Lettre aux aveugles qui nous dirigent
J’avais relu, comme beaucoup je suppose, « La peste », de Camus. Je viens de terminer « l’aveuglement » de José Saramago, Nobel de littérature lui aussi (en 1998).
Soudain un homme devient aveugle et c’est le début d’une épidémie qui se propage de façon inexorable et fulgurante. Au début, les aveugles sont confinés dans un hospice de fous désaffecté. Mais l’épidémie frappe tout le monde, y compris les militaires qui les gardent. La situation devient apocalyptique. Des hordes d’aveugles essayent de s’organiser pour survivre dans un monde vidé de toute humanité, de tout respect, de toute compassion et où toutes les horreurs sont possibles jusqu’à tuer, violer, frapper pour un peu de nourriture. Les dernières lignes du livre, c’est un médecin qui vient de retrouver la vue, me paraissent utiles à méditer dans ce monde d’aveugles qui nous gouvernent.
« Veux-tu que je te dise ce que je pense. Dis. Je pense que nous ne sommes pas devenus aveugles, je pense que nous étions aveugles. Des aveugles qui voient. Des aveugles qui, voyant, ne voient pas ».
Je ne sais pas pourquoi mais j’ai pensé à tous ces aveugles voyant qui ne voient pas et qui sont censés diriger, orienter nos sociétés, prendre des décisions qui vont engager le monde. J’ai pensé aussi au terrible tableau de Brueghel l’Ancien (1568) « La parabole des aveugles » qui fait référence à la parabole du Christ adressée aux Pharisiens: « Laissez-les. Ce sont des aveugles qui guident des aveugles. Or, si un aveugle guide un aveugle, ils tomberont tous deux dans la fosse. » (Mt 15,14 ; Lc 6,39)
Les aveugles qui dirigent la France n’ont pas vu venir la pandémie, ils n’ont pas vu qu’il n’y avait plus de réserve de masques, qu’il n’y avait pas assez de lits d’hôpitaux, d’infirmières, de médecins, d’aide soignants. Pire, ils ont détruit notre système de santé qui était, autrefois, un des meilleurs du monde..
J’ai peur que ces aveugles voyant ne voient toujours pas, une fois la pandémie passée, et que la France retourne vers une lumière noire et sombre comme celle qu’annonçait le patron de l’ARS du Grand-Est, un certain Christophe Lannelongue.
A tous nos aveugles en chef, énarques coupés des réalités du pays, des territoires comme ils disent, à nos politiciens de tous poils, aux économistes du profit et du capital, conseillers en tous genres, je conseille de lire ou de relire « l’aveuglement » de José Saramago .. un visionnaire de l’âme humaine.. mais pas sûr que cela les empêche de fermer les yeux et de dormir et pas sûr qu’au bout du chemin nous trouvions la lumière.