VARGAS LLOSA EN COUP DE VENT

C'est un drôle de scandale celui qui concerne aujourd’hui l'Académie Française. Monsieur Gallimard, non satisfait de la mise à sa disposition du Collège de France afin d'assurer la promotion de la Bibliothèque de la Pléiade (par "auteurs de la Maison" interposés, qui travaillent sur les deux terrains, celui de l'éditeur privé et celui des Institutions de l'État, concubinage qu'on appelle en jargon marxiste "le capitalisme monopoliste d'État" et qui consiste à permettre aux "privés" d'user et d'abuser des structures publiques payées par tous) a décidé de mettre à contribution les voix des papys habillés en pyjamas de velours vert pour réactiver ses ventes, tout en frappant un grand coup médiatique et d’amuser ainsi le Tout-Paris. Héritier d’une lignée d’éditeurs prétendument aristocratiques, Monsieur Gallimard veut-il rappeler à Monsieur Bolloré, simple roturier de l’édition, lequel des deux détient vraiment le pouvoir dans le monde des lettres françaises ? À la rigueur, à Bolloré les quartiers de la banlieue parisienne, à lui les intouchables arrondissements du Paris germanopratin ! Bien sûr (faut-il le dire?), Monsieur Gallimard n'a nul besoin d'exprimer ses souhaits à haute voix. Si les Immortels veulent avoir une chance d'être publiés, eux aussi, dans la Pléiade, ils doivent accepter la dernière astuce de l'éditeur, « boutiquier très malin », comme aurait dit Petrus Borel : admettre à l’Académie Française le romancier et journaliste péruvien Mario Vargas Llosa.(Arequipa, Pérou, 1936)
En constatant la proximité de sa mort, Varguitas (sobriquet qu'il se donne dans un de ses romans) a écrit une dernière nouvelle : « Los Vientos » (Les Vents). Il s’agit d’une sorte de confession et de testament que l’écrivain laisse aux apprentis-romanciers. Le texte du conte, qui secoue aujourd’hui à la vitesse d’un ouragan fétide l’Espagne et l’Amérique latine, est le plus important qu’il ait écrit depuis son prix Nobel : il y est question des « vents » du romancier lesquels, si l’on tient compte de leur violence (parfois orageuse et humide, avoue-t-il) risquent d’incommoder fortement les membres de l’Académie, qui s’apprêtent à le recevoir en grande pompe sous la Coupole. C’est vrai, les papys en pyjama verdâtre de la vénérable institution créée par le cardinal de Richelieu pour garantir l'excellence de la langue française, abondent probablement dans la même direction des vents de Vargas Llosa mais, compte tenu de leur âge respectable, il ne faut pas leur en vouloir. Cependant, ils méritent d’être blâmés pour avoir piétiné allègrement les principes fondateurs de l’Académie, en premier lieu, celui de sauvegarder le français, langue reconnue par Dante comme la plus parfaite pour écrire en prose (« De vulgari eloquentia »). Or, le nouvel académicien n’a jamais écrit une seule ligne en français. Comme chacun sait, il y a une grande distance entre lire une langue, parler une langue et écrire une langue. L’écriture en langue française, surtout l’écriture dite « littéraire », exige un effort intellectuel considérable, dont très peu d’écrivains étrangers ont été capables (Beckett, Sarraute, Cioran, Bianciotti, Semprun et Makine ont néanmoins réussi avec éclat). Manifestement, ce n’est pas le cas de Vargas Llosa, cancre notoire dans les écoles et lycées privés péruviens où il fit ses études. Nonobstant, ses thuriféraires affirment que son charme discret (en dépit de ses pétarades), son admiration de néophyte pour Flaubert et son médiatique prix Nobel, remplissent largement les conditions fixées par le cardinal de Richelieu pour lui octroyer une place parmi les Immortels.
Entre-temps, depuis quelques semaines (décembre 2022) le Tout Madrid est ému aux larmes : sans tenir compte des évènements protocolaires prévus par l'Académie Française, le couple archétypique de la bourgeoisie franquiste vient de voler en éclats. Isabel Presley et Varguitas se sont séparés! Cela était pourtant prévisible dès le commencement de leur liaison, à l’allure risiblement adolescente. Pour sûr, il n’est pas question, même dans un méchant pamphlet (il n’y a pas de pamphlets gentils), de nous attarder sur les détails burlesques de cette histoire qui a mal fini. Je laisse pour plus tard l’analyse des causes concrètes de la rupture entre les vieillards libidineux et allons, dans la mesure du possible, vers la littérature.
Brève critique de «Les Vents »
E mentre ch’io là giú con l’ochio cerco,
vidi un col capo si di merda lordo,
che no parea s’ era laico o cherco.
(Inf XVIII, 115 – 117)
Moins qu’une critique ou un rapport de lecture de Les Vents, voici plutôt une analyse coprologique des pets textuels du nouvel Académicien. Malheureusement (ou heureusement, ça dépend de l'odorat de chacun) la nouvelle Les Vents n’est pas encore traduite en français ni incorporée à La Pléiade gallimerdesque. (Rappelons que pour Monsieur Gallimard, disciple du pâtissier Lenôtre, la littérature n’est qu’ « une affaire de goût », trouvaille qu’il partageait avec son associato, POL). Je me vois donc contraint de citer la nouvelle en espagnol, en ajoutant les traductions en langue d’oïl des fragments cités. Voici quelques morceaux choisis, échantillons à manier avec des pinces, en utilisant de préférence un masque.
Par exemple :
Tenía la horrible sensación de que, cuando dormía, además de despedir vientos, se me había soltado el estómago y salido la caca. ¡El maldito estómago! No era la primera vez que me ocurría esto. (...) Ahora tendría que hacer lo mismo. Limpiarme con cuidado, lavar con lejía el calzoncillo y el pantalón llenos de mierda.
J’avais l’horrible sensation, lorsque j’étais en train de dormir, qu’en plus de lâcher des vents, mes intestins me lâchaient et laissaient sortir le caca. Maudites tripes! Ce n’était pas la première fois que cela m’arrivait (…) Maintenant, il me faudra refaire la même chose. Me nettoyer avec soin, laver à l’eau de javel mon caleçon et mon pantalon, pleins de merde.
Et encore :
Sabía que tenía los calzoncillos llenos de mierda, porque en el sueñecito de la avenida del Pintor Rosales se me había salido la caca, y eso no me importaba tampoco.
Je savais que j’avais le caleçon plein de merde, parce que pendant mon petit somme dans l’avenue Peintre Rosales, mon caca était sorti, mais cela ne m’importait pas plus.
Et encore une :
Cuando descubrí que mi calzoncillo estaba lleno de caca, me embargó una gran tristeza. Había sentido los vientos, por supuesto, pero no que se me salía la mierda. Había desbordado el calzoncillo y manchado las piernas. Estaba convertido en el hombre-caca, del culo para abajo. Sentí mucho asco de mí mismo.
Lorsque je découvris que mon caleçon était plein de caca, une grande tristesse m’envahit. J’avais senti les vents, bien sûr, mais pas la merde qui s’échappait, débordant de mon caleçon et me souillant les jambes. J’étais devenu l’homme-caca, du cul aux pieds. Je me dégoutais moi-même.
J’arrête. Mais uniquement les citations coprologiques (je pourrais en ajouter une dizaine), afin de ne pas faire fuir les Académiciens. (Varguitas dispose-t-il d’un pantalon de rechange dans sa trousse de nouvel académicien ? Monsieur Gallimard y a t’il pensé ? Ce serait judicieux, malgré le coût : 3000 euros pièce, une broutille à côté du prix du pyjama complet : 40.000 euros, ce qui n’est pas rien par ces temps de crise capitaliste et des sdf qui dorment la nuit sur des cartons et sans pyjama entre les colonnes de la Coupole.)
Je disais au début de ce pamphlet que “Los Vientos” (Les pets, donc) était la dernière nouvelle de Vargas Llosa, mais aussi, probablement, sa confession et son testament. Or, avant de trépasser, il n’a pas pu résister à sa vocation machiste et il règle ses comptes avec les femmes, sans aucune considération à leur égard. Le cas de la mère de ses enfants et sa compagne pendant 50 ans est pathétique. À New York, il l’humilia en l’abandonnant noyée dans ses pleurs, lors de la célébration familiale traditionnelle de Noël, pour aller festoyer un peu plus loin avec sa concubine, Isabel, laquelle avait tout organisé pour l’inauguration de sa foire de luxe, Porcelanosa, Prix Nobel de Littérature à l’appui. Réussite totale et ventes pharaoniques. Aujourd’hui, l’écrivain nobélisé et académisé se dit rongé par les remords. Ayant rompu avec son hétaïre après 7 ans de fornications chimiques de plus en plus rares et compliquées (à cause des vents, précisément), il écrit ceci, toujours dans “Los Vientos” :
Pero, en cambio, de Carmencita, mi mujer por muchos años, me acuerdo muy bien. (...) Todas las noches, parece mentira, desde que cometí la locura de abandonarla pienso en ella y me asaltan los remordimientos. Creo que solo una cosa hice mal en la vida: abandonar a Carmencita por una mujer que no valía la pena (...) Nunca la quise. Fue un enamoramiento violento y pasajero, una de esas locuras que revientan una vida (…) Fue un enamoramiento de la pichula, no del corazón. De esa pichula que ahora ya no me sirve para nada, salvo para hacer pipí...
En revanche, je me souviens très bien de Carmencita, qui fut ma femme pendant de nombreuses années. (…) Chaque nuit, c’est la vérité, depuis que j’ai commis la folie de l’abandonner, je pense à elle et je suis assailli par les remords. Je crois avoir mal fait une seule chose dans la vie : abandonner Carmencita pour une femme qui n’en valait pas la peine (…) Celle-là, je ne l’ai jamais aimée. Ce fut une amourette violente et passagère, l’une de ces folies qui font exploser une vie (...) Une amourette de la bite, pas du cœur. De cette bite qui maintenant ne me sert à rien, sauf à faire pipi...
Passons sur les détails urologiques du texte, à l’origine du sobriquet « Viagras Llosa » sous lequel le Prix Nobel est reçu dans les salons franquistes, et imaginons ce qu’éprouva Isabel Presley, sa fille Tamara et le Tout Madrid en lisant “Los Vientos” ! Donc, après avoir écrasé sans pitié son épouse à New York, Vargas Llosa chie directement (c’est le cas de le dire) sur l’une des plus belles, raffinées et délicates hétaïres d’Europe. Isabel, qui se vante d’avoir toujours évité d’être éclaboussée par les scandales qui l’entourent, est désormais souillée irrémédiablement par la merde de son ex-concubin. Avoir séduit un « sudaca » (sud-américain, en argot de Madrid) qui n’a rien de « un señor » (dit-elle maintenant), ne lui a pas réussi. Le roi émérite d’Espagne (invité d’honneur de Varguitas à la cérémonie sous la Coupole), pourrait lui expliquer les raisons pour lesquelles il l’a anobli "ex æquo" avec Vicente del Bosque, l’entraineur du Real Madrid Foot-ball Club. Juan Carlos I, doté d’un QI à la limite "normale inférieure", mais supérieur quand même à ceux de toutes les têtes couronnées d’Europe (y compris, au QI du lumineux Charles III d’Angleterre) et bardé d’histoires de cul à faire pâlir un Guy des Cars, apportera, parallèlement à sa promenade en bateau mouche sur les eaux de la Seine, son appui intellectuel et sentimental au nouvel Immortel. Cela en français, langue qu’il baragouine depuis son enfance royale.
Sans doute, Vargas Llosa, en romancier chevronné, dira que tout ceci n’est que de la fiction et que toute ressemblance entre les personnages de son histoire avec des personnes et des épisodes de sa vie, n’est que pure coïncidence. Et, probablement, il essayera d’expliquer la différence entre fiction et réalité dans son discours de réception à l’Académie. Il convaincra facilement ses nouveaux confrères, d’autant plus que les Académiciens ne l’écouteront pas, embêtés comme ils le seront pour accommoder leurs masques à gaz (s’ils ont eu la chance de lire à temps ce pamphlet). Il sera plus difficile de convaincre de sa bonne foi la pauvre Isabel Presley (en réalité, richissime), qui l’a gracieusement hébergé pendant des années dans sa Villa Meona, lui offrant chaque jour d’énormes “chuletones” de viande de « toro de lidia » (fighting bull T-bone steak), ce qui explique la bedaine indécente du nobélisé, point de départ de tous ses vents et, bien sûr, de son caca…
Bref.
Pour des raisons d’hygiène spirituelle, je reviens un instant sur les données psychopathologiques de la nouvelle. Les Vents auraient mérité un meilleur traitement de la part de son auteur. L’anecdote est très humaine : un vieillard perd la mémoire dans la rue et ne sait plus comment rentrer chez lui. C’est émouvant. Alors, pourquoi avoir mis de la merde partout dans le texte, sans cela, plutôt acceptable? Le récit permet d’imaginer -toutes distances gardées- quelques liens intertextuels avec L’homme du sous-sol, de Dostoïevski, et les Fictions, de Borgès. Le travail intertextuel sur ces liens, rendus explicites et métonymiques, aurait permis au romancier de passer d’une nouvelle conventionnelle (malodorante) à un Intertexte bien plus frais. Or, Varguitas, en écrivain d’arrière-garde, est collé esthétiquement au XIXe siècle. Ce qui est certain, c’est qu’il est vraiment rongé par des sentiments de culpabilité (mais uniquement pour ses affaires de cul et, en aucun cas, envers les millions de pauvres d’Amérique Latine qu’il a toujours méprisés). En masochiste inattendu, il essaye de détruire sa propre image en s’enduisant de caca. Et, ce faisant, il emmerde ignoblement son ex-concubine, son ex-épouse et sa famille. Ainsi que les Immortels de l’Académie Française, déjà bien emmerdés (au sens figuré, bien sûr) sans cela.
(L'intégralité du pamphlet "Autant en emportent les vents"est publiée en version papier et en version e-book sur Amazon.fr.)