François Hollande et Manuel Valls ne cessent d’invoquer les évènements de la 2nde Guerre mondiale pour illustrer les risques qu’encourrait la communauté juive en France aujourd’hui. Il faut donc s’interroger sur les raisons qui amènent de si hauts personnages de l’Etat français à s’alarmer de ce qui se passe dans notre pays au point de comparer le sort des Juifs de France à ceux qui ont subi les crimes de l’Allemagne nazie et de ses complices.
D’abord un retour sur l’Histoire.
Pour comprendre, commençons par rappeler quelques faits de cette période effroyable où Hitler et ses organisations criminelles comme la SS (reconnues comme telles par le Tribunal de Nüremberg) ont plongé notre Humanité dans le plus terrible des bains de sang. C’était il n’y a pas si longtemps.
Dans les années 20, Adolf Hitler a développé un discours ultra antisémite qui était le «point d’orgue» d’une idéologie violemment raciste, celle qui justifiait la domination de la «grande race blanche aryenne» sur le reste de l’Humanité. Cette idéologie était entretenue par une obscure secte dénommée «ordre de Thulé» dont Hitler, ou du moins son mentor Alfred Rosenberg, était adepte. Cette «philosophie» justifiait pour le parti Nazi une hiérarchie des races au sommet de laquelle se trouvaient les Aryens dont la pureté raciale devait être préservée. Les autres «races» étant déclarées inférieures pour les unes, à vocation à être esclaves pour d’autres (les slaves par exemple), à être exterminées pour d’autres encore (juifs, tziganes). Sans oublier ceux qui ne méritaient pas d’être considérés comme des humains dignes de vivre : les handicapés, les homosexuels, les asociaux,…
Une fois au pouvoir, le parti Nazi a entrainé le monde dans un conflit mondial qui a coûté la vie à plus de 50 millions d’êtres humains et ravagé le continent européen comme jamais auparavant ! Outre les victimes civiles et militaires, les politiques d’extermination raciales et hygiénistes ont été menées avec ardeur dans des camps spécialisés dans les techniques d’extermination : 6 millions de Juifs, 500 000 Tziganes. Plus sournoisement, mais avec autant d’efficacité, la mise à mort par euthanasie d’environ 200 000 malades mentaux et autres invalides pour maladies génétiques.
Le racisme c’est donc ça. Il existe au quotidien, partout, dans toutes les sociétés et depuis la nuit des temps. Mais quand il devient une idéologie d’Etat, il peut mener à de grands massacres, à des génocides et à la négation de toutes les valeurs humaines qui, heureusement aujourd’hui, sont codifiées dans les textes des Nations Unies.
La stratégie antisémite des nazis pour préparer les crimes de masse.
En Allemagne, la chasse aux Juifs voulue par les Nazis a commencé par la montée allant crescendo d’un discours violent et humiliant à l’encontre des citoyens Allemands de confession israélite. Ils ont été dénoncés comme étrangers à la culture allemande, comme des profiteurs et prévaricateurs, liés à des intérêts économiques anglo-saxons ou associés au projet politique bolchévique, les deux étant présentés comme des dangers mortels pour l’Allemagne, désignés comme un péril pour l’identité raciale germanique et, au final, des ennemis de l’Allemagne telle que la voulait les Nazis.
La conséquence de cette politique a été très concrète : selon le Leo Baek Institute, sur les 525 000 Allemands de confession israélite que comptait l’Allemagne en 1933, 298 000 ont pu émigrer légalement dans les pays occidentaux, 72 000 ont réussi à fuir avec un statut de réfugié et 134 000 ont été déportés dans les camps d’extermination (rappelons les noms sinistres de ces camps : Treblinka, Majdenek, Auschwitz, Kulmow, Belzec et Sobibor). En clair, les Nazis ont littéralement décimé, en tout juste douze ans, les citoyens allemands de confession israélite au seul motif de leur identité juive.
La collaboration du gouvernement de Vichy, au nom de la France occupée, à la déportation des Juifs ayant trouvé asile dans notre pays, est le fait de dirigeants d’idéologie fasciste qui avaient adhéré au projet nazi. Mais les Français dans leur ensemble n’approuvaient pas cette collaboration, et les forces de la Résistance dans leur diversité, d’une part, mais aussi l’Eglise catholique d’autre part, ont combattu de toutes leurs forces contre cette politique abominable de collaboration avec l’organisation SS de Paris. Ce qui a fait que, heureusement, la communauté juive française fût la moins décimée des pays occupés comme l’a très bien démontré le chasseur de Nazis, Serge Klarsfeld. La France n’est pas une nation de collaborateurs antisémites : elle est une nation qui, si elle est dirigée par des hommes d’Etat républicains et démocrates, porte au contraire la défense des droits humains. Ses hauts dirigeants devraient mettre en avant cette France du courage et de l’honneur plutôt que de lui renvoyer éternellement l’image de ses élites qui l’ont abaissée si gravement.
La situation en France est-elle comparable à la période de nazification qu’a connue l’Allemagne ?
En quoi, la France d’aujourd’hui peut-elle être menacée par un projet de type nazi ? On cherche en vain un parti politique organisé, structuré, idéologiquement forgé, cherchant à reproduire un projet antisémite dans notre pays. Si c’était le cas, il faudrait évidemment interdire une telle organisation sur le champ et poursuivre ses dirigeants.
On peut, par contre, s’interroger effectivement sur la reproduction du mécanisme de ciblage d’une partie de la population française, à l’image de ce qui s’était passé en Allemagne à l’encontre des Juifs allemands. Mais ici et maintenant, en France et en 2014, ce ne sont pas les citoyens de confession israélite qui sont visés mais ceux de confession musulmane. Il ne se passe plus un jour où les medias ne laissent pas passer des messages d’une violence de plus en plus intense contre une minorité de la population, toujours la même : en substance, la France serait aux prises avec les descendants d’une immigration non intégrable (maghrébins et africain sub-sahariens) ; l’Islam porterait des valeurs incompatibles avec la République ; il existe des individus et groupes islamistes radicaux qui ne seraient que la partie visible d’une armée de l’ombre composée d’ennemis de l’intérieur (la nouvelle 5ème colonne) ; les textes sacrés musulmans appelleraient, à toutes leurs pages, les croyants à tuer des juifs et des chrétiens ;… un ensemble de sentences toutes aussi débiles et absurdes les unes que les autres, exprimées par des incultes parfois, de vrais racistes souvent, mais aussi – et là est le drame - par de hauts dirigeants de l’Etat français. Là est l’élément le plus frappant permettant le parallèle avec le processus connu par l’Allemagne à compter de 1933.
Une accélération d’un processus d’exclusion à l’occasion des massacres à Gaza
Sensibles à la détresse absolue de la population civile de Gaza face aux bombardements israéliens, beaucoup de Français sont profondément émus et choqués. Mais, parmi eux, ceux de confession musulmane sont accusés par le Premier Ministre Valls d’antisémitisme alors qu’ils ne font que protester contre l’ampleur des victimes civiles des frappes aveugles de l’armée israélienne. Ce faisant, les manifestants ne font que perpétuer la tradition française de solidarité internationale de notre peuple envers tous les peuples opprimés (Viet-Nam, Sarajevo,…). Critiquer la politique du gouvernement israélien actuel n’est pas remettre en cause Israël d’une part et en aucun cas faire acte d’antisémitisme vis-à-vis des citoyens de confession israélite de notre pays, d’autre part. Faire un tel raccourci est totalement scandaleux, malhonnête et, disons-le, profondément mal intentionné.
C’est pourtant ce que font les dirigeants principaux du pouvoir PS actuel en France. Ils continuent à attiser l’hostilité vis-à-vis des Français de confession musulmane en favorisant les amalgames, en diabolisant ceux qui protestent et en contestant l’identité de Français à part entière. Si on y ajoute les propos du FN sur l’assimilation des prières de rue à Paris à l’occupation nazie de Paris en juin 40 et la dénonciation de la menace d’islamisation des paysages français… on obtient, au global, un discours qui s’apparente indiscutablement à la montée de l’antisémitisme qui devait aboutir à la disparition de la quasi-totalité des Juifs en Allemagne. Sauf que, aujourd’hui et en France, cela concerne la population Française de confession musulmane.
L’utilisation du pouvoir d’Etat par le Premier Ministre Valls, qui n’hésite pas à interdire des manifestations au seul motif qu’elles mettent en cause les bombardements de civils palestiniens, ce qui, selon lui, est nécessairement antisémite, renvoie à l’utilisation du pouvoir d’Etat en Allemagne à compter de 1933. L’interdiction d’un droit constitutionnel, la menace sur les élus qui veulent manifester, sont des actes d’une extrême gravité qui sont malheureusement soutenus par le président de la République, pourtant garant des institutions, et par un PS qui ne comprend plus que des permanents directs ou indirects aux ordres. Dans l'Homme révolté, Albert Camus disait : "Le fascisme c'est le mépris. Inversement, toute forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare ou instaure le fascisme." Jusqu’où ira donc le parallèle entre ces deux processus historiques ? Sans doute très loin. Même si l’Histoire ressert rarement les mêmes plats, on sait tous qu’il lui arrive de bégayer. Et, dans ces moments, on sait aussi que l’appel aux consciences ne peut rien contre le fanatisme, surtout lorsqu’il est porté par des hommes au pouvoir (le philosophe Alain l’exprimait parfaitement en constatant que «en tout homme, l’action éteint la conscience»).