Parler de mots d’amour, de vie en évoquant l’arbre peut surprendre. C’est un être vivant qu’il nous faut découvrir pour voir ses charmes, sa réalité, ses liens multiples, sa place dans la construction et l’évolution de l’humanité.
L’apparition de l’arbre et la diversification de ses espèces, est le résultat d’un long parcours. Mais que désigne-t-on par arbre ? Pour certains botanistes ils doivent avoir un tronc qui résulte d’une croissance en épaisseur continue conduisant à la formation du bois. Tandis que pour d’autres botanistes, les arbres sont toutes les grandes plantes avec un tronc à croissance verticale sans former de bois comme la fougère arborescente, le bananier…
L’histoire de l’arbre remonte à plus d’un milliard d’années où sont apparus les premières algues vertes. C’est à partir de ces dernières que d’autres végétaux ont colonisé la terre ferme il y a 500 millions d’années. Puis d’autres plantes se sont diversifiées. Parmi cette multitude de plantes à graines de nombreuses espèces sont les arbres.
L’arbre a donc existé bien avant l’humanité. C’est un des éléments structurants fondamentaux pour comprendre la création de ce monde d’abord végétal, puis animal puis humain. Quelques dates et données issues de recherches dont celles du Muséum d’Histoire Naturelle illustrent cette progression.
De 380 millions d’années : premières forêts terrestres : fougères avec tronc de conifère
A 6000 années avant JC : la forêt atteint son apogée : 57% de la surface terrestre
Vers l’an 0 l’Europe est couverte à 80% par les forêts.
Cette présence active sur la planète a été saluée au cours des siècles, dans notre pays. Quelques dates pour le rappeler.
De 1346 : Philippe VI de Valois avec la publication du 1er Code Forestier
En passant par la réforme de Colbert en 1668 : les massifs sont protégés, où un quart des forêts est mis en réserve totale
Jusqu’en 1860 : sous le second empire la région des Landes est plantée en pins maritimes.
Aujourd’hui : la moitié des forêts tropicales a été détruite. Plus de 72 millions d’hectares ont disparu en Amazonie entre 1985 et 2018. On estime que 17% des forêts tropicales humides ont été sacrifiées ces trente dernières années au profit de l’agriculture ou d’autres utilisation des terres. 10% de forêts restantes sont dégradées par l’exploitation du bois des feux de et des tempêtes. Ces constats sont à mettre en relation avec le contexte politico-économique en action sur notre planète. Dans ce cadre, l’arbre est devenu depuis plusieurs siècles un produit, facteur d’enrichissement financier et donc la victime d’un monde de plus en plus contreproductif.
Mais revenons sur l’arbre en temps qu’espèce vivante donc résultat d’une naissance, d’un développement puis d’une disparition. Sa naissance produit d’un pur hasard est le point de rencontre entre le pollen, organe mâle, véhiculé par le vent, les insectes et le pistil, l’ovule femelle d’une fleur d’arbre qui deviendra l’arbre-mère géniteur. Une fois l’ovule fécondé, il va se transformer en graines qui en automne tomberont de l’arbre-mère et commenceront une germination. Dans la terre, la graine poussera et donnera d’abord une racine. Puis une petite tige sortira du sol et les premières feuilles apparaitront. Sa croissance deviendra alors permanente : 20 à 30 cm puis 50 cm à un mètre.
Regardons maintenant de plus près l’arbre, dans cet ensemble qu’est la forêt pour y découvrir là encore à partir d’études scientifiques ses forces cachées, ses relations au monde qui l’entoure.
Dès sa naissance l’arbre
- respire jour et nuit. Cette fonction vitale s’effectue par les racines, les feuilles, les fleurs.
-transpire en rejetant dans l’atmosphère une bonne partie de l’eau qu’il absorbe
- croit en épaisseur par la multiplication cellulaire
-pousse en hauteur par la production au printemps et en été de bourgeons alimentés par la sève
-se nourrit par les racines qui absorbent l’eau et les minéraux, par les feuilles grâce à la photosynthèse qui absorbent le gaz carbonique. L’association de tous ces éléments se transforment en glucose et oxygène.
Dans le contexte où il vit, l’arbre n’est jamais isolé. Il cohabite avec son entourage par de multiples modes de communication. Les champignons, les insectes, les oiseaux sont ses interlocuteurs les plus fréquents comme le sont aussi les plantes et autres arbres qui composent sa réalité proche. L’arbre contribue naturellement à la régénérescence de la forêt dans une dimension de biodiversité où chaque espèce vivante à sa place. Sans les arbres : pas de captation solaire et de CO2, pas de libération d’oxygène, pas de mélange, pas de diversité minérale, pas de vie animale. Les arbres transforment quotidiennement la planète. Ils ne se contentent pas de l’habiter comme on peut le vérifier dans de nombreux domaines. L’écosystème forestier favorise la pluie. Les arbres absorbent le carbone de l’air, le transforment en liquide introduit dans le sol grâce aux racines. Ils captent l’eau du sol pour la transformer en vapeur qui par évapotranspiration forment les nuages et stimulent les précipitations. Selon des études scientifiques, l’arbre, est doté d’étonnantes capacités, que certains chercheurs qualifient de forme d’intelligence pour résoudre des problèmes de nature existentiels. Pourtant, l’arbre n’a pas de cerveau mais des fonctions cérébrales intimement liées à des fonctions corporelles coexistant dans chaque cellule qui le compose. Cela lui permet une existence adaptée en matière d’environnement et de cohabitation. D’autres capacités ont pu être vérifiées comme la mémorisation, l’anticipation ainsi que la conscience du monde environnemental.
Ces capacités que l’on peut définir comme des qualités positives font dire aux chercheurs que les arbres sont une création qui ne cesse de grandir par des réponses apportées pour s’adapter, dans un ensemble d’espèces vivantes variées.
Ces constats validés par les études scientifiques sont une réalité, un modèle d’existence d’où l’on peut tirer quelques conseils.
Alors partant de ces constats, que nous dit l’arbre ?
Tout d’abord qu’il n’est jamais seul. Il vit dans un ensemble d’êtres vivants comme la forêt ou le sol qui le fait vivre. Un ensemble qui fait société où se déclinent des formes de solidarité et d’échanges. Tout cela dans un cadre de vie, de résilience, d’inventions multiples pour une existence où la sobriété écologique se vérifie dans ces pratiques et savoirs faire. L’arbre nous offre la vision d’une autre manière d’exister sans compétition, ni domination des autres espèces. La fameuse loi de la Jungle a été réécrite par plusieurs chercheurs et philosophes pour en souligner ses aspects constructifs. Cela conduit ces chercheurs à citer l’organisation de la forêt comme une base de réflexion pour aller vers une vie en société complètement repensée. Ce point de vue est souvent argumenté par des démonstrations mettant en évidence la supériorité de la forêt dans ses réalisations souvent plus élaborées que celles des êtres humains. Biens d’autres conseils pourraient être tirés de ces constats sur la qualité de l’arbre. Vous les découvrirez sans doute en poursuivant cette promenade, dans une forêt, lieu quasi magique qui accompagne nos vies et où les lois humaines sont soudainement suspendues. Votre promenade sera sans doute sous l’inspiration du philosophe G Bachelard qui nous a dit que « la paix de la forêt est une paix de l’âme. La forêt est un état d’âme ».
Beaucoup d’écrivains et de peintres ont dit avec force leurs relations intimes avec l’arbre. Pour les chrétiens, les premières lignes de la Bible mettent en scène Adam et Eve dans le Jardin d’Eden au pied d’un fameux pommier. Ronsard, La Fontaine, Rousseau, Hugo, Colette et bien d’autres, par leurs écrits ont su nous faire partager leurs dialogues avec l’arbre, la forêt une des principales sources de leurs inspirations.
L’arbre symbole de vie et d’immortalité pour beaucoup, est un référent incontournable dans les cultes païens comme en Afrique où le baobab, véritable être social est l’élément central de nombreux rituels.
On le retrouve aussi bien présent dans les religions comme le christianisme où il est cité 140 fois dans la Bible et où il est une représentation de la sagesse et du lien entre Dieu et les hommes.
Le judaïsme fait jouer à l’arbre un rôle de symbole incarnant le bien et le mal où il est souvent représenté en « Arbre de vie » comme chez les chrétiens. Dans la Kaballe juive, l’arbre symbolise le Tout, écrit avec un T majuscule.
Dans le Coran, des versets font référence aux différents usages de l’arbre dans la vie terrestre de l’homme. Enfin pour les asiatiques, les Indiens, Bouddha est un être dormant à l’intérieur de l’arbre. Selon ses fidèles, le sculpteur n’a qu’à retirer la matière inutile pour lui faire retrouver sa dimension spirituelle et sa place dans le monde des humains.
Le symbole de l’arbre est donc partout. Chaque culture, chaque religion l’associent à des divinités en lui attribuant des pouvoirs, une autorité dans de nombreux mythes. Il est présent dans l’imaginaire de l’espèce humaine. Dans la mythologie gréco-romaine par exemple, l’arbre a joué un rôle politique et religieux en étant associé à la création d’Athènes et de Rome.
La présence de l’arbre s’est progressivement imposée comme sujet scientifique au Moyen Age grâce au développement de la botanique et recherche sur le monde végétal. Dans le même temps, l’arbre deviendra un voyageur et traversera les mers pour s’acclimater sur de nouveaux continents. Les arbres à épices comme le poivrier, laurier ou câprier ont été les premières espèces implantées en France notamment durant l’Antiquité et le Moyen Age.
Le trait dominant et porteur de l’arbre dans ces évolutions peut se résumer à l’image de son éternelle vigueur et de sa verticalité, symbole pour beaucoup du lien entre le ciel et la terre. Cette dimension trouve aujourd’hui sa forme concrète dans la sylvothérapie, une pratique qui consiste « à mettre en relation l’homme et l’arbre » pour des échanges physiques et mentaux, des dialogues et partages de sentiments.
La popularité de l’arbre s’est aussi installée dans les traditions populaires pour exprimer des temps forts de l’histoire individuelle ou collective. Cette expression grâce à l’arbre a souvent pris la forme de symboles pour immortaliser de grands moments historiques. Quelques exemples. Le pommier de Newton nous rappelle ses recherches qui lui ont permis de concevoir la théorie de la gravitation, le chêne de Robin des Bois aura servi de refuge au plus célèbre des hors la loi, l’arbre de la Révolution en 1794 où 60000 arbres de la Liberté ont été plantés dans tout le pays. Et il y a tous les arbres plantés pour commémorer un évènement plus personnel comme une naissance, un jumelage.
Mais il faut bien conclure sur un sujet qui n’a pas de fin puisque déclaré immortel depuis qu’il est en terre, sur terre. Donc ces quelques graines de réflexion mises à votre disposition, seront je l’espère un bon début pour voir grandir autour de vous et en vous, l’arbre ce « bien commun », qui a tant à nous apprendre pour construire un monde solidaire et partagé, qui a tant à nous apporter pour sauver la planète.