Très vite après le début du quinquennat Jacques Julliard a fait partie de ceux qui ironisaient sur la mollesse de F. Hollande et il a fait partie du concert ayant encouragé les grenouilles françaises a demander un roi, puis il a salué l'autorité présidentielle sachant enfin imposer de réalistes options économiques libérales en devant réformer le pays par les coups de menton d'un premier ministre minoritaire dans la gauche et diviseur de celle-ci, en espérant clairement que naitrait une nouvelle majorité plus à droite.
Le résultat est là, plutôt décalé. Il ne satisfait pas l'éditorialiste qui y voit” une défaite de l'intelligence", puisqu'il semble évident que pour lui, il n'y a pas de salut en dehors du flou social démocrate et de la dureté de l'euro.
C'est bien ce qui a conduit - faute que FH ait su ou même voulu, plutôt que d'embrasser Merkel, mettre un peu le poing sur la table pour essayer de faire sensiblement changer l'Europe - à ce qu'il croit pouvoir synthétiser par des formules aussi fausses que séduisantes = une "gauche bobo"( elle est tout autant techno), une "droite tradi"( elle est bien pire: libérale, autoritaire et cupide) , et "une extrême droite prolo" (elle est en fait populaire, ce qui est bien plus embrassant .. et embarrassant).
Mais notre éditorialiste persiste par des préjugés de café du commerce. On lit que "le seul choix qui demeure est entre le libéralisme pur et le keynésianisme", ce qui démontre combien il n'a jamais compris que le keynésianisme est largement inopérant dans une économie mondiale de libre échange. Ce prétendu vieil homme de gauche a oublié qu'il peut exister d'autres modèles de société , fondés sur de l'économie mixte, sur des facultés de recours aux financements publics (seuls moyens de ne pas rendre de grosses inégalités indispensables pour nourrir les investissements comme de tenir des stratégies); et que ces modèles impliqueraient la liberté de manœuvre monétaire et budgétaire de la France , comme l'ont les Etats Unis, la Grande Bretagne ou la Suède, etc. ...sans mourir d'être hors de l'euro. Mais J. Julliard enjambe de tels débats et discrédite des préconisations d'autre politique économique parce qu'il en impute l'inspiration au FN (lequel reprend en fait de manière caricaturale des hypothèses très sérieusement étudiées par nombre d'experts de la gauche autonome ou affinées par la réflexion souverainiste), ce qui, par définition, ne pourrait mener qu'à des catastrophes.
Sa démarche est exactement à l'inverse de "l'analyse rigoureuse de la réalité" à laquelle il invite. Il s'aligne évidemment sur les conformismes dominants : ceux qui, par exemple, inspirent la campagne conduite contre la volonté réformiste progressiste de la Grèce[i]. Celle-ci elle est entrée dans l'euro par le maquillage de ses comptes couvert par des banquiers d'affaires et des experts européens dont cette manipulation servit alors la volonté d'étendre l'empire de la monnaie unique, ce qui permit des années durant des laxismes dont la réparation a été ensuite recherchée par l'imposition d'une série de graves injustices infligées au peuple hellène. L'esprit auquel nous invite J. Julliard est bien du même tonneau : c'est effectivement la "défaite de l'intelligence" qui est de se ranger à la maxime thatchérienne : There is no alternative" : TINA.
Voilà qui remplace tout : ne pas comprendre que le succès du Front National est imputable tout à la fois à sa critique de l'Europe et à son aversion envers l'Islam (ce qui est bien plus grave, mais dont Julliard ne touche pas un mot, les a priori anti musulmans, comme l'a dit Bianco, étant aussi bien présents dans une laïcité répressive de gauche); ne pas comprendre non plus que, même si c'est artificiel, le populisme sait faire miroiter un dessein national plus mobilisateur que ce libéralisme sociétal qui, avec la conduite trop autoritaire de la réforme du "mariage pour tous", a tellement nuit au hollandisme dans les milieux populaires conservateurs; ne pas mesurer enfin que la dédiabolisation du mouvement bleu marine (par le buzz que lui ont assuré les médias et par la consigne d'apprenti sorcier qu'est le "ni ni" de Sarkozy) vont évidemment conduire, ce dimanche, des clientèles UMP à préférer voter FN que donner une chance à des binômes du PS.
L'électorat qui partage aujourd'hui les positions et les sensibilités sociétales du FN, alors même que cet électorat est sans doute pour l'euro, ne sera pas gêné pour voter FN par les positions lepénistes contre l'Europe, surtout dans une élection locale dont la droite attend des gestions sociales réprimant l'assistanat et discriminant les immigrés. Voilà ce qui indique, à mes yeux, combien ont tort ces intellectuels parisiens disant que "tout le monde se fout de savoir qui sera président du conseil départemental" et combien donc aussi trop nationaliser le débat à la faveur des cantonales a été une erreur tactique de plus du gouvernement.
L'intelligence aujourd'hui - qui rejoindrait la morale et l'honneur - serait d'abord de partout combattre l'islamophobie et, plus généralement, les thèmes du FN sur l'immigration qui ont conquis toutes les droites et qui commencent à contaminer quelques gauches, en essayant de faire que le culte de ces haines[ii] ne soit pas le levier essentiel par lequel le pouvoir changera de mains en 2017.
L'intelligence aujourd'hui serait ensuite, au lieu de faire l'autruche, de comprendre les raisons de l'impact qui résulte au profit du FN de notre excès d'obéissance européenne et de sortir enfin de cette soumission avant que la boule de neige de l'allergie populaire envers l'Europe - du moins telle qu'elle est - ne garantisse encore mieux le score présidentiel de Marine Le Pen. Mais avec l'affichage de poursuivre - quoiqu'il arrive - la ligne européiste d'aujourd’hui, nous nous garantissons de continuer, en matière économique, sociale et politique, dans la mauvaise route
[i] Tout est bon pour la mettre à genoux par tirs soigneusement croisés : pendant que "le Monde" et autres démolissent l'image de son gouvernement (car il s'agit d'abord d'une guerre idéologique) la BCE assèche les facultés de liquidés des banques grecques et Fitch dégrade à nouveau la notation de la Grèce pour, si elle ne cédait pas, qu'elle ne trouve plus jamais d'emprunt qu'à des taux exorbitants (puisqu’il s'agit ensuite de soutenir l'idéologie libérale par le chantage financier).
[ii] le débat sur l'immigration (et sur l'Islam) est central : Il faut soutenir contre l'idée d'une "assimilation" (que demandent des beaufs n'acceptant que ceux qui leur ressemblent) , la politique d'intégration qui a d’ailleurs, à conditions sociales comparables, plutôt réussi et qui doit continuer à mener à une société pluri ethnique et multiculturelle…
... étant observé que le métissage n'est pas l'avenir du monde, mais seulement l'un de ses versants , la coexistence d'identités différentes se respectant les unes les autres au sein de communautés plurielles étant le propre des grandes nations...
….ce qui implique aussi qu'elles soient multi confessionnelles par l'application intelligente d'une laïcité ouverte, pluraliste inclusive et non répressive. C'est dire combien il faut combattre à mes yeux tout ce qui tend à la répression des singularités (vestimentaires, coutumières, alimentaires, etc.) des uns ou des autres dès lors que ces pratiques sont compatibles avec le respect des droits fondamentaux de la personne.