"Pour une écologie poétique".
Extrait d'un entretien de JP Iommi-Amunategui avec Michel Deguy paru dans le mensuel L'Impossible n°5
Leur site internet étant en construction, je transcris le chapitre "poésie":
" Penser l'écologie comme une vision; non "qu'elle ait des visions" mais elle est une clairvoyance. Et que voit la vision ? Des voyants. Le voyant est objectif, lumineux. Il s'allume en alerte, ce sont les phénomènes, les "choses mêmes" qui en appellent à notre clairvoyance. multiples et terrifiants, les voyants sont au rouge. Leur appréhension n'est pas scientifique. L'écologie est affinée à ce qu'on appelle poésie. Elle fait voir. Son sens du monde, le sens du monde, est différent de celui de la mondialisation. C'est un autre monde, mais précisément c'est notre monde, confié à l'attachement soigneux des humains, à l'art, à la philosophie et à la poésie. la culture ? Son devenir culturel a été entièrement vampirisé dans l'homonymie.
Si l'écologie n'entretient pas pas sa relation avec la poésie, elle cesse. Deux mutations s'affrontent. la première est celle du culturel "phénomène social total" auquel rien n'échappe, c'est le grand mot technique de l'époque. C'est de la sortie du logos qu'il s'agit.
(Deux clignotants deux voyants: on dit partout et pour tout, par exemple tel parti politique doit "changer de logiciel", on sort en l'occurrence de ce dans quoi s'est construite la pensée politique d'Aristote à Montesquieu; le développement exponentiel du logo-du verbal et un peu de dessin -tout est changé en son identité et celle ci déterminée en image de marque, produits dérivés garanti par le dépôt de l'original, ville et pays eux même devenus des show-rooms de leurs images, tyrannie de la marque, screenisation de la vie, boniment mondial, féerie mensongère. La nocivité de la publicité dont nous n'entendons plus le ridicule est terrifiante).
L'autre mutation, celle qu'il serait urgent, vital, de déchaîner pour quitter la première, c'est celle qui reçoit son nom de l'écologie! Logos de l'oikos, logie de l'éco, de l'habitation terrestre. Tout a changé sauf l'homonymie, et les "valeurs" ou le "dialogue" sont les mêmes grands mots évidés qui dissimulent le changement; les choses changent mais pas les mots (ou plus lentement), l'homonymie jette un voile d'ignorance, on ressasse les formules qui dissimulent ce qui est en cours. Il faudrait tout changer à ce changement, c'est difficile. Si la première mutation a reçu le nom de mondialisation, alors la tâche de la pensée écologique est d'insister pour une autre vision du monde; non pas régressive, rétroviseuse, réactionnaire, occupée à préserver (même si l'ancien monde est toujours et demande mémoire et savoir) mais à distinguer le monde de l'environnement. Contre la dialectique, l'écologie est une poétique ou n'est pas."
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Billet de blog 1 oct. 2012