aussi l’embargo sur les produits produit dans les colonies. C’est vraiment l’histoire d’une grande contestation, d’un mouvement de boycott qui est dans l’air depuis tellement longtemps et qui n’a jamais été mis en œuvre. Là on sait que c’est sur la table, au niveau de l’Union européenne et personne ne s’en empare. Le fait d’arrêter certains programmes de recherche associé avec des universités israéliennes. Le fait d’utiliser les exemptions de visas auxquelles ont droit les Israéliens pour circuler dans l’espace Schengen. Tout ça c’est vraiment très important. Et sur les accords commerciaux, il faut savoir que ce serait juste rétablir les droits de douane habituels. Aujourd’hui ils sont exemptés de droits de douane. L’idée ce serait juste de rétablie ces droits de douane. On voit bien qu’il y a beaucoup, beaucoup à faire et qu’aujourd’hui rien n'est fait -peut-être que ça va bouger - mais pour le moment rien n’est fait et la France effectivement, à titre individuel pourrait tout à fait le faire.
C’est effectivement nécessaire de reconnaître l’Etat palestinien, -le fait que la France le fasse plus d’un an après l’Espagne, l’Irlande, la Norvège et d’autres pays- et bien longtemps après la plupart des pays du Sud global, il faut regarder l’image du monde, avec les pays qui ne reconnaissent pas l’Etat palestinien c’est une toute petite portion congrue, absolument ridicule ; il faut évidemment s’en féliciter et c’est même complètement hypocrite quand on voit effectivement que la France ne prend pas ces mesures unilatérales qu’elle pourrait tout à fait prendre de son côté. Par ailleurs on peut rappeler la manière dont le mouvement de soutien à la Palestine a été criminalisé dans notre pays depuis le 7 octobre. Et la manière dont le chantage à l’antisémitisme, qui n’a pas été empêché par cet exécutif mais au contraire a été activé et instrumentalisé autant que possible, ça, c’est ce qui laisse penser que derrière cette reconnaissance il y a jeté, un voile d’hypocrisie qui évidemment, ne peut pas rester sans critique. »
Leila Shahid
: « Karine a très bien fait parce que les gens ne connaissent pas l’Union européenne. Ils pensent qu’elle n’a pas les moyens, les outils. Elle vient de vous résumer le nombre de mesures que peuvent prendre les Européens. Et si on ne peut pas les prendre à 27, on peut faire un noyau de cinq ou dix de douze, autant qu’on veut. Rien n’empêche un groupe de pays de dire « on veut prendre des sanctions parce que nous sommes inquiets de l’impact de ce qui se passe dans toute la région. Et donc c’est pour ça que je dis le mot « lâcheté ». Il y a de la lâcheté incroyable et je dirais que dans certains pays, de la complicité. Et je pense que nous sommes entrés dans un monde tellement violent, tellement effrayant. Rappelons l’Ukraine encore une fois. Il faut à tout prix comprendre que le seul moyen d’arrêter cette violence qui devient tellement présente dans tous les aspects de la vie même dans les écoles, il faut montrer que le Droit est applicable aussi aux Palestiniens. »

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