Les évènements de terreur que nous venons de vivre ont profondément choqué notre pays, dans ses profondeurs. A l’étranger, l’écho a été exceptionnel, avec le sentiment qu’un pays, la France, qui défend des valeurs universelles de liberté, était frappé en plein cœur. Dans tous les cas, les citoyens ont réagi avec un extraordinaire sens de la responsabilité et avec une volonté de réunir plutôt que de sombrer dans un cycle de haine et de violence. Qu’ils aient manifesté ou pas, l’immense majorité des habitants de notre pays, tous âges confondus, hommes et femmes de toutes origines et sensibilités, ont tenu à défendre une certaine idée de la France : celle de sa République démocratique, laïque et sociale, ayant vocation à unifier un peuple sur des valeurs émancipatrices dont on peut être si fiers. Et non, mille fois non, notre pays ne peut tolérer que des individus soient assassinés ou séquestrés au motif de leur identité ou de l’exercice de leur liberté d’expression. L’attaque de Charlie Hebdo est un outrage à la démocratie ; les exécutions dans le journal et la mort des otages juifs sont de la barbarie insoutenable.
Bien sûr, les batailles politiques sont toujours là : réelles, dures, parfois implacables. Les désaccords profonds. Les projets parfois totalement divergents pour l’avenir. Mais, en cet instant de souffrance partagée, les Français et tous les résidents de notre pays ont voulu dire leur attachement à notre pays et à ce qu’il se donne toujours pour rôle de défendre.
La réponse du peuple de France a été remarquable : elle a submergé tel un tsunami de fraternité tous les petits calculs politiciens (n’en doutons pas, il y en a, et les sondages de popularité sur la «gestion de la crise» par les hommes politiques sont déjà là pour le montrer), mais aussi toutes les projections funestes des cassandres annonçant la fin de la France qui serait sous une menace d’islamisation générale.
Les terroristes ne sont plus là pour constater que leurs actions monstrueuses ont, certes, terriblement choqué le pays et le monde et plongé des familles dans le chagrin, mais que leur projet est condamné en bloc par toute une Nation rassemblée et qu’il n’avait aucune espèce d’avenir dans notre pays. Espérons que tous les «djihadistes» potentiels – il y en, c’est sûr – réaliseront combien ils se trompent tant dans le fondement de leur engagement politique (encore une fois : qui n’a rien à voir avec l’Islam) que sur les méthodes qu’ils emploient. Leur dessein est tout simplement criminel et leurs méthodes monstrueuses : les deux doivent être combattus farouchement. Le mieux est de convaincre au plus tôt le public qu’ils ciblent que la vie ne vaut que par des projets qui apportent à l’Humanité et que la valeur d’un homme, d’une femme, se mesure à cela et surtout pas à sa capacité destructrice.
Pour cela, il faut tourner le dos à tous ceux qui jouent sur la phobie de l’Islam, grande religion du Livre, qui n’est absolument pas agressive. L’Histoire – la grande – nous enseigne combien les comportements barbares, durant des conquêtes, ne furent, le plus souvent, pas le lot des Musulmans.
J’ai été effaré en ce début d’année par le flot d’islamophobie charrié par les médias suite à l’interview monstrueuse d’Eric Zemmour dans un grand quotidien italien estimant qu’il faudrait évacuer les musulmans de France par tous moyens, sans oublier le bateau comme il a tenu à le préciser de façon particulièrement sibylline. Il «justifiait» même cette perspective par la réussite de l’élimination des 5 à 6 millions de juifs d’Europe par le régime nazi. S’appuyer sur le programme d’épuration ethnique hitlérien, il fallait quand même le faire ! Après sa sortie dans l’émission sur i-télé qu’il animait avec M. Domenach, où il affirmait en substance et contre toute vérité, que les textes sacrés de l’Islam incitaient tout bon musulman, toutes les 3 pages, à aller tuer son voisin chrétien ou juif, on pouvait penser que M. Zemmour aurait du mal à dépasser ce stade totalement hystérique. Il a réussi à se surpasser.
Il en fut de même avec le livre de Houellebecq, roman annonçant un président de la République musulman dans quelques années et prédisant la soumission incitant à tous les fantasmes sur l’islamisation de la France, thème cher à l’extrême-droite.
Qu’importe si le premier est un récidiviste de ce camp fanatique, n’hésitant pas à mentir avec aplomb puisque ayant la certitude que jamais un Manuel Valls ne saisirait le juge pour ses propos incitant très gravement à la haine raciale.
Qu’importe si le second semble être un homme d’affaire avisé, ayant bien compris que la période était à la haine des musulmans et que cela ferait vendre du livre. Au final, c’est la population française de confession musulmane – ou supposée de confession musulmane – qui est clouée au pilori, sans moyen de défense puisque les plus hautes autorités de l’Etat ne disent rien, c’est-à-dire en vérité qu’elles cautionnent. Cela est d’autant plus vrai – et terriblement inquiétant – que M. Sarkozy, le nouveau président de la Droite prétendue républicaine, appelée encore UMP, ressort son antienne sur l’immigration non intégrable dans la République, replaçant la philosophie de son célèbre discours de Grenoble d’août 2010, préparant les esprits à l’exclusion massive des Français musulmans de leur pays. Quelle différence de fond avec le discours de Valls ? Aucune.
Evidemment, avec une France officielle – celle des politiques et des médias – si hostile à l’intégration des Français issus de l’immigration maghrébine, avec des politiques publiques ségrégatives selon les territoires (l’enseignement sacrifié dans les quartiers sensibles), les comportements de discrimination jusque dans l’accès à l’emploi et donc rendant illusoire la possibilité de se construire une vie sociale digne,… il est difficile de convaincre les «jeunes des cités» que le pacte républicain est bien le même pour tous. Reconnaissons-le : c’est même impossible.
Il est alors de la responsabilité de celles et ceux, citoyens qui veulent agir dans la sphère publique, pour défendre la République dans son contenu authentique, d’expliquer à tous nos jeunes qui se sentent rejetés, que seul le combat politique démocratique amènera un jour à l’avènement d’une société ouverte réellement à tous, sans discrimination, porteuse de progrès, de justice et de solidarité.
Ce combat est bien difficile à mener à l’heure où les hommes politiques dans leur ensemble sont considérés par l’essentiel du peuple comme des gens se désintéressant du peuple quand ils ne sont pas perçus comme des voyous. Pas facile non plus, à l’heure où la parole politique, celle des promesses de progrès, a été hautement trahie par le personnel politique, notamment de gauche.
Pour autant, la France a besoin, pour être elle-même, que son peuple, dans toute sa diversité, submerge ses élites dirigeantes pour les ramener à ses principes et ses valeurs. Le message exprimé dimanche 11 janvier s’adressait certes aux terroristes, manifestait la volonté de défendre la République et les valeurs qu’elle pose, mais affirmait aussi très clairement qu’il fallait en finir avec les ostracismes plus irresponsables les uns que les autres. Le message aura-t-il été entendu ?
Pas sûr s’agissant des élites ou d’une certaine partie d’entre elles.
Mais le plus important est sans doute que notre jeunesse, dans sa diversité, celle qui se sent si française mais si méprisée et rejetée par les dirigeants du pays, ait perçu que le peuple de France n’est pas raciste et antisémite mais que, bien au contraire, il privilégie la tolérance et le vivre ensemble, sans exclusive. Ce message dérange les extrémistes de tout bord et leurs calculs politiques ou criminels. Mais c’est celui qui compte et qui peut redonner confiance à toute notre jeunesse qui se sent aujourd’hui ostracisée et sacrifiée.
Il n’est donc pas dit que les incendiaires auront le dessus : ce sont des fous, et la voie de la sagesse qui impose la tolérance et la tempérance rassemblera nécessairement le plus grand nombre de citoyens si toutefois aucun pouvoir extrémiste ne finit par prendre le pouvoir en France.
Là aussi : la suite de l’histoire n’est pas écrite même si on voit bien où elle nous mène.
Billet de blog 13 janvier 2015
Après le séïsme provoqué par les actes terroristes à Paris : ce que nous révèle «Charlie»
Les évènements de terreur que nous venons de vivre ont profondément choqué notre pays, dans ses profondeurs. A l’étranger, l’écho a été exceptionnel, avec le sentiment qu’un pays, la France, qui défend des valeurs universelles de liberté, était frappé en plein cœur. Dans tous les cas, les citoyens ont réagi avec un extraordinaire sens de la responsabilité et avec une volonté de réunir plutôt que de sombrer dans un cycle de haine et de violence.
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