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Scène I
L’UNITÉ POPULAIRE
La Récitante
"... Guidés par Oreste -l’acteur chilien qui nous avait apporté la nouvelle de la victoire d’Allende-, mon fils et moi avons continué notre traversée, cette fois-ci pour aider l'Unité Populaire. En arrivant au Chili, je fus surprise par l'intense mobilisation des citoyens. Des centaines de milliers de chiliens voulaient participer à la construction d'une société nouvelle. Mais tout n'était pas que politique. Au cœur du combat révolutionnaire, il y avait aussi l'essor d'une nouvelle culture..."
Le Coryphée
(Récitant)
Toi qui venais de Colombie,
toi qui descendais de l'Altiplano,
toi qui avais traversé
l'Équateur et le Pérou,
tu sentis
-tel un coup de foudre,
comme une rafale d'amour-
renaître tes plus beaux espoirs...
La Récitante
"... On aurait dit que dans ce territoire étroit et montagneux, baigné par l'immensité bleue de l'océan, se concentraient les énergies les plus fortes du continent. Au pied des cimes enneigées des Andes cristallisait une conscience étincelante, une société qui vivait -comme jadis les Incas- dans l'allégresse et dans la paix..."
Le Chœur
(Récitant)
María, tu fus ébranlée
par la force tellurique
de la démocratie chilienne.
Tes racines indiennes
vibrèrent au souvenir de la
civilisation précolombienne.
L’empire Inca,
fondé sur la solidarité,
se déployait entre
l’Équateur et le Chili,
enveloppant le Pérou,
embrassant la Bolivie…
Le Coryphée
(Mettant et enlevant tour à tour le masque d'un diable)
Tout cela est très beau, María. Qui n'est pas étonné par la civilisation des Incas ? Leur empire est considéré comme un précurseur du socialisme : la terre était distribuée entre tous, l’argent n’était pas nécessaire et l’amour était libre ! Quelle merveille, María! Mais au Chili, personne ne prétendait restaurer l’empire Inca. Les Chiliens ne voulaient d’aucun empire ! Ils ne voulaient reproduire aucun modèle, sauf celui né de leur propre conscience, de leur propre conception de la démocratie et de la liberté. Or, l’empire nord-américain se préparait déjà à écraser la nouvelle Révolution, craignant de perdre les deux plus grandes mines de cuivre de la planète : «Chuquicamata », cratère géant ouvert sous le ciel du désert d’Atacama, et «El Teniente», gisement souterrain percé dans les profondeurs de la cordillère par deux mille kilomètres de galeries. Et la joie et la beauté qui avaient accompagné la victoire de l’Unité Populaire Chilienne, allaient vite disparaître dans le sang et la douleur. C’est comme ça que finissent toutes les révolutions, María ! Il faudra t’en convaincre par toi-même. Écoute ce jeune homme qui vient à ta rencontre. Il t’offrira, à coup sûr, le paradis !
Oreste
(S'adressant à María et à Cristián)
Camarades ! N’écoutez pas ce Diable ! Aujourd'hui, plus que jamais, la joie doit réchauffer notre cœur: peut-être la chance, après une si pénible traversée, va-t-elle s'arrêter au Chili, pour notre bonheur.**1 Voilà plus d'un demi-siècle que notre peuple lutte pour établir les bases d'une société harmonieuse. Nous haïssons la guerre et le chaos, nous aimons la concorde et la paix. C'est la raison pour laquelle nous portons notre attention aussi sur les sciences et les arts. Nous, travailleurs chiliens, avons besoin de savants, de chercheurs, de techniciens et d'artistes capables de se consacrer non à la fabrication de machines de guerre et de mort, mais à l'épanouissement de la vie.
María
Vingt mille intellectuels révolutionnaires venus de toute l'Amérique Latine arrivent pour s'unir à la Révolution chilienne. Comme moi, ils n'apportent pas d'armes, seul les anime le désir fraternel d'aider le Chili. Je suis actrice: ma vie est au théâtre, et c'est sur la scène que se trouve mon poste de combat. Comme salaire, je demande uniquement du pain pour mon fils et un toit pour l'abriter...
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