Au nom de la prétendue « dissuasion nucléaire », aucun abri n’est prévu pour la population en France en cas de conflit armé.
Alors que la population de l’Ukraine est écrasée sous les bombes russes et que Poutine menace l'Europe d'une escalade, la preuve est faite que le prétendu "équilibre nucléaire" ne dissuade pas d'une guerre d'agression en Europe.
Comment alors ne pas nous interroger sur l'absence de protection de la population en France. Ceci d'autant plus que les nouvelles armes utilisées contre l’Ukraine, comme dans les autres guerres qui se mènent au même moment dans le monde, visent d'abord les populations civiles et les infrastructures nécessaires à leur survie.
Sommes nous protégés ? C’était déjà la question que posaient deux sénateurs, le gaulliste Raymond Marcellin et le centriste Edouard Bonnefous, dans leur rapport de 1980 «sur le niveau de protection de la population civile française en temps de crise ». Ils y constataient que la logique de la stratégie de dissuasion nucléaire avait conduit « non seulement à ne pas s’organiser en vue d’une éventuelle agression nucléaire mais à considérer que le faire serait porter atteinte à la crédibilité de la dissuasion. » Or ajoutaient-ils « l'élément de sécurisation le plus directement ressenti comme effectif par la population, c'est la possibilité de se mettre à l’abri, soit des destructions conventionnelles, soit des agressions nucléaires, soit des agressions chimiques ou bactériologiques » La crainte du moment étant de nature nucléaire ils proposaient la mise en construction rapide « d’abris anti-souffle » dans les « points sensibles de notre défense». Ainsi que « d’abris anti-retombées » au profit « des populations à l’écart des points d’impact éventuels ».
La proposition était reprise en 1982 par Pierre Mauroy, premier ministre socialiste de François Mitterrand, par une directive dans laquelle il était décidé que «dans les villes de plus de 50 000 habitants, toutes les constructions publiques ou privées neuves et devant abriter 100 personnes ou plus, seront équipées d’abris anti-souffle. Dans les villes où la population est comprise entre 10 000 et 50 000 habitants, toutes les constructions publiques ou privées neuves et devant abriter 100 personnes ou plus, seront équipées d’abris anti-retombées renforcés ».
Plus de quarante ans plus tard force est de constater que la circulaire n’a reçu aucune application et qu’aucun abri n’est prévu en France, contrairement à la plupart des pays européens, pour abriter la population dans le cadre d’un conflit tel que celui que subit l’Ukraine en ce moment. Et ceci alors même que l’éventualité d’une telle agression semble pouvoir nous concerner dans un avenir proche si on en croit les récents propos de la hiérarchie politique et militaire française.
Pourtant en quarante ans le territoire français a vu augmenter le nombre de « points sensibles » constituant des cibles potentielles. Déjà, en 1980, les deux sénateurs les signalaient en précisant même que « Les entreprises publiques qui, tel Électricité de France, introduisent localement des éléments de risque, comme l’implantation de centrales nucléaires pouvant constituer des cibles privilégiées, devraient supporter le coût de la protection des populations.»
Nos dirigeants politiques et militaires, le chef de l’État en premier lieu, s’efforcent de préparer l’opinion à un éventuel conflit sur notre sol. La priorité ne devrait-elle pas être plutôt de s’interroger sur le choix qui a été fait de ne pas protéger l’ensemble de la population française et sur le bien-fondé de la doctrine de « dissuasion nucléaire » qui a entraîné cette décision.