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Billet de blog 26 janvier 2022

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Houellebecq ou la parole putanisée

Houellebecq se définit lui-même comme “une putain de la littérature”. Les critiques de son dernier roman, Anéantir, abondent dans ce sens.

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Illustration 1
Couverture de "La Parole Putanisée", Ed. de La Différence, Paris 2002

Dans son ouvrage La Parole Putanisée (La Différence, Paris 2002), l’écrivain franco-suisse Michel Waldberg (1940-2012) revient sur les premiers écrits de Houellebecq (La poursuite du bonheur, Rester vivant), «texticules» qu’il critique avec une ironie féroce. « L’on ne s’improvise pas Lautréamont ni Ducasse. Il y a, dans les paradoxes de Houellebecq, un peu trop de pose, le prophétisme y est exagérément cravaté(…) Les rares fois où il renonce au « plat pays » de sa prose habituelle, Houellebecq se contente de pasticher -mal- Lautréamont. ». Etc. Je laisse le lecteur découvrir ses très drôles appréciations sur les romans débutants de Michel Thomas (le vrai nom du romancier), Extension du domaine de la lutte, et Les particules élémentaires. Par hygiène mentale, à l’instar de Julien Gracq , il aurait voulu éviter de lire Plateforme: « Plateforme renouvelle l’exploit des Particules : être inutile et emmerdant. Dégueulasse de surcroît ». Waldberg n’aime pas du tout « Lautréamont bis », c’est évident. Il a toujours dénoncé l’écrivain cynique, caché derrière le romancier « à succès », le poulain le plus rentable de l’écurie Gallimard-Flammarion et, sans doute, le plus prostitué : "Fondamentalement, je suis une pute, j’écris pour recueillir des applaudissements", reconnait-il dans un entretien au journal Le Monde du 7 janvier 2022.

Christophe Courtin, courageux blogueur de Mediapart, a fait l’effort de lire le dernier opus-dei houellebecquien : Anéantir. Dans mon commentaire de remerciements pour son héroïque labeur (qui m’évite de déposer 26 euros dans la tirelire d’Il Capo), je mets l’accent (sud-américain, dans mon cas), sur la putréfaction de la littérature romanesque d’aujourd’hui. Citer des noms de romanciers n’a aucun sens, car il faudrait des pages et des pages pour les contenir. Mais il est possible, pour rester sur le sujet houellebecquien, de romancer quelque peu  : notre héros (Michel H. donc) en dépit de son allure de clown triste du cirque germanopratin et de son aspect SDF-crasseux-alcoolo (pourtant, il hait les SDF), réussit à séduire le Ministre de la Charité de Napoléon V, programmé pour devenir l’héritier politique de celui-ci. Le ministre tomba dans les filets du séducteur, voyant en lui un nouveau Balzac, capable de l’immortaliser en tant que personnage de sa Comédie Inhumaine et Islamophobe, chef-d’œuvre de Michel H. rédigé pour amuser et conforter la bourgeoise pétainiste (Mme Christine Kerdellant se félicite dans le journal Les Echos de la métamorphose du romancier qui est passé d'anarco-gauchiste à défenseur de la société néo-libérale). Il lui a même ouvert -larmes aux yeux et lèvres tremblantes de candeur virginale- les portes de sa chambre à coucher. Les fonctionnaires du Ministère de la Charité ne savent pas vraiment ce qu’il s’est passé dans cette alcôve ministérielle, à part la pétarade inénarrable qui accompagna les ébats. De son côté, une petite rivale du ministre (elle aussi en course pour devenir l’héritière de Napoléon V), fifille d’un milliardaire qui paye toutes ses factures de campagne, blonde douteuse mais « bon chic bon genre », allergique à la crasse et aux mauvaises odeurs (c’est l’un de ses principaux atouts pour gagner la course présidentielle), s’esclaffa horrifiée : «À moi on ne me la fait pas ! D’abord, je me lave, moi ! Si le Balzac nouveau qui vient d’arriver dans des bistrots infréquentables ne me donne pas un rôle dans sa sale Comédie, tant pis ! Mon papi milliardaire achètera tous les éditeurs nécessaires, plus les journaux, les revues et les critiques ad hoc, et il va demander à Philippe Sollers (s’il n’est pas trop gaga) d’écrire un roman d’avant-garde pour moi, toute seule : Elleportaitdesbottesmaispasdeculotte, sans ponctuation. Je gagnerai le prix Fémina, puis je chiperai la Présidence de la République au Ministre de la Charité».

Tout ceci n’est que du mauvais roman, bien sûr, du roman à la mode de Paris. Pour le moment on ne sait pas si Anéantir finira par anéantir définitivement la littérature française. Les critiques du milieu ont reçu l’ordre (tacite, bien entendu) de le sacrer « monumental ». C’est ce qu’affirme Mme Nathalie Crom, « thuriféraire qui fait de la critique une boutique de lait pur » (Balzac, honorablement cité dans mes Pamphlets Parisiens). Peut-on comparer les 80 volumes de la Comédie Humaine, pleins de compassion pour l’être humain, avec les quelques best-sellers de Houellebecq, saturés de racisme, de xénophobie, de snobisme et d’auto-compassion ? Qu’à cela ne tienne ! Les kritikes (dixit René Daumal) exigent son entrée immédiate, de son vivant, au Panthéon (Napoléon V le voudrait le plus loin possible du lieu qu’il s’est réservé personnellement à son nom, tout en demandant à Joséphine, l’Impératrice du Chocolat, de laisser un déodorant dans son cercueil). D’autres critiques demandent à Il Capo d’intervenir pour le faire admettre presto à l’Académie Française, profitant de l’arrivée à la Coupole du quasi nonagénaire Mario Viagras Llosa, prix Nobel semi-analphabète qui n’a jamais écrit une seule ligne en français. Peu importe. Cela permettrait à Il Capo de préparer d’ores et déjà les ventes de la Bibliothèque de la Pléiade pour le futur Nobel de Houellebecq, car les deux romanciers sont idéologiquement égaux : des écrivains d’extrême-droite, dépourvus, l’un de tout sentiment de honte face à ses turpitudes, l’autre, de toute compassion pour autrui… surtout s’il est arabe, noir ou immigré.

Nota Bene

L’expression «la parole putanisée» est de Georges Gurdjieff : L'un des principaux moyens de développement de l'intelligence est la littérature. Mais à quoi peut bien servir la littérature de la civilisation contemporaine? Absolument à rien si ce n'est à la propagation de la parole putanisée. (Rencontres avec des hommes remarquables, Introduction.) Cela dit, j’avoue que la lecture de la bio-wikipédia de Houellebecq a éveillé dans mon cœur une profonde et très sincère compassion. Il a souffert, le pauvre garçon, surtout dans son enfance, entouré de gens égoïstes et stupides qui l’ont malmené et fragilisé psychiquement et existentiellement. Fragilité qui a permis par la suite à la bourgeoisie (pétainiste ou apparentée) de l’avaler tout cru et de faire de lui un serviteur de plus. La bourgeoisie manque essentiellement d’intelligence, disait Balzac. La bourgeoisie est néanmoins très rusée, en tout cas beaucoup plus que les écrivains qu’elle engage à son service.

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