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Billet de blog 22 janvier 2015

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la France n'est pas sous menace spirituelle islamique, mais sous conquête matérielle asiatique

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Le 8 janvier 2015, entre la tuerie de Charlie Hebdo et celle de la porte de Vincennes, je publiai sur mon blog la réflexion ci-dessous dont les derniers développements incorporaient ma réaction à l'énorme émotion suscitée par les premiers de ces   attentats . Je n'avais pas mis ce texte sur Mediapart parce qu'il me semblait décalé par rapport à tout ce qui s'est passé et dit  à compter du 8 janvier. Mais j'en fait état aujourd'hui parce que certains de ses points  me semblent pouvoir trouver place dans les échanges ouverts depuis lors sur la question des relations entre notre Nation et l'Islam.

C'est une simultanéité éloquente que cette nouvelle prise de contrôle économique par les Chinois - celle du club med, symbole de l'hédonisme international - et que ce buz autour de la publication de "la soumission", cette fiction (qui pourrait même être plausible parce qu'elle exprime, par réaction à la "licence", les effets sociétaux de convergence possible des religions du Livre) d'une prise de contrôle culturel de la société française.

Ce serait le résultat, non seulement, du fameux "grand remplacement" des nationaux par des immigrés (mythe auquel le romancier donne évidemment corps), mais aussi celui - prévision plus novatrice ne manquant peut-être pas de pertinence - de l'alliance des musulmans et de nos conservateurs, portant nos lois et nos mœurs vers un modèle à contre courant de la "modernité" et recréant certaines facultés oubliées d'équilibres (par exemple, par le retrait des femmes du marché de l'emploi).

Cette coïncidence du fait économique (la prise de contrôle du club med) et de spéculations (en complaisance commerciale envers les pires courants d'air du temps ) me donne l'occasion de souligner une fois de plus - à l'inverse de ce que portent à penser nos obsédés d'identité jouissant des low cost de la mondialisation, mais nourris de répulsions envers l'immigration - que le vrai défi de la France n'est pas la menace spirituelle islamique (dont tout le monde parle en satisfaisant à la mode Houellebecq), mais la conquête matérielle asiatique ( sur laquelle personne , évidemment , ne s'étend puisque le Ps a déclaré que critiquer le rachat du club était "raciste", Cambadelis voulant sans doute là aussi faire plaisir à Raffarin qui a toujours célébré "nos bons amis chinois " .

 Cette conquête de la France (incapable d'avoir une politique économique de salut national) par l'Asie ( puissante de tous les bénéfices commerciaux et financiers résultant d'un libre échange sans contrôle qui est le dogme d'une l'Europe aveugle à laquelle nous soumettent des droites suicidaires et prétentieuses, tantôt libérale, tantôt socialiste) est une réalité économique ayant produit depuis longtemps ses effets dévastateurs dans les esprits et dans l'emploi , tandis que l'hypothèse de la main mise de l'Islam sur notre pays exprime une panique entretenue par des bateleurs tenant avant tout à continuer à pouvoir tirer satisfactions et transgressions d'une société non pas traditionnelle, mais décomposée par les effets conjugués du double libéralisme de l'économie et des mœurs.

Par rapport à l'islamophobie rampante ou claironnante ce qui domine est à l'inverse silence, compréhension et louange envers des présences asiatiques : parce qu'avec cette immigration là - qui peut (avec celle des privilégiés des émirats ) ressembler jusqu'à la caricature à nos propres petits affairistes ou gros potentats - on partage de mêmes intérêts , on joue dans les mêmes cours des business de toute nature.

Alors que les agressions que nous subissons sont plus matérielles ( dont le terrorisme) que spirituelles, toute une part de l'intelligentzia nous trompe en nous répétant que nous serions suicidaires par nos ouvertures d'esprits. Pour contrer ces divers "causeurs", des feuilles de gauche peuvent bien s'indigner du dernier produit de M. Houellebecq, mais entre celui-ci - dont la carrière a été construite par la célébration qu'on ne saurait rien interdire, ni juger comme mauvais dès lors que c'est un peu transgressif - et l'esprit de Libération et autres, il y a malheureusement le tropisme partagé vers les mêmes causes de déclin : des résignations d'anciens gauchistes devenus politiquement impuissants ( dont pas mal peuplent des couloirs du pouvoir et des media ) devant les politiques économiques autorisant tous les excès du libéralisme international ; puis des vécus d'imprégnation de ces convertis dans les conséquences de civilisation de ce triomphe du capitalisme mondial.

Les rigoristes de tous bords ont beau jeu de stigmatiser la cupidité de celui-ci, de montrer qu'il vit des pulsions que sont dépense et libido. Le règne d'une hiérarchie de signes de richesses témoigne des positions de chacun sur l'échelle des inégalités; la multiplicité des signaux sexuels est d'autant plus provocante qu'est niée la différence des sexes. Tels sont les ressorts faisant fonctionner une civilisation de Tantale débouchant au pire sur la prédation, au mieux sur l'hédonisme et portant au doute .

On comprend que parfois des gens puissent penser que l'accès à plus d'influence culturelle des religions du Livre, loin d'être une menace serait un bienfait pour notre corps social. On redoute de penser que c'est la destruction de tant de repères - idéaux de vie, exigences morales, règles de décence, valeurs de sacrifices - qui peut inspirer répulsion à des jeunes en questionnement psychique et les pousser, en rupture avec notre monde, aux pires vocations extrémistes.

Ce que, au demeurant, MH semble - malgré ce détachement morbide qui est sa marque de fabrique - avoir bien perçu, c'est que certaines des préférences sociétales islamiques modernisées peuvent pour une large part être convergentes d'une part avec celles d'une tradition judéo chrétienne, d'autre part convenir à certaines prédilections intimes, de telle sorte que ces menaces spirituelles, dont on agite en permanence les méfaits , ne se trouvent pas sans séduction. Mais, la limite de l'exercice d'imagination, est que cette approche laisse complètement de côté ce qui peut, au plan économique et social, advenir d'une société française plus encore soumise aux effets de la mondialisation sous dominante asiatique qu'aux dialogues entre religions - dont les pays asiatiques ( malgré le succès d'estime du Bouddhisme) ne sont pas devenus, comme d'autres produits, grands exportateurs.

Aussi, dès que, dans ce monde post moderne - marqué comme le dit le sulfureux Maffesoli (dont le principal, défaut est d'écrire une langue trop maniérée) de tribalisme, d'hédonisme et de nomadisme , et surtout en bref de matérialisme sceptique ( non historique) - oui, dès lors que dans un  monde ainsi labouré par l'héritage de 1968, telle ou telle religion en vienne à rappeler et tenter de faire valoir ses tabous, ses valeurs, des convictions spirituelles, des règles morales, etc. , et les défenseurs d'une laïcité déformée ne manquent pas de brandir des principes qui n'ont rien à voir avec ce qu'est la laïcité (l'absence de religion d'Etat), mais qui sont en fait enracinés dans le tour plutôt totalitaire que peut prendre l'idéologie libertaire : non point traiter également les diverses religions , mais plutôt de voir exclure les présences religieuses de la vie collective. Voilà qui débouche , de manière excessive à mon sens, au nom de la liberté d'expression ( qui ne paraît , en la matière, faiblement cantonnée par des dispositions légales ayant institué le principe de condamnation des incitations à la haine raciale, ethnique ou religieuse, se traduisant en particulier par la répression des propos antisémites) sur l'imprescriptible droit de tourner en dérision les figures emblématiques d'un Mahomet, d'un Moïse ou d'un Christ et, sous couvert d'art, à conduire, des provocations.

A l'inutile bêtise satirique de certaines de celles-ci (voilà ce qu'il faut oser dire aujourd'hui où j'achevais ce billet lors de la tuerie de Charlie Hebdo) puisque l'humour ne peut être partagé que par les gens d'un même milieu intelligent, répondent aujourd'hui, de la part de gens qui ne sont évidemment pas intelligents (ce dont il faudrait que les intelligents tiennent compte)   des actes de barbarie perpétrés par des exaltés aussi étrangers à nos élites que des extra terrestres. Sur le terreau des tensions ethno religieuses du monde actuel, c'est le fruit de la radicalisation de fous de dieu devenus les "satans" d'une insaisissable réplique de notre Inquisition, restée au temps de la secte des "assassins" .

Qu'ils soient condamnés de toutes parts par les milieux islamiques n'empêche pas que ce qui est visible dans leurs actes terroristes est, aux yeux du grand public, aux yeux de tous les Français pris à témoin, est que l'inspiration de cette tuerie réside dans leur religion.

Ne jouons pas aux apprentis sorciers avec le risque de tels amalgames. Le recours au terrorisme est précisément le contraire de la conquête spirituelle. Il serait catastrophique que la tragédie d'aujourd'hui revête une portée conduisant à désigner un ennemi public ethno religieux et il faut prendre, encore plus attentivement, garde à ce que les pires des manipulateurs, appuyés sur une émotion évidemment nationale, ne s'en servent pas à cette fin. Le devoir des responsables de ce pays est autant l'appel à l'apaisement des esprits qu'au renforcement de précautions de toute nature (qui doivent pouvoir être meilleures) et à celui des moyens de sécurisation.

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