
Macron (Napoléon V, pour ses proches) ne peut qu’être déçu par la fin de son parcours en tant que plus jeune président de la France républicaine. Cela rappelle le cas de son prédécesseur d’il y a deux siècles, Napoléon Ier (35 ans), dont il n’est qu’une sorte de modeste réincarnation. "Napoléon est une part de nous", affirmait-il dans un discours. "Napoléon est une part de Moi", aurait-il pu dire... Mais laissons de côté l’aspect ésotérique et psychiatrique du phénomène et souvenons-nous d’une citation bien connue de Karl Marx : « Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié d’ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce ».
Le jour de son élection à l’âge de 39 ans, le monde entier, stupéfait devant la jeunesse de Macron, a pu faire le rapprochement évident avec l’Empereur d’autant plus que la Première Dame de la République, plus âgée que son partenaire, rappelait par ce fait Joséphine de Beauharnais. Donc, Napoléon Ier comme tragédie (des millions de morts à travers toute l’Europe) et Napoléon V comme farce ?
Ce n’est pas si simple que cela. Pour rendre la comparaison moins déséquilibrée (en dépit de sa cruauté, Napoléon Ier était un génie incontestable), il faut reconnaître qu’après les deux nullités qui l’avaient précédé à la tête de la République, Macron semblait rayonnant d’intelligence et de culture : pianiste doué, anglophone remarquable, bon acteur et écrivain (du dimanche), bardé de diplômes universitaires, excellent comptable, belle tête coiffée à la Bonaparte, etc. Malheureusement, pour être une réincarnation sérieuse de l’Empereur, il lui manquait une petite révolution comme celle de 1789, sans laquelle Napoléon Ier n’aurait rien pu faire, ni de bon ni de mauvais. Napoléon V, par contre, hérita d’un état des lieux lamentable. D’abord, l’inertie d’un quinquennat où le délit fut instauré en tant que mécanisme courant et banal du gouvernement, suivi d’un autre quinquennat présidé par la simplicité d’esprit d’un « Don Juan de pacotilla » lequel, sans être vraiment conscient, a trahi tout le monde autour de lui, introduisant d’ailleurs dans le poulailler républicain le renard qui allait lui ravir son propre pouvoir : Emmanuel Macron.
Napoléon V (appelons-le donc ainsi), comprenant qu’il lui était impossible de reconstituer le Premier Empire, allait trouver en revanche d’autres possibilités pour laisser sa trace dans l’Histoire : d’abord la pandémie mondiale du covid-19 (il réussit à contrer les libertés individuelles au nom du virus et de ses liens d’ancien cadre banquier avec Pfizer, le gentil pharmacien et vaccinateur américain ) et, ensuite, son couronnement comme président de la CEE, partenaire privilégié de l’OTAN et des États-Unis. C’est en tant que tel qu’il a dû faire face à deux anciens ennemis de Napoléon Ier : l’Angleterre et la Russie. Or, si la réincarnation du duc de Wellington dans l’enveloppe corporelle de Boris Johnson prête à sourire (et même à rire, car le Premier Britannique transpire et pisse directement de la bière, contrairement au duc, sanguinaire mais très propre selon ses soldats), celle de Vladimir Poutine en tant que réincarnation du tsar Alexandre Ier est beaucoup moins amusante. Dans le premier cas, Napoléon V perdit peu à peu toute illusion d’empêcher le Brexit imposé par Johnson; dans le deuxième cas, l'illusion de séduire Poutine pour éviter une nouvelle guerre européenne et de le convaincre que l’Otan et les États-Unis ne lui veulent que du bien, s’évanouit rapidement. Le problème, très grave, c’est que le tsar d’aujourd’hui possède un redoutable armement nucléaire et que la France, ayant trahi l’héritage du général De Gaulle, a réintégré l’Otan et, de ce fait, s’est mise directement sous la tutelle de Washington, seul gagnant de cette nouvelle guerre, stupide et cruelle... comme toutes les guerres.
Carla Bruni, actuellement sans emploi (par solidarité, il ne faut pas l’oublier), a fait installer au palais de l’Élysée, du temps où elle était l’hétaïre la plus belle d’Europe, une petite cinémathèque destinée à cultiver son bonhomme de Président (« Naboléon le petit », pour ses fidèles) qui ne regardait que des films de cow-boy et des séries américaines à la télé. Napoléon V et l’Impératrice du Chocolat, qui a largement dépassé l’âge de la retraite (chère à tous les Français, sauf, et pour cause, à son jeune époux), invitent souvent à dîner au palais le couple déchu, où l’ancien Président se présente avec une superbe Rolex électronique cadenassée à sa cheville pour lui rappeler qu’il devrait être en prison comme n’importe quel délinquant déjà condamné. Peut-être, pour oublier leurs déboires, auront-ils l’occasion de regarder ensemble le nouveau film de Xavier Giannoli sur le roman de Balzac : Les Illusions Perdues.