Ceci n’est pas une manifestation, ceci est un zoo
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REPORTAGE – Un bocal à poissons. Un zoo. Une nasse. Un syndicalisme domestiqué. Un manège à poneys. Une mascarade. Un ersatz de défilé. Une émission de TV réalité… Les qualificatifs ne manquent pas pour décrire la manifestation du jeudi 23 juin contre la loi travail autour du bassin de l’Arsenal, à côté de la place de la Bastille.
Ce parcours très inhabituel est né d’un compromis entre la Préfecture, qui souhaitait simplement interdire ce défilé, et les syndicats, qui souhaitaient exercer leur droit constitutionnel.
L’ensemble du quartier était bouclé dès le matin par un important dispositif policier : 2 100 agents avaient été mobilisés, des grillages fermaient les plus grandes rues, et le camion à eau a été aperçu, attendant son heure.
Pour pénétrer à l’intérieur de ce grand cirque, il fallait montrer patte blanche. La sélection était plus drastique qu’en boîte de nuit. La possession de la moindre fiole de sérum physiologique, de banales lunettes de plongées ou de simples écharpes suffisaient à vous rendre suspect et à vous interdire l’accès à la place.
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Carte des nombreuses manifestations parisiennes du 23 juin
Les différents rendez-vous du 23 juin, jour de manifestation contre la Loi Travail. De quoi donner une idée de l’ampleur des mouvements spontanés lancés par certains militants. Vous pouvez également découvrir l’issue de chaque manifestation. Cette carte illustre la capacité de mobilisation rapide et multiple des militants.

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« Un pas de travers, petit citoyen, et tu finiras au commissariat. »
Le 23 juin, je ne cesse de fredonner « Nous vivons dans un état policier, un état policier » car où nous allions, les flics/condés/policiers/gendarmes/CRS sont là. Et nombreux. Toujours plus que nous. Plusieurs fois, je vois passer une succession ininterrompue de fourgons de CRS qui, gyrophare allumé, gueules fâchées, filent, filent, filent en grillant les feux rouges pour rejoindre les territoires occupés par les manifestations sauvages.
Pourquoi une telle mobilisation policière ? L’état d’urgence ? La peur des « casseurs » ? La police est là, plus présente que le peuple révolté, pour montrer que le gouvernement sait gérer ses citoyens ; que la main (in)visible de l’État est presque collée à la joue du citoyen « pas-content », pour le frapper et le faire taire si jamais ledit citoyen allait trop loin vis-à-vis des décisions prises par la majorité et le gouvernement. Un pas de travers, petit citoyen, et tu finira au commissariat.
Selon France Info, il y a un flic au mètre carré dans la petite manifestation prévue par l’État-Syndicat. Une présence policière hors norme, du jamais vu. Un contrôle sécuritaire encore plus grand que sur une fanzone, digne de l’établissement d’un état d’urgence encore plus répressif. Plus de 2000 flics sont là pour répondre à la manifestation, et un camion à eau attend sagement rue du Chemin-Vert. Au cas où…
Pour comprendre l’indignation (quasi) générale du mouvement Nuit Debout, décrivons la présence policière sur le territoire parisien en ce 23 juin.
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Témoignage de Savannah, au cœur de la manif sauvage à Belleville
TEMOIGNAGE – Pseudo-manifestation jeudi 23 juin à la Bastille. Notre groupe, parti de République à 13h, a dû se plier à six ou sept contrôles de police avant de parvenir place de la Bastille. Nous avons été fouillés, vêtements et sac à dos, avec déroulement des banderoles, vérification de la carte d’identité, etc.
Après la mascarade consistant à nous faire tourner en rond sur un kilomètre et demi, un certain nombre d’entre nous sommes retournés place de la République. La frustration s’est déversée dès les premières minutes de l’Assemblée. On n’avait pas pu exercer librement notre droit de manifester. On ne voulait pas en rester là. Nous voulions faire une manifestation sauvage.
Pour la première fois depuis que j’assiste aux Assemblées de Nuit Debout, les personnes présentes ont accepté à l’unanimité de modifier l’ordre du jour pour parler de l’organisation d’une manif sauvage. Mais pas folle la guêpe ! Partir où ? Dans quel but ? Pour faire quoi ? Pour être nassés à 20 mètres de la place ?
Un bruit parvient à mes oreilles. Ménilmontant 19h30.
Le mégaphone qui porte la voix de l’Assemblée m’appartient. L’heure approche. La discussion sur « comment dire à tout le monde où aller sans se faire griller » continue. Je prends la parole : « Ce mégaphone c’est le mien. Il faut que j’aille quelque part. Qui m’aime me suive. »
L’info a été communiquée à deux autres personnes. On s’est divisés en trois groupes pour prendre le métro, si possible via des itinéraires différents. Et ça a très bien réussi. Nous avons semé les flics sur le quai du métro en longeant les rames sans monter dans les wagons. C’était l’heure de pointe. Nous sommes arrivés à Ménilmontant par plusieurs lignes différentes, nous ne sommes pas tous descendus à la même station. Nous avons finalement réussi à tous gagner le point de rassemblement sans être escortés par la police. Sans même qu’elle parvienne à nous suivre, semble-t-il.
Puis, après presque une heure d’attente, sans trop savoir si c’était LE bon moment ou pas, nous nous sommes lancés. Nous nous sommes sans doute laissé porter par les plus motivés et leurs objectifs, et par les meilleurs connaisseurs du terrain.
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Des nouvelles de Sébastien, grièvement blessé lors d’une manifestation sauvage
RÉCIT – Une centaine de personnes parties en manifestation sauvage depuis Ménilmontant pressent le pas ce jeudi 23 juin vers 20h. Plusieurs dizaines de fourgons de CRS se rapprochent et cela fait déjà une heure que la petite foule est partie, semant les forces de l’ordre à plusieurs reprises. Jusqu’à ce croisement où, dissimulés dans une rue adjacente, les CRS les attendaient, armés. Panique générale, les coups de matraque pleuvent, la foule se disperse.
Mais à l’angle des rues Saint-Maur et Oberkampf, Sébastien, fondateur de la commission SDF-Nomades à la Nuit Debout depuis le début du mouvement, qui courait en queue de manifestation à cause de son sac à dos, est visé par un CRS. Si tous les manifestants soutiennent la casse des vitres du siège de la CFDT, lui n’y a pas pris part, comme d’autres. Plusieurs coups de matraque à la tête et il s’effondre. Inconscient. Il recevra encore plusieurs coups aux jambes et dans le dos, ainsi qu’un sévère coup de pied de la part d’un deuxième CRS quelques secondes plus tard, comme l’attestent les vidéos tournées par des manifestants et des journalistes indépendants.
Quelques heures plus tôt, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve félicitait chaudement les forces de l’ordre pour leur encadrement de la manifestation Bastille-Bastille, qui se limita à un double tour du bassin de l’Arsenal. Prouesse de maintien de l’ordre s’il en est.
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Le guide pratique du manifestant par Avocats Debout
Les Avocats Debout viennent de publier un guide pratique du manifestation à destination de tou-te-s les camarades soucieux de connaitre leurs droits lorsqu’ils exercent leur liberté fondamentale qu’est celle de manifester.
Vous apprendrez ce qu’il en coûte d’organiser et de participer à une manifestation sauvage, par quels moyens prouver son identité lors d’un contrôle de police, quelles sont les règles concernant les palpations et fouilles, quels sont vos droits en cas de garde à vue (garder le silence, voir un médecin, prévenir un proche, être assisté par un avocat) et de comparution immédiate ainsi que la conduite à tenir en cas de violences policières. Un guide détaillé de 5 pages, complet et exhaustif à télécharger ici.