Etre pour la femme qui soutint avec courage et dévouement son grand chanteur d'époux ou contre la mante religieuse qui lui suça la moelle?
Etre pour le maintien en détention d'un violeur patenté et potentiel ou contre le deux poids- deux mesures s'appliquant à un islamologue reconnu et adulé?
Etre pour les fans redonnant leur amour et une chance à leur idole ou contre les neuneus amnésiques venant applaudir un assassin?
Etre pour la réinsertion d'un artiste ayant purgé sa peine ou contre le retour dans la lumière d'un massacreur de femme?
Choisir entre deux maux, le moindre? Choisir ce qui paraît juste?
Sur le dernier cas de figure beaucoup se sont déjà prononcés.
Le juge qui a fait libérer Bertrand Cantat, Philippe Laflaquière a livré sa réaction sur LCI. " Je suis tout de même surpris que dix ans après (la libération) et quinze ans après le drame, il y ait de tels mouvements, relayés évidemment par les réseaux sociaux, ce fameux tribunal médiatique qui tend de plus en plus à remplacer la justice et l'institution judiciaire."
Bien naturellement, Eric Dupond Moretti a encore une fois grogné, éructé, roulé de gros yeux furibards sur le plateau de C'est à Vous - plus Comedia del Arte (en moins subtil) qu'Actor studio, le Dupond. L'ogre des prétoires, toujours prompt à vouloir défendre la sérénité de la Justice - mais gourmande gourgandine des medias - a dénoncé le "maccarthysme" de ceux qui s'en prennent au retour sur scène de Cantat. On rappellera au Maître que les artistes poursuivis et empêchés de travailler dans les années cinquante aux Etats-Unis le furent pour des raisons politiques. Rien à voir donc avec un assassin tabasseur, eût-il payé sa dette.
Marie Trintignant est tombée sous les coups de son compagnon, Bertrand Cantat, dans la nuit du 26 au 27 juillet 2003 à Vilnius en Lituanie. Dix neuf coups portés dont quatre au visage par un homme que la jalousie avait rendu dingue, dix neuf coups sur une femme gracile. Marie mourra le 1er août. Six jours d'angoisse qui vont bouleverser à jamais la vie de ceux qui aimaient cette femme lumineuse. Ses parents, Nadine et Jean-Louis Trintignant, ses anciens compagnons, pères de ses quatre enfants Roman, Paul, Léon et Mathias. Fraterie éclatée.
Bertrand Cantat, soutenu par sa femme et les membres de son groupe ("il n'a jamais été violent" mentiront-ils tous au procès), sera condamné à huit ans de prison. Il en effectuera quatre.
"Dix ans après, quinze ans après le drame..." Tout ce temps après... dira le juge...
Le temps n'est pas le même pour tous.
"J'ai payé ma dette à la société" dira Cantat. Le temps de la justice est passé. "Je demande le droit à la réinsertion, le droit à faire mon métier." Le temps de la justice est passé, oui. Cela veut-il dire alors qu'il s'exonère de toute responsabilité? Ne se rend-il pas compte combien sa réapparition dans la lumière, son image à la Une des magazines, son passage dans les médias plus soucieux de pognon-buzz que d'éthique-respect, peuvent être douloureux pour tous ceux qui ont vu leurs existences irrémédiablement traumatisées par son acte?
Ce cynisme, ce manque total d'empathie pour ceux qu'il a fait souffrir, pour ces parents dont il a pris la fille, pour ces enfants que leur mère n'aura pas vu grandir, sont sidérants.
Des assassins ont réussi à faire de leur vie "d'après" une rédemption en s'effaçant pour se mettre au service des autres, constamment torturés qu'ils étaient par leur crime qu'ils jugeaient impardonnable à leurs propres yeux.
Bertrand Cantat est un artiste, un auteur et un compositeur? Qu'il mette son talent au service des jeunes interprètes. Et qu'il foute son ego en sourdine et ferme sa gueule.