Ce blog n’a peut être qu’un seul mérite, celui de faire travailler notre mémoire, individuelle ou collective. Mais qu’est ce que la mémoire ? Comment se construit-elle ? Quelle est la part de l’oubli dans nos souvenirs ? Jöel Candau dans Anthropologie de la mémoire (2005-14) rappelle cette métaphore issue d’un ouvrage de Gerald Edelmanet Giulio Tononi: Comment la matière devient conscience , Les auteurs y réfutent toute conception statique de la mémoire ce qui les conduit à proposer cette thèse d’une masse en mouvement:
“La mémoire s’apparente plus au brassage et et au refroidissement qui ont lieu dans un glacier qu’à une inscription sur un rocher (op.cit:115) . Quand le glacier se réchauffe, de l’eau s’écoule et forme des rigoles qui descendent vers un torrent alimentant une mare au fond de la vallée. La formation de cette mare tient lieu de sortie du système glaciaire. C’est une performance qui se répète lorsque les conditions climatiques sont favorables. Puis un refroidissement survient, suivi d’un nouveau réchauffement. Après s’être figée, la rigole va de nouveau alimenter le torrent et la mare et, sans doute, d’autres rigoles seront créées qui pourront fusionner avec la première. Dans cette analogie, on retrouve toutes les caractéristiques des mécanismes mémoriels selon Edelman et Tononi…
Une mémoire de ce type a des propriétés qui permettent à la perception d’altérer le souvenir et au souvenir d’altérer la perception. Elle n’a pas de limite de capacité puisqu’elle engendre des informations par construction. elle est robuste, dynamique, associative et adaptative. Si notre conception de la mémoire est correcte, dans les organismes supérieurs, chaque acte perceptif est jusqu’à un certain point, un acte de création, et chaque acte de mémoire est jusqu’à une certain point un acte d’imagination. Dès lors la mémoire biologique est créative et non réplicative.”
Gageons que la mémoire de l’humanité ne soit pas trop courte, et que les glaciers serviront toujours de métaphore aux chercheurs poètes.