Après les dernières élections cantonales est reparue la proposition de comptabiliser les votes blancs avecles suffrages exprimés. Sous ses apparences civiques - reconnaître l'expressionde ceux qui ont fait l'effort de se déplacer aux urnes - se cache un dispositif contre-productif à plusieurs titres.
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Un mépris des petits partis.
Un des arguments avancés en faveur de la reconnaissance duvote blanc (ou RVB) est la montée du front national. Le vote blanc, comme le vote FN, exprimerait un ras-le-bol du système politique, un désir dechangement. La RVBpermettrait de fixer les mécontents susceptibles de voter FN. Dans cetteconception, n'existent plus que trois votes "utiles": PS, UMP ou FN. Voter pour les autres partis devient anecdotique. Pourtant, peut-on croire que lechangement politique viendra des "partis de gouvernement", ralliés au sens civique par la seule force du vote blanc? N'est-ce pas plutôt le Front deGauche, les Verts, le Modem (ou son nouvel avatar néo-centriste) qui peuventredistribuer le jeu politique et le faire sortir d'un bipartisme devenustérile?
Un vote qui ne change rien.
Le vote blanc est d'abord uneposition morale. C'est dire aux politiques : vous ne méritez pas mon vote. Quels représentants politiques actuels ne soient pas à la hauteur est une chose.Mais votez blanc est un vote qui ne change rien. Les politiques en place diront, après l'élection : nous avons entendu le message, nous allons changer. Et rienne se produira, car le système politique n'est constitué que d'individus. Il changera si les individus changent. L'exemple des Hauts-de-Seine est significatif. Ce qui a fissuré le système UMP, c'est la défaite, à Neuilly ou à Levallois, des candidats sarkozistes face à des divers droites. Il aurait étésans doute plus gratifiant moralement pour un électeur de ces circonscriptionsde "condamner le système" en votant blanc. Mais c'est bel et bien envotant pour l'alternative réelle, en l'occurrence le candidat divers droite,que l'on a commencé à faire changer les choses.
Changer le sens de la présidentielle.
Le même raisonnement pourrait s'appliquer à l'élection présidentielle. Devant les atermoiements strauss-kahniens, et le peu de nouveautés des autres candidats à la primairesocialiste, la RVBparaît offrir une solution à l'abstention. L'hypothèse du troisième hommesemble avoir été abandonnée avec l'échec de François Bayrou en 2007. L'argument massue était: s'il était élu, comment pourrait-il gouverner ? C'est oublier que l'élection présidentielle ne désigne pas qui va gouverner. Il existe une élection pour cela : les législatives, qui dégagent une majorité parlementaire, monolithique ou de coalition. Dans l'état actuel de la Ve République, le renouvellement ne peut venir que de l'élection présidentielle. Si les hommes politiques ne sentent pas le vent du boulet, ils ne changeront pas. Considéronsdonc les choses pragmatiquement: d'où peut venir l'aiguillon? Du vote blanc? Oude la montée d'un Villepin, d'un Borloo à droite, d'un Mélanchon ou d'une Eva Joly, qui forceraient les candidats des grands partis à proposer de nouvelles réponses. Ce serait, bien évidemment, tomber dans de basses questions de personnes. Mais la démocratie, son exercice concret par les citoyens dans les institutions qui sont les nôtres, se réduit à cela: choisir les hommes et lesfemmes à qui nous confions l'exercice de la responsabilité politique. C'estpeu, mais cela mérite d'être exercé sérieusement, et non d'être réduit à l'expression de récriminations morales, légitimes, certes, mais inutiles.