Dans moins d’une semaine, les élections européennes vont certainement porter un coup fatal aux partis européistes français. Les sondages indiquent que le Front National arriverait en tête et pourrait avoir la bagatelle d’au moins 20 députés européens sur les 74 français qui iront nous représenter à Bruxelles et Strasbourg.
Mais le vote FN aux européennes équivaut pour les français à prendre un fouet aux couleurs bleu-blanc-rouge et à se flageller avec entrain pendant cinq longues années. Il ne s’agit pas ici de parler de leurs idées ou de leur programme. Ils pourraient défendre les droits des canards de la fête foraine ou la mise en place d’une centrale nucléaire sur la lune, cela ne changerait rien quant à la prise au sérieux de leur courant au sein des sphères d’influence européennes.
Pourquoi ? Non pas parce que l’UE s’apparente à l’URSS, comme Le Pen ou Orban aiment le crier sur tous leurs toits aux charpentes de plus en plus solides, mais parce que ce n’est pas dans leur intérêt ! Comme l’a bien expliqué Marine Le Pen, ‘’ne laissez pas cette construction européenne continuer à avancer, bloquez-là et le seul moyen de la bloquer, c'est de voter pour le Front national".
Au Parlement européen, constituer un groupe parlementaire revient à avoir 25 députés européens issus de sept pays différents. Si l’alliance avec le Parti pour la liberté (PVV) néerlandais et le Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ) est actée, les autres potentiels partenaires du FN se comptent presque sur un moignon. Et quand bien même un groupe de cette ligne idéologique viendrait à se créer, leur seul souhait pour les cinq prochaines années sera le blocage et le rejet. Car ils vomissent toutes les décisions de l’UE par principe, même quand celles-ci pourraient être bénéfiques aux citoyens français et européens. De toute façon, une bonne décision de l’UE est un oxymore à leurs yeux.
Le vote FN est ainsi simplement un vote de blocage en attendant une potentielle arrivée au pouvoir et une sortie de la France de l’UE. Cependant, cette sortie hypothétique est rejetée massivement aujourd’hui par les français, malgré leur scepticisme envers les institutions européennes et le bien-fondé de l’Europe pour sauvegarder leurs intérêts.
Les intérêts français. L’expression est lâchée. Mais elle est susceptible de conditionner les résultats d’une élection que certains auraient voulue européenne. La sauce agrémentant l’idée européenne n’a pas pris et est restée collée au fond de la casserole. Casserole, il est vrai, en partie fournie par un pouvoir exécutif aux abois quant à sa côte de popularité. On aurait donc un vote sanction, couplé à une image de l’UE qui ne saurait sauvegarder les intérêts des citoyens français. Molotov n’a qu’à bien se tenir, le cocktail est plus que détonant. Mais détonant non pas pour l’Europe, qui nous laissera les miettes sans le moindre scrupule, mais pour la France et son influence dans les dossiers bruxellois.
Le pouvoir de nuisance ainsi que le mal que représentent le vote FN et l’abstention pour les intérêts français sont sous-jacents. Il faudrait davantage accentuer le débat là-dessus. Quitte à considérer les intérêts français supérieurs aux intérêts européens au niveau de la rhétorique, n’en déplaise aux fédéralistes convaincus. Les français n’attendent pas une providence européenne et un chemin parsemé de 12 étoiles. Ils attendent avant tout une conservation de leurs acquis dans une période où le doute s’est installé dans toutes les couches de notre société.
Même si cela oblige à renationaliser le débat pour ces derniers jours, il faut donc prendre le FN à son propre jeu et bien montrer que le seul projet qui va à l’encontre des intérêts des français est celui mené par le parti en tête dans les sondages. Il n’y a qu’à observer la faiblesse de leur ‘’programme’’, tellement succinct qu’il faudrait juste l’appeler le prog. À part bloquer toute avancée, faire perdre énormément d’influence à la France sur des sujets pourtant primordiaux, et permettre aux potentiels élus FN de toucher des indemnités pour un emploi qu’ils occupent de façon quasi fictive, le vote FN, renforcé par l’abstention, n’aura aucune autre vertu et n’engendra strictement rien de positif pour la France.
Prenons pour exemple une élection avec 60 % d'abstention et que, parmi les votants il y ait 25% de suffrages pour le FN, arrivant en tête dans notre pays. Ces 10 % d'électeurs ayant voté FN reflèteront en Europe la voix de la France, alors même que 79% des français sont contre une sortie de l’UE. Mais ce chiffre ne sera pas pris en compte lors de l’interprétation des résultats. L’interprétation européenne, tout comme celle du FN, sera que les thèses nationalistes sont devenues majoritaires en France et que nous souhaitons ainsi à terme sortir de l’UE. L’abstention ne fera donc que renforcer symboliquement le vote FN au niveau français et européen. Dans ce contexte, il est nécessaire de rappeler que voter aux européennes, c’est pus généralement voter pour le bien de la France.
Car, pourquoi nos partenaires nous feraient-t-ils confiance, nous qui ne souhaitons pas travailler avec eux ? À quoi bon nous donner des dossiers intéressants à traiter, si les velléités exprimées le 25 mai ne sont que les prémices d’une contestation de plus en plus féroce ayant pour apogée 2017 ? Faut-il sérieusement nous donner un portefeuille de Commissaire important, alors que notre pays souhaite bloquer le processus décisionnel ?
C’est en partie les réflexions que pourront avoir nos partenaires européens. Notre perte d’influence à Bruxelles pourrait s’inscrire de manière rédhibitoire. Notre voix portera de moins en moins sur des sujets cruciaux pour notre économie et nos intérêts, comme la Politique Agricole Commune, l’exception culturelle dans le cadre des accords commerciaux internationaux ou encore la coopération au développement.
Pour éviter un sévère déclassement des idées françaises au sein même de l’UE, la première étape est donc d’aller voter. Voter pour Pierre, Paul, Jacques, Babord, Tribord, là n’est pas la question. Mais pour sauvegarder les intérêts français à Bruxelles, deux choses sont à éviter, le vote pour le parti de Marine, qui sera de façon évidente notre Fossoyeur National en cas de 1ère place aux élections du 25 mai prochain, et la tentation de s’abstenir.
En effet, contrairement à ce qu’ils affirment, à raison d’ailleurs sur d’autres élections, l’abstention sera cette fois-ci extrêmement favorable au FN. Leur électorat ayant décidé de se déplacer en masse et recueillant les votes de personnes fortement mécontentes à la fois de l’UE et du gouvernement français, leur résultat sera d’autant plus symbolique si l’écart avec les autres partis est substantiel. Ils pourront se targuer d’avoir un grand nombre de députés par rapport aux autres partis, ce qui ne fera que rallonger les doigts déjà pointés en notre direction, fautifs d’avoir mis en tête du pays un parti souhaitant le démantèlement de l’UE.
Ainsi, étant donné que notre voix sera marginalisée, nos intérêts seront moins bien protégés. Les actions de l’UE seront de plus en plus vilipendées au niveau national, le flou entre décisions purement européennes et intergouvernementales jouant clairement le jeu des eurosceptiques. Le bouc émissaire sera tout de suite trouvé. Tel est l’objectif du FN : organiser puis instrumentaliser un rejet massif de l’UE, même s’ils sont tout à fait conscients des torts qui pourraient être causés à la France pendant cette période.
Son souhait de blocage du fonctionnement de l’UE n’est en fait qu’un tremplin pour accaparer un plus grand nombre de voix lors des prochaines élections présidentielles. ‘’Si la France va mal, c’est la faute de l’UE qui ne peut pas sauvegarder nos intérêts. Il faut donc que vous me donniez l’opportunité de nous en sortir’’, nous assènera-t-elle lors des prochaines années, alors qu’elle sera justement en grande partie responsable de la perte d’influence de la France au sein des instances européennes.
Par conséquent, renationaliser le débat et parler des intérêts de la France semble essentiel dans cette dernière ligne droite, qui sera plus que décisive. Il ne faut pas, par simple doctrine idéologique, écarter le fait que les français ne se sont pas intéressés à l’élection européenne à travers les grandes idées européennes ou fédéralistes. Renationaliser le débat, telle est certainement la dernière méthode qui subsiste afin d’inciter les personnes qui ne voyaient pas l’intérêt de voter. Mais également pour contrer un parti qui souhaite mettre à mal toute pensée européenne et dont les volontés seront préjudiciables pour la France. Renier ses convictions dans la méthode afin de combattre l’avènement d’idées totalement contraires à celles-ci. Cela peut paraître extrêmement paradoxal, mais le jeu en vaut la chandelle.