Jadot-Rousseau 49/51
Comme quoi, rien n’est jamais joué. 120 000 votants à la primaire des Verts, c’est beaucoup et peu à la fois. Le 29 janvier 2017, Valls avait été balayé dans une primaire avec 2,4 millions de votants. C’est une vraie différence de représentativité, parce qu’à 2,4 millions, il y a un effet masse incontesté, dans une primaire d’un parti de moins de 10 000 membres élargie a quelques dizaines de milliers d’inscrits, il y a davantage de doutes. Qui a choisi de venir voter ? Quels secteurs de la gauche, et pourquoi ? Une chose est certaine, les candidatures les plus à gauche, plus sociales, plus unitaires, Piolle et Rousseau, quoique majoritaires dans EELV, se sont éliminées l’une l’autre en un mouchoir de poche. Et ensuite un réflexe de représentativité mainstream s’est exercé.
Piolle était plus attendu, Rousseau a raison cependant de dire que la courbe des voix entre elle et Jadot était en train de s’inverser et qu’à quelques jours près, elle gagnait en affirmant sa « radicalité ». Elle a encore raison, de se déclarer loyale envers le vote tel qu’il a été (personne ne supportant plus les parjures façon Valls et De Rugy) et d’insister sur le fait que la loyauté doit être réciproque, réaffirmant que « l’unité devait se faire du PS à LFI inclus ». Alors voilà, les enjeux sont encore ouverts et serrés, Jadot ne va pas pouvoir dire tout ce qu’il veut et sera obligé de donner un coté plus gauche à sa campagne, s’il ne veut pas braquer la majorité réelle de son propre parti.
Hidalgo/Le Foll :
Au congrès du PS de Villeurbanne, le 18 septembre, l’aile droite Hollande-Le Foll-Geoffroy a été largement battue malgré une campagne interne agressive contre le Premier secrétaire sortant Olivier Faure. En gros il était reproché à Faure, d’être incompétent, mou, faible et de vouloir brader le parti dans une unité à gauche. Il est vrai que Faure avait été un unitaire hardi à Blois en été 2020, mais qu’il s’était heurté à une fin de non recevoir autant de EELV qui réclamait la tête de liste que de LFI qui la rejetait. Les apparatchiks du PS avaient donc peur pour leurs postes et, pour exister, voulaient une candidature, quelle qu’elle soit, comme garantie. Aussi étrange que cela paraisse, vu son degré de trahison et son bilan, Hollande lui même intriguait pour revenir. Rejetée, sa motion, n’eut que 25 % des voix.
Le problème était qu’aucune candidature n’apparaissait crédible et que Faure n’était pas enthousiaste pour Hidalgo à laquelle il fut obligé de se rallier par défaut. De là, à ce que, si Hidalgo plafonne comme cela apparaît, entre 4 et 6 ou 7%, la question se rediscute, il n’y a qu’un pas, déjà franchi par tous les commentateurs. Leurs deux faiblesses rapprochent EELV et le PS, mais sans qu’ils soient capables, à ce stade, de conclure. Une chose est certaine, leurs programmes ne sont pas incompatibles.
Roussel, Artaud, Poutou : 3 % sur 30 % ?
Plus radicales verbalement et avec un contenu plus anticapitaliste ces trois candidatures plafonnent entre 1 et 3 %, ce qui est vraiment dommage, car elles s’excluent de la bataille réelle qui est de chasser Macron-Lepen, et elles ne sont là que pour témoigner qu’il y a d’excellents arguments en faveur d’une révolution socialiste, sauf que ce n’est pas par le vote en 2022 qu’elle va se faire. Leur but est de se construire dans leur intérêt de chapelle, pas de construire dans l’intérêt du salariat. Ils ne cherchent pas à gagner et croient même que c’est impossible. Ils gèlent 3 à 4 % de voix qui manqueront au candidat de gauche qui sera le mieux placé pour franchir la barre permettant d’accéder au 2° tour.
A eux se rajoute Montebourg, avec 4 % d’intentions de vote au départ, autant de voix sans avenir. Mais qui prennent à gauche s’ils ne se retirent pas.
Or le total des voix de gauche, autant qu’on le sache bien à ce stade, malgré une abstention très forte et des sondages ambigus et manipulés, tourne autour de 30 % : s’il y a un seul candidat commun, ça passe, s’il y a deux candidats ça casse.
Pour ne pas endosser la responsabilité de ce futur désastre auprès des électeurs, chacun y va de son explication : en 1981 ou en 2012, la victoire a été possible avec plusieurs candidats de gauche ! Ce qui était vrai hier mais est devenu une vision archaïque depuis que Le Pen est confirmée en tête de la droite, c’est à dire depuis 2014.
Un autre tour de passe-passe se dessine : l’arrivée de Zemmour disperserait les voix de droite, le « ticket » d’entrée au 2° tour serait plus bas, et Mélenchon à 13 % serait « à 3 points » du passage en force, sans nouer d’alliances. Mais là ça repose sur une situation tellement ponctuelle et hasardeuse qu’on ne peut y croire, Zemmour étant tout sauf un candidat, les appareils LREM, LR et leurs médias n’ayant pas intérêt à un tel éclatement de façon durable. Or comme en 2107, ce sont les décideurs des médias, le CAC 40, le Medef, les banques, les institutionnels qui vont trancher. Ils l’ont fait ainsi avec Macron, lui donnant 16 millions d’euros et 300 « une » de journaux en 2017.
Face à ça, aucune personnalité de gauche ne joue la même partie : impossible de « percer » et gagner sans une forte volonté de masse c’est à dire sans une gauche unie et mobilisée. Dans ce type d’élection, les armes de la droite et celles de la gauche, ne sont pas du tout les mêmes.
LFI la force ira à la force ?
LFI tient un discours simple : « nous sommes prêts, nous avons un candidat, un programme, nous passerons en force et le reste de la gauche sera bien obligé de nous suivre, en vote utile ». Sauf que l’incertitude règne et chaque sondage provoque un frémissement cruel : être mieux placé à 8 %, à 11 % ou 13 % qu’est-ce que ça veut dire ?
Rien, zéro, aucun, nul n’est « mieux placé », pas un seul ne va au 2° tour. Le « vote utile » ne peut remplacer conviction et dynamique. Promettre que, sans bouger, le sort va devenir meilleur, ça tient un temps, mais jusqu’à quand ?
Il y a désormais six, sept, huit, neuf candidats de gauche déclarés entre 1 et 11 %, les électeurs de gauche potentiels veulent l’unité à 81% et à 73 % veulent un candidat commun. Combien de temps la direction de LFI résistera t elle, enfermée dans son refus de discussion avec tous ces candidats ? L’union populaire ? Avec qui ? Avec quoi ? Comment ? Refuser toute initiative de rencontre, de débat, de recherche d’accord à gauche, va entrer en collision fracassante avec les aspirations de la base. Et il y a risque de rejet de retournement, de dégoût, de colère. Même un accord EELV – PS pourrait apparaître, en ce cas, en vote utile, et occuper le terrain.
La meilleure tactique serait de prendre acte de la situation, du risque manifeste de tout perdre le 10 avril 2022 et de dire « causons » « voyons si on peut avoir une plateforme commune » puis « voyons si on peut parvenir à un nom commun ». Mélenchon lui même pourrait être ce nom commun s’il prenait ce tournant unitaire : la conviction, le respect, le partage iraient à la force dans ce cas-là.
Contourner par les législatives ?
Des négociations se tiennent déjà au niveau national, « informellement », entre toutes les principales composantes : EELV, PS, PCF et LFI pour les législatives. Tous les petits appareils cherchent à se sauvegarder, à se prémunir des résultats probables de leur division à la présidentielle en s’unifiant aux législatives.
Quelle curieuse démarche que de chercher en juin 2022 l’unité de la gauche à laquelle on renonce en avril 2022 ! Quel défaitisme de renoncer au duel central pour la présidence et de chercher à éviter les duels à gauche dans les circonscriptions ! Comment avouer aujourd’hui aux électeurs qu’il y a des « divergences fondamentales » insurmontables d’ici avril mais qu’on prépare déjà une entente pour juin ?
D’autant que chacun sait : la victoire la présidentielle détermine mécaniquement la victoire aux législatives, le calendrier est impitoyable, l’abstention battra tous les records. En cas de défaite de la gauche, le ré élu de l’Elysée aura tous les pouvoirs, il fera une étiquette « majorité présidentielle » et, dans ce système antidémocratique, il nommera qui il veut, même des manches à balais godillots ou des corrompus (encore que, à droite, la bataille des places fasse aussi rage entre eux, d’où des initiatives comme la création de son nouveau parti « Horizons » par Edouard Philippe).
On nous dit à gauche « oui, mais en s’accordant sur les législatives » maintenant« on se donne des garanties réciproques » qui « rassurent »et on pourra alors revoir sous un oeil nouveau une candidature commune. Du coup, les appareils, ne pensant qu’à eux, sont déjà d’accord sur un point : « les sortants seront protégés, ils n’auront pas d’autres candidats de gauche en face d’eux ». Cela laisse 10 PCF, 17 LFI, 30 socialistes, 23 divers gauches, et…un EELV sortants. S’il y a d’autres accords de partage, peut être quelques dizaines de députés supplémentaires de gauche pourront ils franchir le seuil, sans concurrence, s’ils sont seuls en lice. Et, racontent les uns, s’il y a un accord ferme signé en ce sens, alors il peut y avoir in fine désistement fructueux – Hidalgo pour Jadot ? - et un seul candidat à la présidentielle, ce qui ne ferait certes pas dynamique, mais limiterait les dégâts.
LFI, si elle ne sait pas, vite, (et elle perd du temps d’année en année) prendre l’initiative unitaire centrale que sa position actuelle lui permet encore, se retrouverait « cornérisée » dans une telle hypothèse et n’aurait plus qu’à se rallier pour sauver son groupe parlementaire. Mais son ambition est-elle de gagner ensemble ou de défendre son pré carré ? Cette question trouble tous les esprits des dirigeants à gauche. Sous les yeux ouverts et colère des masses ils vont devoir trancher.
Ne surtout pas renoncer à exercer la pression
C’est maintenant que ca se joue et se dénoue. Tous les éléments de la gauche se touchent et battent comme les ailes de papillon, s’influençant l’un l’autre. C’est comme une grande maison commune, temporairement séparée par des ventes à la découpe. Mais on peut reconstituer une grande alliance qui devienne un grand parti de gouvernement unifié sur une véritable base de gauche - à condition qu’il soit démocratique.
L’actuelle situation est propice aux poussées à gauche, dès qu’il y aura unité - pas à des retours en arrière. A l’heure des 11 300 milliards de Pandora, l’unité peut se faire sur un programme hardi de transformation sociale qui ouvrira lui-même, dans l’action enclenchée, des dynamiques révolutionnaires.
Il ne faut rien craindre : ce ne pas sont les "réformistes" qui ont le plus intérêt à l'unité ? Bien sûr que non ! Ce sont les "révolutionnaires" les plus intelligents sur l'avenir de notre société et de nos combats qui ont le défi de réaliser l'unité de la gauche. Sans unité des réformistes et des révolutionnaires, y a même pas de départ de la course mais avec l'unité des deux, ce sont les révolutionnaires qui l'emportent quasi à coup sur dans les derniers kilomètres.
Donc GDS est utile et sert dans ce combat décisif. Nous avons des discussions particulières avec « Ensemble » (dans le Var du 23 au 26 octobre) avec Générations, avec Nouvelle Donne, Place publique pour qu’ils acceptent de grouper nos forces. Mais il faut des militants, des bénévoles, des activistes qui veuillent participer avec nous, car cela signifie d’énormes tâches quotidiennes exaltantes, rejoignez nous !
Gérard Filoche