Pour faire le point de ce qui a conduit à la situation grecque, il faut se reporter à l'analyse magistrale de Yanis Varoufakis publiée dans "AlterEcoPlus", telle que prononcée à l'occasion d’une rencontre sur le futur de la zone euro, le 8 juin 2015 à Berlin, organisée par l’Institut für Makroökonomie und Konjonkturforschung de la Fondation Hans Böckler Elle permet de bien comprendre comment la constitution de la "dette grecque" - si largement illégitime - est l'inévitable résultat de manœuvres européistes entreprises de longue date pour incorporer ce pays dans le système européen; voilà ce qui a conduit, en fortifiant les ploutocraties de la Grèce, à la droguer pendant quelques années par l'euro avant de la soumettre ensuite à une cruelle cure de désintoxication, puisque la malfaçon (et la malhonnêteté) fondamentale du système est d'abord de ne pouvoir bénéficier qu'aux pays avancés et à leurs banques créancières , ensuite de rendre impossible d'en sortir sans dommages sociaux considérables et risques politiques majeurs.
Il faut aussi se reporter à l'article très explicite de Médiapart du 22 juin sur la stratégie de la terreur appliquée par "les Institutions" à l'encontre de la démocratie grecque pour mesurer l'ampleur idéologique de cette bataille dans laquelle le camp libéral veut l'écrasement de tout autre type de pensée et d'action et n'entend donc accepter aucune transaction qui fasse place à l'esprit de réforme des dirigeants grecs aujourd’hui en place, extrémisme auquel, sous l'apparence de "bons offices" attirant les interlocuteurs grecs sur les terrains de raisonnement du capitalisme international financier , se prêtre la complicité sociale démocrate française.
Rien n'est pire que le geste paternaliste d'un Juncker (faisant la une du Monde) tapotant la joue du Premier Ministre Grec faisant constater qu'on est bien en train de ramener cet irresponsable gamin à la raison "adulte" qu'exige la méprisante Lagarde (comme l'a dépeinte dans l'un de ses livres Dupont Aignan lui prédisant l'inadmissible piétinement de nos intérêts nationaux et auquel elle répond "il faudra bien, Mr le député "). Ce geste est symbolique en ce qu'il donne toute la dimension psychologique d'une inadmissible humiliation. Et s'il n'avait tant besoin d'argent - puisque le piège ne permettant pas de sortir de la nasse euro est en train de fonctionner - Tsipras aurait du bloquer cette pantomime.
Dans ce conflit du pot de fer (qu’illustre bien Merkel) contre le tout petit pot de terre qu'est la Grèce, il faut que les européens ajoutent l'ironie et l'hypocrisie de la vertu à la dureté des choses, la prétention de représenter, au regard des cigales méditerranéennes l'ordre moral des fourmis saxonnes pour qu'il soit légitime de renforcer le prix des biens vitaux, de couper encore dans les retraites, de continuer à empêcher le peuple de se soigner, etc.
De longue date une campagne évidente et même pas insidieuse, sinon par les canaux qu'elle utilise à tout escient, donne à entendre que les Grecs sont des dépensiers et des polissons, ce qui plaît bien au contribuable français, tandis que cette volonté de déstabiliser et de décrédibiliser des gouvernants grecs aux affaires se traduit par un travail en profondeur dans le pays lui-même pour mettre en valeur les peurs de chacun, faire mousser les critiques droitières, faire douter l'électorat de la capacité de son gouvernement et l'inviter à se dire lassé de ces vaines rencontres où ses représentants n'auraient guère fait, avant hier, de sérieuses propositions ...
... celles de vraiment réformer la société grecque n'intéressant évidemment pas ceux dont les valeurs sont l'appropriation privée, les profits des possédants, les inégalités, les compétitions et qui sont ceux dont la pensée du bien public, au mieux, ne va pas au delà de la stupide théorie du ruissellement, manifestement héritée d'une civilisation de riches et de "multitude".
L'affaire grecque démontre le caractère définitivement inadmissible de la dictature sociale libérale européenne. Elle illustre bien qu'il n'y a pas de transaction possible avec cette conception d'un ordre autoritaire (et illégitime car non validé dans bien des pays de l'Union) qui n'accepte aucune amodiation ni de ses principes , ni de ses mauvaises recettes.
Dès lors c'est l'autre modèle socialiste, celui d'une réelle ambition transformatrice - avec toutes les implications nécessaires quant aux places et rôles des puissances publiques et de leurs capacités régulatrices au regard des entreprises et des marchés - qu'il faut remettre intellectuellement à jour et, politiquement, en ordre de combat