Dans moins de 70 jours nous nous rendrons aux urnes pour participer aux élections présidentielles. En tant qu’électeurs de gauche, attendant la mise en œuvre d’une politique de justice sociale et d’action écologique depuis longtemps, nous pourrions avoir le sentiment qu'à l'entrée du bureau de vote, sur le fronton figurera « Toi qui entres ici, abandonne tout espoir ».
L’idée d’une gauche irréconciliable, se déchirant dans des luttes intestines, semble plus que jamais devoir se vérifier. L’espoir (déjà faible) de voir la Primaire Populaire permettre l'émergence d’un candidat rassembleur a échoué. Sans juger de son opportunité, la candidature de Mme Taubira ajoute de la désunion à la désunion et la perspective de voir nos idées présentes au second tour tient de plus en plus du mirage.
Sommes-nous condamnés à assister impuissants à un second round réunissant droites et extrêmes droites à chaque élection présidentielle ? Pour notre part, nous pensons qu’il est temps de changer de stratégie afin de nous donner à nous, citoyens de gauche, les moyens d’avoir un représentant qui soit de nouveau en mesure de gagner les élections, sans attendre passivement une éventuelle recomposition dans les années à venir. Il est urgent d’offrir de vraies perspectives de progrès social et écologique à notre pays. Nous proposons aux citoyens progressistes de s’organiser dès à présent autour d’un principe inébranlable : « Si la gauche se présente en ordre divisé et sans avoir construit un programme commun, nous ne voterons pour aucun des candidats : nous voterons blanc ! ». En affirmant et en faisant vivre ce principe, nous reprenons le pouvoir, celui de contraindre les forces politiques de gauche et de l’écologie à se rassembler pour les élections futures.
Bien sûr, la construction de ce programme commun devra se faire dans le débat, en respectant les valeurs propres à chaque mouvement politique, mais nous ne pouvons croire que nos représentants soient incapables de comprendre l’importance de la logique de consensus. Quoiqu’ils puissent prétendre, les points de rencontre entre les différents partis de gauche et de l’écologie sont sans conteste plus nombreux que leurs divergences. Il devient insupportable de les voir chercher inlassablement leurs meilleurs adversaires dans leur propre camp, et mettre en scène en permanence leurs désaccords dans l’espoir qu’on parle d’eux.
Pour autant, il ne s’agit pas d’aboutir à un programme light, vidé de toute ambition et de détermination à vouloir transformer la société. Le consensus est plutôt le résultat d’une discussion sérieuse, et met en action l’intelligence collective des partenaires qui s’y engagent, pour faire émerger des solutions fortes mais acceptables par l’ensemble des participants. Nous n’appelons pas à un renoncement mais à la réunion des intelligences des forces politiques de gauche pour innover, pour incarner ce réformisme radical que doit être la gauche de gouvernement. En d’autres termes, les enfantillages doivent cesser, et laisser place à une certaine maturité politique. Les logiques de partis et les considérations personnelles ne doivent plus prévaloir sur l’intérêt commun.
Aujourd’hui, les partis politiques de gauche doivent composer avec une réelle contradiction : présenter un candidat à l’élection présidentielle est pour eux le seul moyen d’assurer leur visibilité et leur viabilité, mais s’obstiner à vouloir le faire leur garantit collectivement la défaite. Ainsi ils choisissent presque à chaque fois de perdre chacun séparément plutôt que de gagner ensemble.
La question qui nous est posée est donc la suivante : peut-on attendre des politiques qu’ils choisissent par eux-mêmes de renouveler leurs méthodes ? Leur demander d’être porteurs du changement, cela revient à croire que le Baron de Münchhausen peut réellement se soulever de terre en se tirant par les cheveux. Le changement dans le système peut en revanche venir de nous, électeurs. Affirmons que, malgré nos éventuelles différences de convictions, ou de hiérarchisation des combats, nous sommes prêts à imposer une stratégie d’union aux mouvements qui sont censés nous représenter ! Un gouvernement de l’Union de la gauche permettra aux mesures de progrès social et écologique d’exister, un gouvernement libéral et conservateur en provoquera inexorablement le recul. Que voulons-nous vraiment ?
Les enjeux nous les connaissons, et pour ainsi dire le temps nous est compté. Notre entrée dans l’anthropocène et les dégâts que nous occasionnons sur Terre ne peuvent plus sérieusement être niés. Bien sûr nous pouvons nous réfugier dans une stratégie du « Don't Look (up) », faire mine de rien, ne rien changer, et aller droit vers les catastrophes en chantant. Mais si nous souhaitons un tournant dans la politique, ce changement doit intervenir le plus vite possible. Si les élections de 2022 semblent bien parties pour nous échapper, nous ne devons pas rater les rendez-vous suivants. Les effets du changement climatique sont de plus en plus concrets, de plus en plus sensibles. Le renforcement des inégalités, des fractures sociales, du repli identitaire, la montée de l'intolérance et de la xénophobie, sont des phénomènes tout aussi inquiétants que les bouleversements écologiques. Nous devons disposer le plus rapidement possible de représentants qui soient à la hauteur de ces enjeux et en mesure de mener une politique rationnelle et efficace.
Pour nous donner cette chance, ne laissons plus les choses nous échapper ! Envoyons un signal fort dès le 1er tour des présidentielles : votons blanc !
Collectif Gauche Utile 2022
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