Lundi 22 mars, l'Elysée a annoncé un nouveau remaniement ministériel. Qualifié de technique, il est en réalité particulièrement politique et a pour victime collatérale le ministère en charge du travail et des affaires sociales.
Après Xavier Bertrand (mai 2007 à janvier 2009), Brice Hortefeux (janvier 2009 à juin 2009) et Xavier Darcos (juin 2009 à mars 2010), Eric Woerth devient le quatrième ministre du travail et des affaires sociales en 3 ans.
Ces changements fréquents pourraient s'expliquer par la difficulté des enjeux à traiter et des réformes à mener dans ce ministère qui épuiseraient les titulaires successifs du portefeuille ministériel. Il n'en est rien. Cette instabilité ministérielle témoigne du peu d'intérêt manifesté par le Président de la République pour le travail et les affaires sociales et de l'incapacité des ministres successifs à prendre la mesure de leur mission afin de pouvoir s'y investir pleinement.
Ce nouveau changement de ministre est une mauvaise nouvelle pour le dialogue social en France. Les organisations syndicales et patronales ont besoin d'un interlocuteur stable Rue de Grenelle qui soit en mesure de construire une relation de confiance à moyen terme et dispose d'une bonne connaissance des dossiers. Dés lors, quel que soit le talent d'Eric Woerth, il aura bien des difficultés à mener à bien la réforme des retraites car il ne pourra pas construire une relation de qualité avec les acteurs du dialogue social en quelques mois et maîtriser tous les enjeux de ce dossier technique et particulièrement sensible politiquement.
C'est aussi une mauvaise nouvelle pour les agents du ministère qui connaisse actuellement un intense mouvement de réformes, notamment au niveau déconcentré avec la création de nouvelles directions régionales regroupant les services du ministère du travail et du ministère de l'économie.
C'est enfin une mauvaise nouvelle pour le fonctionnement démocratique de notre République. En effet, ces changements fréquents de ministres conduisent inéluctablement à une translation du pouvoir vers les structures politiques et administratives qui s'inscrivent dans la durée. En l'occurrence, les bénéficiaires sont le Conseiller social du Président de la République, Raymond Soubie, le Conseiller social du Premier ministre, Eric Aubry, et les directeurs des administrations centrales placées sous l'autorité (supposée) du ministre. Ce déplacement du centre de gravité du pouvoir vers des personnes et structures ne bénéficiant d'aucune légitimité démocratique et n'étant pas responsables devant le Parlement n'est pas acceptable.