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Billet de blog 30 juin 2021

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Prolégomènes à une victoire de la gauche radicale et humaniste en 2022 N°2

De la nécessité de la visée communiste

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"Le livre noir du communisme" qui a défrayé la chronique littéraire il y a maintenant près de 25 ans, a été un des vecteurs puissants de l'idéologie anti-communiste et a trouvé une déclinaison politique particulièrement indigne, à mon sens, en 2019 lorsque le parlement européen, de l'extrême droite aux verts, a voté une résolution décrétant que la Deuxième Guerre mondiale a eu pour déclencheur le Pacte germano-soviétique, autrement dit les responsabilités sont partagées entre Hitler et Staline, que leurs régimes totalitaires, communiste et nazi, doivent être également assimilés et condamnés et que les symboles « totalitaires » persistent en Europe, mais heureusement plusieurs pays ont interdit les partis et les symboles communistes.

L'écrivain Thomas Mann avait de façon prémonitoire déjà répondu dès 1942 à cette prise de position insensée en écrivant : « Placer sur le même plan moral le communisme russe et le nazi-fascisme, en tant que tous les deux seraient totalitaires, est dans le meilleur des cas de la superficialité, dans le pire c’est du fascisme. Ceux qui insistent sur cette équivalence peuvent bien se targuer d’être démocrates, en vérité, et au fond de leur cœur, ils sont déjà fascistes ; et à coup sûr ils ne combattront le fascisme qu’en apparence et de façon non sincère, mais réserveront toute leur haine au communisme.»

Au-delà de l'obscénité qu'il y a à mettre un signe d'égalité entre un régime qui instaura les camps d'extermination et le régime dont l'armée s'est sacrifiée pour libérer ces mêmes camps, au-delà du recul pris par des contributeurs à l'ouvrage cité plus haut - Nicolas Werth notamment - en raison des aberrations factuelles qu'il énonce et son caractère par trop idéologique, au-delà des recherches récentes qui se poursuivent en Russie pour éclairer le passé douloureux de ce pays, au-delà de l'appréciation portée sur l'histoire de la Russie de 1917 à la fin de l'URSS il y a 20 ans, la question essentielle qui nous occupe aujourd'hui est celle-ci: pourquoi parle-t-on encore et toujours de communisme à propos de régimes politiques, d'organisations sociales, de systèmes productifs, qui n'ont pratiquement aucun rapport avec ce que Marx et Engels ont théorisés sous la notion de société sans classes?

Pas plus qu'on ne juge un individu sur l'idée qu'il a de lui-même, il ne faut juger une société sur l'idée qu'elle se fait d'elle-même, ont-ils écrit. Et a fortiori les qualificatifs accolés à tel ou tel système politique par les tenants d'un ordre bourgeois qui n'a pas hésité à déclarer "plutôt Hitler que le front populaire", ne peuvent être retenus comme crédibles.

Il nous faut donc remettre les idées au clair et en revenir à la source du projet émancipateur de Marx, la visée communiste humaniste, à partir de leurs travaux. 

Mais qui, ayant moins de 40 ans aujourd'hui, a eu l'occasion de travailler les textes de Marx? L'ostracisme subi par ce penseur de la révolution depuis le règne mondial du libéralisme économique et sa cohorte de prêt-à-penser, ne s'est achevé, partiellement qu'à l'occasion de la crise des "subprimes", le monde redécouvrant la pertinence des analyses de l'auteur du Capital! Au niveau universitaire, Marx n'est au programme de l'écrit de l'agrégation de philosophie que depuis...2015! Il s'agit concrètement d'une invisibilisation de l'œuvre de Marx qui a été opérée pendant des décennies de déferlement de théories "post modernes", "post marxistes" et autres, toutes déférentes vis à vis de l'ordre dominant. De visée révolutionnaire, aucune, mais des dénonciations du "communisme", du "marxisme", partout et tout le temps. Mêler Marx et sa visée communiste au stalinisme bureaucratique et criminel, à la Chine de Mao et son actualisation libérale, qualifier le régime de Corée du Nord de "communiste"!, affirmer que le marxisme conduit à un totalitarisme déshumanisant, ne pas hésiter à tirer une ligne reliant les points terreur révolutionnaire-marxisme-léninisme-stalinisme-goulag-pol pot et que sais-je encore, sont des exercices imposés pour tous les idéologues chargés de désespérer tous ceux qui souhaiteraient pouvoir se débarrasser du système capitaliste qui génère, vit et se développe à partir de l'exploitation et la paupérisation du plus grand nombre.

Il faut l'affirmer d'emblée: Marx n'a rien à voir avec une sociologie scientiste ou un matérialisme technologique que certains ont cru bon de lui attribuer. Rien de mécaniste dans sa vision de l'évolution de la société. Au contraire, Marx a été à l'initiative d'une anthropologie novatrice qui a fécondé le travail de psychologue ou philosophe tel que Politzer ou Vigotski, points d'appuis essentiels pour tous les travaux contemporains sur le travail et ses conséquences sociales et psychiques.

Pour Marx, le Communisme est « Une forme de société supérieure dont le principe fondamental est le plein et libre développement de chaque individu » (Capital, livre I, chapitre 22). Déjà le "Manifeste du Parti Communiste" écrit en 1847 par Marx et Engels, proposait une société où le libre développement de chacun serait la condition du libre développement de tous! Une société centrée sur l'individu, et non l'individualisme, ou la propriété sociale des moyens de production et d'échange serait simultanément propriété individuelle en ce sens que toute étatisation confiscatoire de l'initiative de l'individu serait contraire à l'émancipation et au développement vers une société sans classes.

D'autre part le communisme n'est pas un idéal à réaliser ni un état de chose à instaurer c'est le mouvement réel qui met fin à l'état de chose présent. C'est en cela qu'il se distingue du "socialisme utopique" d'un Fourrier ou d'un Owen. Et contrairement à la vulgate anti-marxiste, aucun modèle à imposer à la réalité qu'il faudrait tordre pour que la théorie s'impose, ce schéma est strictement celui des théories libérales, dont on mesure les ravages humains et écologiques, qui prônent un monde de concurrence libre et non faussée imposé par la force des armes (Chili de Pinochet adoubé par les USA, vanté et félicité par Von Hayek, choyé par Thatcher!), par le déni démocratique (référendum sur la constitution européenne dont le résultat notamment en France a été nié par les partis alliés droite et sociaux-démocrates!), par le chantage aux aides au "développement imposé" (privatisation systématique des services publics dans les pays en manque de moyens financiers pour un développement économique et social, imposé par le FMI et consorts).

On mesure ici, sur ces quelques points fondamentaux, qu'il est nécessaire que les forces progressistes se réapproprient à la fois le programme politique de Marx, programme d'émancipation révolutionnaire, en l'enrichissant de l'analyse actualisée des contradictions à l'œuvre dans nos sociétés (l'outil privilégié étant la méthode dialectique déployée par Marx dans le Capital), et dépassent les obstacles à l'organisation des luttes, notamment la verticalité des organisations politiques qui entrave plus qu'elle ne favorise l'investissement militant.

Si le constat d'un monde qui court à la perte des humains est partagé, notre visée doit-être à la hauteur du péril. Le dépassement du système capitaliste est à l'ordre du jour, le communisme est sa traduction dans l'action révolutionnaire. 

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