Je suis les manifestations toulousaines depuis un mois et avant cela, Sivens, bien avant le drame qui l'a propulsé sur la scène nationale.
Citoyen, je partage certaines indignations. Journaliste, je garde mes distances et je tente d'être honnête. En toute subjectivité.
Manifestants, n'en doutez pas, je vous trouve courageux. En dépit du marasme, vous luttez pour vos idées. Cela est admirable.
Vous exigez moins de violences policières. Je suis d'accord. Quand un jeteur de pierre lève les mains, désarmé, face à un policier, il ne devrait pas être "défoncé" contre un mur puis malmené au sol. La violence légitime de la force publique est ici sans fondement.
Ceci dit, plus les cortèges passent, plus vous me faites penser au taureau chargeant la muleta. Vous demandez un tissu moins rouge, moins grand, ou des banderilles moins piquantes. Vous vous en prenez à l'instrument du pouvoir et non au pouvoir lui même.
Vous manifestez, sans déposer de préavis. Vous n'avez pas compris le principe de cette action. La manif n'est qu'un moyen de pression. Pas une fin en soi. Il ne s'agit pas de manifester un après-midi, puis de rentrer chez moi. J'appelle ça le syndrome Avaaz : "je signe une pétition sur internet contre la déforestation et je me sens bien car je suis un vrai militant".
En menaçant de manifester, on dit "acceptez mes revendications, sinon...". On négocie. Quelle marge de négociation dans les manifestations du samedi ? Et si tant est qu'il y en ait, qui pour les mener ? Comment l'État, dans sa logique, pourrait-il même y accéder puisque vous n'avez pas de représentant-es ? A qui le pouvoir pourrait-il parler s'il le désirait ?
Les étudiants organisent des AG. Ils élisent un comité d'organisation. À 400, ils sont plus audibles dans la rues que vous le fûtes à 2000.
Ce mouvement, votre mouvement est improductif, voir contre-productif. Vous alimentez le mépris du gauchiste qui sommeille chez chez les "braves gens". Ceux qui devraient vous rejoindre parce que les fins de mois sont difficiles, parce que les banques serrent la vis au quotidien et qu'au final, ce sont elles qui mènent la danse.
Vous cassez les distributeurs, c'est bien puéril. Les assurances paient. Les machines seront remplacées. Bruleriez-vous une agence, que cela ne serait pas plus efficace. Si vous voulez dénoncer les dysfonctionnements du système bancaire, il faut le décrédibiliser. Pas en faire une victime.
Vous voulez changer le monde ? Vous pataugez en plein dedans. Comme tout le monde. Vos forums de discussion sont sur facebook, la quintessence de notre époque en matière de commercialisation de nos vies privées. Vous y poussez des cris écrits : "Nous sommes Sparta", "Ouaa". Belle façon d'avouer votre intégration totale et inconsciente à cette société de consommation que vous êtes nombreux à décrier.
Bref, en agissant tel que vous le faites, vous vous condamnez à une jacquerie du 21e siècle. Un de ces mouvements de colère aveugle et dépourvu d'espérance. En définitive, vous ne ferez que légitimer le pouvoir et sa répression.