Il est urgent de sauver la vie et les écosystèmes menacés par la liberté laissée aux dirigeants de multinationales de polluer, de déverser leurs déchets et d'émettre des gaz à effet de serre en toute impunité. L'Erika a fait naufrage et causé près d'un milliard d'euros de dégâts ; mais les responsables de Total n'ont pas été inquiétés. Tout au plus, au bout de 13 ans en 2012, Total a-t-il été condamné à verser 201 millions € de dommages et intérêts aux parties civiles, dont 13 millions d'€ au titre du préjudice écologique subi soit 0,016% de son bénéfice net de l'année. Quant à Tchernobyl et Fukushima, les responsables ont-ils été punis ? Nous pouvons en douter et, de toutes façons, nous ne le saurons pas. Les leçons sont claires pour les responsables des multinationales : ils peuvent continuer sans crainte de sanctions à jouer au passager clandestin sur notre planète. Le droit existant ne permet ni de les poursuivre ni de les punir quand leurs décisions provoquent des dégâts graves sur l'environnement, même dans les cas où l'équilibre d'un écosystème et donc la vie elle-même seraient compromis. Ils ne sont donc pas incités à agir de manière responsable en matière environnementale.
Cette situation peut changer si les écocides et les atteintes graves à l'environnement sont transformés en crimes et donc susceptibles d'être poursuivis. Une initiative citoyenne européenne (une ICE) propose d'adopter une directive criminalisant ainsi l'écocide dans l'UE, ce qui inciterait les responsables à transformer leurs conduites pour éviter les sanctions. Or le succès de l'initiative citoyenne européenne sur le droit à l'eau nous montre que cette nouvelle voie démocratique peut triompher. Cette ICE visant à transformer l'accès à l'eau et à l'assainissement en bien public a remporté en effet un grand succès. En rassemblant fin juin près d'un million et demi de votes électroniques et 200 000 votes sur papier, elle rend désormais obligatoire l'examen du texte par la commission européenne. Et, dès le 26 juin, Michel Barnier, le Commissaire pour le Marché intérieur, en a tiré les conséquences en déclarant que le secteur de l'eau ne ferait pas partie de la directive sur l’attribution de contrats de concession dans l'Union Européenne. Il a justifié cette décision en précisant que « l'eau est un bien commun fondamental pour tous les citoyens européens », ce qui faisait référence au texte de l'ICE « L'eau, un droit humain ». Ce premier succès d'une initiative citoyenne européenne dans l'UE nous montre qu'il est possible de se saisir de ce nouvel outil démocratique qu'est l'ICE pour obliger la Commission européenne à avancer sur le dossier sensible du droit de l'environnement.
Treize intellectuels, dont notamment Dominique Bourg, Susan Georges, Jean Gadrey, Dominique Meda, Edgar Morin, Pierre Rahbi et Patrick Viveret, viennent de publier dans lemonde.fr une tribune pour soutenir une telle initiative citoyenne qui défend les droits de la nature et des générations futures. Il est important que les lecteurs de Médiapart soient, eux aussi partie prenante de ce combat citoyen. Sa portée dépasse en effet l'Europe et s'inscrit dans le mouvement mondial lancé par l'avocate Polly Higgins pour étendre les compétences de la Cour pénale internationale des Nations Unies à un cinquième crime contre la paix, l'écocide. Pour s'informer sur les dimensions de cette ICE qui demande de développer les droits de la nature et de sanctionner les responsables des dommages graves à l'environnement, il suffit de cliquer sur le lien menant à la "foire aux questions" de son site. Et pour suivre la voix de l'ICE sur le droit à l'eau et contribuer à atteindre le million de signataires nécessaires à son succès, il suffit de cliquer encore sur ce site qui donne des moyens de sauver la vie et de sauver les écosystèmes.