A l'âge de vingt cinq ans, j'ai travaillé en Afrique sur un bateau de prospection sismique qui recherchait du pétrole dans le golfe de Guinée, au large du Nigéria. Le bateau, un ancien pêche arrière breton, faisait soixante dix mètres de long. A bord, il n'y avait que des hommes, et pendant les trente ou trente cinq jours de mer, loin des côtes et de toute civilisation, le bateau faisait des ronds dans l'eau en cartographiant les fonds marins. Donc, aucune femme à l'horizon pendant plus d'un mois. Rentré au port après cette sorte d'exil professionnel, le fait de marcher dans la rue, de seulement voir et cotoyer des femmes, de leur parler, représentait pour moi un indiscible plaisir et me venait alors à l'esprit cette phrase de Louis Aragon au sujet des femmes:
"Je crois que j'ai eu besoin des femmes comme pas un. D'autres les ont sans doute aimées davantage. J'en ai besoin, et non pas d'une. De toutes les femmes. De la foule des femmes. Du tableau indéfiniment mobile de leurs possibilités."