La décision controversée du Conseil d'administration de France Télévisions de mandater Patrick de Carolis, le Président directeur général de l'entreprise publique, pour ouvrir des négociations exclusives avec le consortium formé de la Financière Lov, du producteur Stéphane Courbit, et de Publicis, pour la cession de France Télévisions Publicité est le dernier épisode en date du mauvais feuilleton de la suppression de la publicité sur France télévisions.
Episode 1 : devant un parterre de journalistes médusés, le Président de la République annonce en janvier 2008 sa volonté de supprimer la publicité sur l'audiovisuel public et en particulier sur France Télévisions. Beaucoup a été dit sur cette annonce, largement inspirée par Alain Minc, qui n'avait pas été discutée et préparée et dont l'impact avait donc été totalement sous-estimé.
Episode 2 : face aux remous provoqués par cette annonce, le Gouvernement et le Parlement tentent d'organiser la réflexion a posteriori, en feignant de croire que tout n'est pas déjà décidé par l'Elysée. Une commission réunissant des parlementaires et des professionnels de l'audiovisuel, qui devait être initialement conduite par Frédéric Mitterrand, se réunit finalement pendant quelques mois sous la présidence de Jean-François Copé. Avant même que cette commission puisse rendre son rapport, le Président de la République décide d'annoncer publiquement les grandes lignes de la réforme de l'audiovisuel qui seront la suppression progressive de la publicité et nomination directe par ses soins du Président de Radio France et du Président de France Télévisions.
Episode 3 : la combativité de l'opposition et les maladresses de la Ministre de la Culture et de la Communication dans la conduite du débat parlementaire organisé à l'automne pour mettre en oeuvre cette réforme pousse le Gouvernement a demandé au Conseil d'administration de se faire Hara-Kiri et de supprimer lui-même la publicité sur France télévisions, sans attendre le vote de la loi qui ne peut intervenir à temps, en janvier 2009.
Episode 4 : la publicité est supprimée entre 20H00 et 6H00 sur France Télévisions, sans que l'on puisse observer une amélioration de la qualité des programmes sur les chaînes concernées et sans que les annonceurs disparaissent totalement des écrans pendant les soirées et la nuit (persistance du parrainage des programmes, du sponsoring des événements sportifs ou des cadeaux dans les jeux télévisés).
Episode 5 : début 2010, alors que la suppression partielle de la publicité est mise en oeuvre depuis un an, l'Union européenne fait part à la France de ses réserves sur la taxe sur le chiffre d'affaires des chaînes privées de télévision qui a été mise en oeuvre pour financer la compensation versée par le Gouvernement à France Télévisions.
Episode 6 : saisi de la légalité de la délibération du Conseil d'administration de France Télévisions de supprimer partiellement la publicité avant le vote de la loi sur le sujet, le Conseil d'Etat s'apprête à annuler cette délibération, s'il décide de suivre les conclusions du rapporteur public saisi sur cette affaire.
Episode 7 : Pierre Joxe, qui s'apprête à quitter le Conseil constitutionnel après 9 ans en son sein, révèle, dans son ouvrage Cas de conscience, qu'il aurait aimé publier une "opinion différente" quand la haute juridiction constitutionnelle a eu à se prononcer sur la constitutionnalité de la loi réformant l'audiovisuel public car il estimait que cette décision n'était pas fondée en droit.
Episode 8 : Le Conseil d'administration de France Télévisions, fortement incité par le Gouvernement, décide d'ouvrir des négociations exclusives avec Stéphane Courbit et Publicis pour la cession de France Télévisions Publicité, alors que cette privatisation ne se justifie pas sur le fond, que l'égalité entre les candidats n'a pas été respectée (Patrick de Carolis a rencontré personnellement Maurice Lévy, Président de Publicis, ce qu'il n'a pas fait avec les autres candidats) et qu'un conflit d'intérêt évident a été révélé par Mediapart (Alain Minc, inspirateur du du Président de la République lors de son annonce de la suppression de la publicité dans les entreprises audiovisuelles publiques est aussi le conseiller de Stéphane Courbit, dont il a reçu de nombreuses actions gratuites).
Je ne connais pas encore le prochain épisode, mais ce feuilleton est vraiment inquiétant et pathétique tant la collusion des intérêts privés et publics est évidente, l'amateurisme gouvernemental frappant et l'absence de démocratie criante.
Espérons que les Français se rendront vite compte de ce nouveau scandale d'Etat et que l'Elysée nous épargnera un nouveau mauvais épisode...