Gédéon Peret

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Billet de blog 15 février 2012

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Chaos (Χαος), un mot grec.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il y a des histoires qui finissent avec fracas, dans la fureur des flammes et le mutisme des horrifiés. A la fin de ces histoires, les vainqueurs pleurent de joie et les vaincus crient de peur. On en retient généralement les symboles, le changement de drapeau sur les monuments, les filles en robes courtes sur les chars de leurs libérateurs -ou tondus entre les mains des laveurs d'honneur- et bien entendu le discours final qui clôt la guerre et répond à celui qui l'avait engendré.

La fin de la Grèce -et d'une certaine Europe- n'a pas cet éclat. Pourtant c'est bien une guerre qui vient d'avoir lieu. Pour s'en rendre compte, il ne s'agit pas de compter les morts. L'Europe a déjà vu pire et n'arrive plus à s'émouvoir pour quelques corps de manifestants qui ne se relèvent plus. Pour comprendre cette guerre, il nous faut contempler la nature du butin: un peuple entier mis en esclavage.

Voilà la Grèce retournée à l'âge de ses cités antiques, lorsque la victoire octroyait droit de vie et de mort sur les vaincus. Cette fois, les chaînes n'ont pas la couleur sombre du métal rouillé. Elles ont la rigueur des décrets d'un plan d'ajustement structurel. Et les vainqueurs n'avancent pas en phalange ni à dos d'étalons; ils ont les cravates ceintrées du cadre supérieur d'une agence de notation. La guerre moderne a troqué le sang de l'épée contre l'encre de la plume, l'Histoire -avec sa grande hache comme dit Pérec- s'est dépuillée de ses mises en scènes et de ses symboles, et le petit monde affairé regarde déjà au loin quand, à ses pieds, des lumières d'espoir s'éteignent. 

Lorsque l'horizon s'est rapproché au point de vous aveugler, qu'une main puissante vous maintient la tête plonger dans l'eau, que les jeunes de 20 ans ont envie de mourir à défaut d'être capable de tuer, qu'il leur faut partir comme un nomade cherchant de l'herbe pour ses bêtes affamées, et sachant que, peut-être, c'est la dernière fois qu'ils verront leurs proches parce qu'ils sont agés, un mot qui a tout rongé alors envahit l'espace et le futur. Chaos, un mot grec. 

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