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Billet de blog 3 septembre 2013

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Syrie : non à la solution militaire, oui à la recherche de la vérité

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La crise syrienne représente un drame humain depuis de nombreux mois. L’affrontement entre le pouvoir en place, sans doute peu reluisant (mais comme tellement d’autres), et une opposition dont il ne semble pas qu’elle porte toutes les vertus démocratiques du monde, on ne sait qu’une chose : une négociation approfondie entre ces forces contraires sous l’arbitrage de la communauté internationale est la voie la plus raisonnable. Avec un espoir : qu’un régime démocratique se mette en place, assurant la juste représentation des différents courants de pensée dans l’appareil d’État syrien. Ce processus avait été entamé avec une conférence internationale sur la Syrie devant aider à trouver une solution durable. Mais celle-ci a échoué tant les forces engagées dans les combats veulent une victoire par KO et tant les puissances voisines et les grandes puissances essaient de pousser leurs pions au maximum de leurs intérêts. Dans ce schéma complexe, où on a du mal à identifier «les bons» des «méchants», sans doute parce qu’ils ne sont pas identifiables comme tels aujourd’hui,  c’est évidemment la population civile qui trinque lourdement. Les guerres civiles sont les plus terribles : on le sait depuis longtemps.

Le 21 août dernier, il semblerait qu’un usage d’armes chimiques aurait été fait contre un quartier de Damas. A l’horreur de la guerre se serait ajouté un fait particulièrement grave, que la communauté internationale a formellement et catégoriquement interdit depuis plusieurs décennies. Il est donc clair que la conscience collective ne peut pas ne pas réagir avec visibilité contre ce qui apparait comme un crime contre l’Humanité. La nécessité de l’action de la puissance internationale, celle de l’ONU, est évidente et elle doit se manifester à l’encontre des auteurs de cet acte totalement inacceptable. Cette action peut se traduire par des mesures puissantes qui peuvent parfaitement se passer d’une action militaire. Vu la situation archi complexe en Syrie, il apparait clairement que le scenario de l’intervention brutale, avec des dégâts collatéraux inévitables, serait une terrible erreur car n’apporterait aucun élément de justice.

Car la question centrale de qui sont les auteurs d’une attaque à l’arme chimique contre la population reste posée. Bien sûr, les gouvernements britannique, français, puis américain, ont affirmé leurs certitudes : c’est le régime en place qui est responsable. Encore faut-il disposer de preuves irréfutables : l’expérience de la guerre en Irak a prouvé au monde que le président des États-Unis (George Bush) et le Premier Ministre britannique (Tony Blair) étaient d’effroyables menteurs, déclenchant une guerre destructrice massacrant des centaines de milliers d’enfants irakiens, et n’ayant pas à en rendre compte grâce à un vote infâme de l’ONU validant a posteriori leur violation du droit international. La communauté internationale ne s’est jamais vraiment pas remise de ce cynisme criminel, véritable voie de fait qui explique la défiance absolue des opinions publiques devant «les preuves» présentées par les agences gouvernementales de ces pays. D’ailleurs, le Parlement britannique a su faire dire à l’actuel Premier Ministre britannique que ses preuves n’étaient pas indemnes de doute, avant de le désavouer dans son ardeur guerrière.

Ainsi donc, tant la voie militaire que l’identité des auteurs du crime donne lieu à contestation. Comment dans ces conditions, la communauté internationale peut-elle agir avec efficacité, c’est-à-dire atteindre l’objectif qui est prétendument défendu : la protection des populations ? Avec les puissances chinoise et russe résolument opposées aux certitudes américano-françaises, nous voilà dans un contexte de crise des relations internationales majeur comme nous ne l’avons probablement pas connu depuis le début des années 80 !

Le président Obama tient un  discours construit, conforme sans doute aux intérêts stratégiques des États-Unis : il affirme qu’il est nécessaire d’intervenir contre le régime en place en Syrie, faisant le choix unilatéral de soutenir l’opposition armée, mais veut le soutien du Congrès «pour y aller». Rien de tel avec François Hollande. Il est le premier à partir en guerre, affirmant sur un ton martial qu’il ne doutait pas un instant de la responsabilité du régime syrien, n’attendant aucune enquête internationale qui pourrait l’attester, ce qui est pourtant nécessaire pour conserver l’unité de la communauté internationale,… Une telle implication de notre pays - aussi directe et brutale - dans la guerre civile syrienne aux côtés de la rébellion ne peut évidemment relever de la seule question morale. Il s’agit bel et bien de tenter de peser sur une recomposition géopolitique de la région rendant service aux alliés habituels de l’Occident dans ce secteur. L’empressement de Laurent Fabius sur ce dossier est tout-à-fait révélateur des vraies solidarités que le pouvoir PS actuel fait assumer à la France.

De façon encore plus triviale, mais tellement évocatrice de l’envergure de l’actuel président de la République, il ne faut pas sous estimer les objectifs de politique intérieure que poursuit ce dernier. Sa politique économique et sociale étant toujours plus marquée «à droite», le président Hollande tente à l’évidence de rééditer l’opération militaire au Mali qui lui avait valu, en début d’année, un léger sursaut de popularité. Bien sûr, cela consomme des budgets publics au moment où on rationne les retraités (600 millions d’économie en revalorisation décalée des pensions dès cette année), mais dès qu’il est question de bombarder des pays arabes et/ou musulmans, il faut bien dire que le rendement en popularité a des chances d’être là. L’excitation gagne alors aisément certains secteurs de l’opinion - pas seulement classés à l’extrême-droite – déjà galvanisés par la chasse aux «ennemis de l’intérieur» dénoncés par M. Valls, ceux-ci étant associés tout naturellement à des «ennemis de l’extérieur» tout aussi détestés parce que «étrangers, arabes, noirs, musulmans». Ainsi donc, si des «exploits militaires» pouvaient mettre sous l’éteignoir les régressions sociales majeures décidées par le pouvoir PS, ce serait toujours ça de pris, non ?

Mais, catastrophe, les compagnons d’aventure, Obama et Cameron, ne sont plus aussi va-t-en guerre. François Hollande apparait désormais comme le plus engagé, et de loin, dans cette affaire. Les Parlements de ces pays alliés ont ou vont être sollicités pour accord. Le Parlement britannique a déjà dit non. Le Congrès américain semble ne pas être chaud pour valider les options d’Obama. Hollande, de son côté, accepte un débat au Parlement français, mais ce dernier n’aura pas à s’exprimer par un vote ! Pourtant, rappelons que le même Hollande avait exigé un vote du Parlement sur l’engagement en Irak ! Encore un engagement qui n’est pas tenu par le président PS de la République. Un de plus, dira-t-on, avec fatalité. Au moins Obama avait promis de consulter le Congrès lors de sa campagne électorale et il tient parole. Aux États-Unis, le respect des citoyens, ça semble compter. En France, M. Hollande se moque de se déjuger de façon aussi grossière.

Face à tant de médiocrité et de mauvaise foi, nous ne pouvons que rappeler les principes que nous défendons : la paix, le respect du droit international, la sanction pénale contre les dirigeants qui utilisent des armes contre des populations civiles, la négociation pour avancer vers le règlement des conflits et la progression des États vers la démocratie. On est aujourd’hui très loin de ces principes pourtant essentiels au maintien d’une communauté internationale sereine.

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