« Aujourd’hui, samedi, je me suis réveillée épouvantablement fatiguée, épuisée, après seulement trois semaines de rentrée. »
C’est par cette phrase terrible que tu commences cette ultime lettre à ta hiérarchie, Christine. Terrible, oui, car toi, la directrice motivée, à l’écoute des enfants, des parents de ton équipe, tu as déjà décidé de l’irréparable : ton sacrifice sur l’autel d’une institution sourde aux appels maintes fois exprimés du monde enseignant.
Tout ce que tu égrènes dans cette dernière lettre, les directrices et directeurs d’école le connaissent et le vivent au quotidien:
- les difficultés d’organisation d’une rentrée sereine, parce qu’il faut qu’elle le soit,
- les menaces d’une fermeture de classe, les structures pédagogiques à faire, à défaire, à refaire...
- la gestion des absences non remplacées
- le manque de matériel
- la mise en place de réformes inutiles ou stupides qui seront remplacées par d’autre réformes tout aussi inutiles et stupides à chaque changement de ministre
- le manque de soutien de la hiérarchie
- les tableaux à remplir pour les fameuses statistiques dont on ne fait rien
- l’organisation des APC et la violence des rythmes scolaires imposés par Peillon, douillettement installé, son forfait accompli, au Parlement Européen où il ne fait rien
« Je suis tellement fatiguée... » dis-tu, renvoyant ceux qui nous gouvernent à leur indifférence, leur incompétence, leur cynisme, leur arrogance, leur mépris.
« J’ai une boule dans la gorge depuis ce matin et j’ai envie de pleurer et je suis tellement fatiguée. »
Par cette phrase tu exprimes la souffrance des directeurs d’école et des équipes, souffrance forcément tue d’ordinaire, ou plutôt cette souffrance que l’on ne veut entendre : surtout pas de vagues, obligation de réserve, ne rien dire de cette fatigue, de cet intolérable sentiment d’impuissance devant des directives venues d’en-haut, directives imbéciles dont on sait qu'elles déboucheront sur encore plus de stress, qu’elles ménageront encore moins de temps pour les enfants, les parents, les équipes.
Chère Christine, qu’ont-ils fait de toi, de ton enthousiasme, de ton amour de ce métier impossible et magnifique?
Pauvre France, qu’as-tu fait de ton école?