La Palestine, l’Algérie … et le grand remplacement.

Samedi dernier j’ai eu l’occasion de visiter l’exposition « Ils ont fait de nous du cinéma » de Dalila Mahdjoub  dans le cadre du Printemps de l’Art Contemporain. J’ai de plus eu la chance qu’elle  nous soit présentée par son autrice. 
Je recommande chaudement d’aller voir cette exposition si vous habitez Marseille ou même si vous n’y êtes que de passage. Elle se tient jusqu’au 6 juillet à la Compagnie,19 rue Francis de Pressensé, dans le premier arrondissement.
Depuis, cette exposition m’habite et d’ailleurs en manifestant le lendemain pour la Palestine et la Nouvelle Calédonie, plusieurs liens m’ont sauté au visage.
En effet, ce que j’ai découvert dans cette exposition c’est que, pendant la guerre d’Algérie, dans sa lutte contre les rebelles qui venaient parfois pendant les nuits se ravitailler dans les villages, l’armée coloniale française a obligé de nombreux villageois.es à quitter leur terre pour des « centres d’hébergements » qui n’étaient en fait que des camps. Les terres et les animaux ont ensuite été passé.e.s au napalm.  Ces actes mal connus de l’armée française ont bien entendu eu des conséquences pendant des décennies sur le territoire de la république algérienne et en ont certainement encore aujourd’hui. 
Juste en face de cette carte des nombreux camps de regroupements ou « mille villages » créés en Algérie à partir de 1955, se tient le verso d’une image sur lequel le grand père de l’artiste à écrit à son fils depuis l’un de ces "camps". J’ai été surpris du fait que ce court texte soit écrit en français et non en arabe. En discutant avec l’artiste j’ai ainsi appris que des imams avaient été tué dès le début de la colonisation française. Je ne suis pas allé vérifier cette information mais il faut a minima en conclure que comme lors de chaque guerre les détenteurs du savoirs ont été parmi les premiers visés. 
Le lendemain en allant manifester pour le peuple Palestinien nous nous sommes retrouvés avec Dalila et avons poursuivi la discussion autour de son travail et du sens très fort qu’il avait et nous en sommes venus à discuter de la différence évidente dans les processus de décolonisation vécus par l’Algérie et les pays voisins, Maroc et Tunisie. Il nous est alors apparu que la particularité du colonialisme en Algérie résidait dans son caractère «  de peuplement » …. comme Israel en Palestine, comme les colons européen en Amérique du Nord revendiquant « une terre sans peuple pour un peuple sans terre », c’est à dire en niant l’existence des habitant.e.s vivant sur ces territoires. Les liens entre les USA et Israel m’avaient déjà percuté en lisant le livre de Roxanne Dumbar-Ortiz « Contre histoire des États-Unis ». Le peuplement de la Palestine par les colons d’abord européens présente tant de similarité avec le génocide des indiens d’Amérique qu’on comprend sans mal qu’il soit impossible à ces deux états de se « condamner » l’un l’autre concernant ces questions de colonialisme. Je m’étais ainsi dit après avoir fini cet ouvrage que jamais les USA ne condamnerait Israel car ce serait condamner leur propre histoire.
Par contre je n’avais pas fait le rapprochement avec la colonie de peuplement de la France en Algérie. On connait bien les racines algériennes de l’extrême-droite française. Or en continuant à discuter nous en sommes venus à évoquer le fait que tant l’extrême-droite que Renaud Camus justifient leur peur du « grand remplacement » en citant un soit-disant discours de Houari Boumédiène aux Nations-Unies en 1974. En recherchant la phrase citée dans le fameux discours, elle semble ne pas s’y trouver, ce serait donc une fake-news mais ce qui nous a ensuite frappé c’est qu’à nos yeux ce concept du « grand remplacement » semble presque risible, sans fondement. Pour quelle raison l’extrême-droite agite-t-elle donc ce chiffon rouge ? 
Ce qui nous apparût alors c’est que parmi les raisons de l’apparente efficacité de ce chiffon rouge réside peut-être des liens avec le colonialisme de peuplement en Algérie. Ne serait-ce pas parce que des français ont nié l’existence d’habitants sur un territoire qu’ils sont aujourd’hui apeurés à l’idée que d’autres pourraient leur faire subir un sort semblable ? En d’autres mots, l’héritage de cette colonisation de peuplement ne se manifesterait-elle pas aujourd’hui par cette peur du grand remplacement agitée par l’extrême-droite et loin de la trouver absurde ou aberrante elle opérerait justement auprès de personnes héritières d’un rapport au monde capable d’une telle ignominie ?