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Billet de blog 1 septembre 2015

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Valls Macron : la primauté du « compte personnel d’activité » contre le droit collectif - Défendons le droit du travail !

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C’est du très sérieux cette nouvelle attaque annoncée de Valls contre le code du travail

en écho hélas, à l'attaque du Medef de Pierre Gattaz contre "le fléau n°1 des patrons"

Ca vient de loin. C’est en 2003 que Laurence Parisot avait dit « la liberté de penser s’arrête là ou commence le code du travail ». « La vie, la santé, l’amour sont précaires pourquoi le travail ne le serait-il pas ? » disait elle. Larcher a traité le code du travail de « charia » et ses défenseurs à la Cour de cassation « d’ayatollahs ». Le Guen déclare que le code du travail est « répulsif » pour l’emploi. En 2015, Gattaz pousse le bouchon « le code du travail est le fléau n°1 » Il ne restait plus à Valls et Macron « medéfisés » qu’à épouser cette ligne : ce qu’ils font à grand pas.

Le but est clair et doit être dénoncé clairement pour que tout soit bien compris : le contrat devrait l’emporter sur la loi au point qu’il n’y ait plus de loi spécifique du travail. Le droit des contrats, comme aux Etats-Unis, doit être celui des individus, de gré à gré, sans référent collectif, ni légal ni conventionnel. Il doit exister entreprise par entreprise et non plus au niveau de l’état. C’est la fin de l’état de droit républicain dans les entreprises qui est visé.

La loi Fillon du 4 mai 2004 avait ouvert la brèche en permettant les dérogations à la loi au niveau des entreprises. Pendant 12 ans, ils ont étendu ces dérogations en « recodifiant » inlassablement le code du travail. Fillon, Larcher, Darcos, puis hélas, Sapin, Valls et Macron continuent en plus fort. L’ANI du 11 janvier 2013 et la loi Sapin du 14 juin 2013 ont abondé dans ce sens. La loi Macron encore plus.

Depuis 1906, la catastrophe de Courrières, la séparation des ministères de l’économie et du travail a été décidée, il était convenu que le droit du travail était bâti pour permettre de s’échapper, de résister, de protéger les salariés, les humains, face aux exigences impitoyables de l’économie et du profit. C’est ce qui se renverse actuellement : le ministère de l’économie s’occupe déjà du droit du travail dans la « loi Macron »..

Les nouveaux contrats seront « libres », individualisés de gré à gré, décidés par l’employeur au niveau de chaque entreprise, se substitueront au droit collectif et aux accords de branche, interprofessionnels et au Code du travail.

C’est bien entamé : toutes les récentes mesures dites de « rupture conventionnelle » de prétendu « volontariat », d’individualisation de la formation, des durées du travail, des temps de repos, de pénibilité, de retraite, vont dans ce sens.

La loi Macron a ouvert la porte au remplacement du lien de subordination avec la contrepartie du code du travail, par un lien de « soumission librement consenti » sans contrepartie (« compliance without pressure » thème d’un colloque du Medef en mars 2011 à Paris). Ces nouveaux contrats de travail relèvent du code civil (pour ce faire, Macron a modifié l’article 2064 du code civil et la loi annexe du 8 février 1995) : la relation de travail peut être remplacée par une relation commerciale, le statut de salarié devient type « auto-entrepreneur », les tâches seront « au sifflet » à « zéro heure » et la référence à un « ordre public social » ou à un « état de droit dans l’entreprise » disparait. C’est l’« ubérisation » du droit du travail prônée clairement par le très réactionnaire Jacques Attali.

Dans le Code du travail tous les droits « d’ordre public » s’en trouveront écartés : durées légales et maxima du travail 35 h et 48 h, Smic, heures supplémentaires, cotisations sociales, protection santé, hygiène sécurité, représentants du personnel, inspection du travail, médecine du travail, prud’hommes…

Comprenez bien et ne doutez pas qu’il s’agit pour le Medef de façon systématique, cohérente et progressive de mettre fin au principe même de l’existence d’un code du travail séparé du droit civil. C’est la plus grande contre-révolution jamais imaginée et commencée à être mise en oeuvre depuis 105 ans : le droit civil va remplacer le droit du travail. Ce qui est annoncé par Valls avec le nouveau rapport Combrexelle accélère vers cet objectif.

Vous avez bien sur remarqué que la mesure de la « pénibilité » sera mesurée de façon individuelle et ne sera plus collective.

Vous avez remarqué que la fameuse formation professionnelle sur toute la vie est un « compte personnalisé de formation » CPF (et non plus un droit DIF).

Vous avez remarqué que le compte chômage est déchargeable individuellement. Vous avez remarqué que le « compte épargne temps » CEP est individuel.

Vous avez remarqué que le travail le dimanche était un « choix volontaire ».

Vous avez remarqué que la « rupture conventionnelle » était paradoxalement individuelle.

Vous notez que le grand projet de Valls pour 2017 est le « compte d’activités personnel » CPA.

Tout se met en place. Ils savent où ils vont : la loi Macron a intégré une « carte professionnelle » voulue par l’UE – prétendument pour lutter contre le travail dissimulé. Mais qui la contrôlera ? Surement pas l’inspection du travail faute d’effectifs : donc bel et bien le patron. Ce sera un  nouveau “livret ouvrier”, avec, ô progrès, une carte à puce individuelle qui intégrera tous ces fameux « droits » individuels  – rechargeables et déchargeables – à formation, à pénibilité, à chômage et à compte épargne temps. Ce fichage permettra le tri à l’embauche, après qu’ait été facilité l’arbitraire dans les licenciements.

« L’idée est de rassembler et articuler ces droits, en les rendant fongibles et en organisant des passerelles », avoue l’entourage de Manuel Valls. « Des jours de congés pourraient par exemple devenir des jours de formation » se réjouissent les Echos. «Occasion de s’attaquer aux freins à la mobilité, en particulier géographique, via des dispositifs d’aides au déménagement ou à la garde des enfants » rajoute un CFDTiste.

C’est la route vers l’individualisation du « passeport professionnel » correspondant au « compte personnel d’activités »

Gattaz menace sérieusement et le Medef avance impitoyablement vers ses objectifs et en l’occurrence, Valls et Macron, annoncent  cette remise en cause, consciente et méticuleuse d’un siècle d’avancées dans le droit du travail de l’humanité.

Il reste que JC Cambadelis a déclaré  « s’il s’agit de remettre en cause le code du travail, ce sera sans le parti socialiste ». Mais que signifie cette déclaration, réellement, comme degré de résistance à pareille offensive ? Elle ne doit pas rester lettre morte. La gauche au gouvernement a bien d’autres urgences à traiter que de faire plaisir à Gattaz !Toute la gauche politique et tous les syndicats doivent se rassembler pour défendre ensemble le Code du travail.

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