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Billet de blog 3 juillet 2014

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Au BN du PS : « sommet social » 6 et 7 juillet ? Que faire face à la malignité patronale ? Leur céder tout ?

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« sommet social » 6 et 7 juillet ? Que faire face à la malignité patronale ? Leur céder tout ?

C’est bon qu’on en vienne à ce Bureau national à discuter concret des points de la négociation sociale en cours à la veille du « sommet prévu » les 6 et 7 juillet. Le rapport de François Kalfon soulève de nombreuses questions loin d’être résolues cependant. Car le fond de tout problème est que le Medef ne négocie rien et bloque même le comportement de tous les autres syndicats, tant patronaux que salariés.

C’est d’autant plus irritant que le Medef n’est pas un syndicat, mais une « union » (qui ne saurait se réclamer par exemple de la loi Waldeck-Rousseau comme ils le font abusivement pour ce qui est de leur financement- toujours opaque). Le Medef est un groupuscule électoral, un clan puissant mais non représentatif. Si au lieu de leur faire concession sur concession, on leur appliquait une légalité républicaine, tout changerait.

Pourquoi on n’impose pas le respect de l’ANI de 2008 sur la représentativité patronale, ils l’ont signé, c’est la « loi Bertrand » d’août 2008 ? On pourrait se mettre les petits et moyens patrons de notre côté,  je l’ai dit, mille fois ici, et dans le BN du parti et à des ministres, et suis toujours surpris que ça n’obtienne aucun écho, aucun résultat. Ce serait élémentaire à faire. pourquoi ne le fait on pas ?

Si bien que le Medef nous tape dessus en permanence alors qu’il est si vulnérable. Si on régulait, je le redis encore, la sous-traitance, en responsabilisant vraiment les donneurs d’ordre (pénalement, financièrement, économiquement) pour tout ce qui est sous leurs ordres, en alignant les entreprises intervenantes sur la convention collective de l’entreprise utilisatrice le temps de la mission ( ce qui rétablirait le véritable sens d’une sous traitance technologique et non pas une sous traitance d’abus de main d’œuvre), en facilitant la reconnaissance des unités économiques et sociales, les « groupes »…. Si on passait ces trois lois, on renverserait la situation et on aurait de notre côté 1,2 million d’employeurs… Le Medef se verrait isolé… Pourquoi ne le veut on pas ? Je vous dis cela, moi je m’en fou, c’est pour le bien du parti et du gouvernement, je n’y ai pas d’intérêt personnel comme tous ces technocrates, prétendus qui défendent leur pitance à coup d’ignorances…

Observons que l’absence de négociation contractuelle et le non respect des lois du travail aboutit à une « concurrence » totalement faussée… contrairement à la « philosophie » que l’UE prétend nous imposer. Mais là on laisse faire semble t il… Ce n’est donc pas la faute à l’Europe mais NOTRE faute si, par exemple, sur 254 conventions collectives avec minima salarial, il n’y en a que 104 semble t il qui atteignent le Smic…

On est maintenant non seulement hors du respect de l’état de droit (respect du code du travail) dans l’entreprise, mais on est hors du respect des engagements contractuels. C’est pour cela que je suis surpris des déclarations du ministre J.M Le Guen qui juge que « le code du travail est répulsif » à l’emploi, et du Premier ministre qui re-propose pour la nième fois de « simplifier le code du travail ». J’ai peur que ces deux-là ne sachent pas de quoi il s’agit et ne fassent bien rire leurs interlocuteurs patronaux. Le Code du travail a été simplifié drastiquement depuis 10 ans. Il a  même été entièrement ré-écrit par la droite elle-même entre 2004 et 2008. Plus de 500 lois ont été supprimées. Il a été diminué de 10 % ce qui est énorme. C’est un des plus petits codes, il ne fait pas 3990 pages comme le croient certains, trop avides de l’attaquer, mais seulement 675 p. Darcos, éphémère ministre du travail inculte ne le savait pas et avait déjà proposé de le (re) « simplifier ». Si Dalloz publie encore 3990 pages, c’est avec les arrêtés, les décrets, les jurisprudences, les commentaires, les sommaires, les glossaires, comme si on éditait Françoise Sagan amendée par Marcel Proust, « Bonjour tristesse » complété par « La recherche du temps perdu ».

La vraie question, c’est le viol massif autant des lois que… des contrats.

Car notre candidat FH proposait de constitutionnaliser les « contrats » plutôt que la loi, mais les patrons sont encore plus empressés à violer les contrats que la loi. Ils ont ainsi violé allégrement l’ANI du 11 janvier 2013 dont on a tant parlé et qui a tant été vanté. Le bilan n’est a pas encore été fait, pourtant il était prévu, moi je l’ai fait et je vais publier ce travail bientôt, on peut dire que rien de ce qui a été annoncé n’a été tenu, dans aucun domaine. Ce qui interroge et devrait interroger les « technos » qui suivent ça et n’y connaissent rien – sauf ce qui plait aux conseillers très vicieux de  Gattaz !

Les « contrat courts » ont explosé. Les « stages » ont explosé, ils se permettent d’être passé de 600 000 stages à 1 600 000 stages… eux qui ne veulent pas embaucher ! Les licenciements ont explosé (alors que l’accord s’appelait de « sécurisation de l’emploi »). Les institutions représentatives du personnel ont reculé. Les CHSCT ont reculé. L’information des salariés a reculé. Par exemple, la « base de données unique » est un leurre, avant, c’est vrai il existait diverses dates butoirs, 31 mars, 31 juin, pour donner les informations aux CE, DP, etc.… il n’y en a plus, une fois ces contraintes calendaires sautées, il n’y a plus d’informations…

Les accords de flexibilité « interne » ou externe » deviennent autant de moyens de casser les garanties des contrats de travail, que d’abuser du prêt illicite de main d’œuvre et du marchandage.

Regardez, j’ai lu que des députés croyaient qu’on allait mieux contrôler le CICE par le droit accordé pour cela aux CE. C’est faux bien sur. Car seulement 3 % des entreprises doivent avoir un CE. ¼ de celles là n’en ont pas. Encore ¼ ont des CE « bidons ». Et sur les 50 % des 3 % qui en ont, ça ne marche pas, ça ne se fait pas, en pratique, d’autant qu’il a été rajouté que les expertises demandées par les CE, les CE devaient en payer 20%. Ce qui complique encore.

L’utilisation de plus de 350 000 travailleurs détachés sur notre sol – notamment dans le bâtiment- ou le dumping social est pratiqué ardemment par les employeurs français qui trichent avec le droit français (obligation de payer les Smic bruts) permet de mesurer l’état d’esprit réel des patrons : ni le code, ni la loi, ni leurs paroles, ni leur signature ne les embarrassent, ils violent tout ça allégrement.

Et l’inspection du travail, pas besoin de la dire, est très démobilisée par la loi qui la frappe. Sa capacité de contrôle et de sanction a été gravement atteinte.

Quand Bouygues annonce 1250 emplois en moins, que dire ? ils reçoivent tout, CICE, baisse de cotisations, aides multiples, rachat de leurs actions à bon prix ? Ils nous ont menti sur Alstom avec le PDG d’Alstom, ils n’ont aucune loyauté, aucune reconnaissance et n’ont pas l’intention d’en avoir, rien ne le manifeste, au contraire tous leurs actes prouvent le contraire.

Ils avaient tous signé dans l’ ANI, un « plancher » pour les temps partiel de 24 h… Rappelons les communiqués triomphants du gouvernement et de certains syndicats, celui de Nadjat Valaud-Belkacem, sur l’avancée superbe que c’était censé représenter pour les femmes à temps partiels. D’abord il y a eu 5 dérogations (temps partiels déjà existants, moins de 26 ans, soins aux personnes, taches domestiques, en cas de volonté exprimée du salariée…) et il devait y avoir des négociations par branches… Cela devait se conclure avant le 1er janvier 2014. Rien n’a été conclu. Il a donc fallu que le gouvernement Ayrault cédant à cet état de fait fasse une saisine rectificative le 22 janvier et le 22 février 2014 une loi reportant cela au 30 juin. Nous sommes le 1er juillet, aucune négociation n’a avancé ni dans la distribution, ni dans le nettoyage, ni dans les organismes de santé, d’enseignement, ni dans la chaussure, etc.… Alors la loi, rappelons-le, voulue par les patrons eux mêmes, va s’appliquer… contre leur gré et cela sera évidemment saboté. Les voilà d’ailleurs qui officiellement remettent en cause ce seuil plancher de 24 h !

Pareil pour la pénibilité !

J’ai déjà dit plusieurs fois ici combien de système d’individualisation de la mesure de la « pénibilité » pour l’accès au droit à la retraite, était impossible à mettre en place, insurmontable, conflictuel et dégradant. Mais à l’époque le gouvernement a choisi là aussi de valoriser cette « avancée » présentée comme « considérable » dans de nombreux discours (et par la CFDT). Mais il y fallait 25 décrets étalés sur un an pour une mise en place en 2015. J’ai animé comme inspecteur du travail, en agriculture des « CRAIT » ou l’on accordait des « points » aux accidentes et invalides du travail, c’étaient des commissions avec le médecin, l’inspecteur, la préfecture, qui distribuaient, en fait des points et des salaires correspondants à l’ampleur des handicaps. Ce travail d’individualisation est épouvantable à faire : c’est pour cela que le système de négociation par branche et par métier est le seul digne et humain. L’individualisation des droits entre les différents égoutiers, dont l’espérance de vie moyenne est  de 58 ans, à cause du nombre de cancers, qui avaient la retraite à 50 ans et qui sont passés à 55… le tri entre eux, entre celui qui va bien, encore, et celui qui va mal, déjà, est inhumain, pas digne. Il faut donc garder des « régimes spéciaux » négociés, et non pas chercher à « trier » comme des bestiaux,  les salariés selon leur degré d’usure individuelle.

Bon mais les patrons ont imposé de ne plus négocier des « régimes spéciaux » adaptés aux métiers et branches.  Il leur a été concédé que ce serait un tri individuel selon des critères de « pénibilité ». Et maintenant ils ne veulent même plus cela. Ils ne se sentent plus, ils ont donc osé faire du chantage au boycott du « sommet social » qui leur accorde 35 milliards sans contre partie… rien qu’à cause de cela. Eux les patrons savent ce qu’est un rapport de force : ils sentent du « mou » en face d’eux, ils en profitent un maximum. Le gouvernement leur donne le doigt, ils prennent la main,  la main leur est donnée, ils prennent le bras, puis l’omoplate.

Là encore cela avait été négocié, et c’était un « contrat ».
Là encore c’était devenu ensuite « une loi »…

Et là encore, c’est remis en cause.

Et le Premier ministre avant même qu’il y ait une autre négociation et une autre loi, leur cède. Sans consulter les syndicats, surtout ceux qui avaient signé (la CFDT). Et sans attendre le sommet social des 6 et 7 juillet. On atteint un… « sommet » en effet !

Pire, le Premier ministre rentre dans les détails, et abandonne unilatéralement six des dix critères de « pénibilité » et il énumère ceux qu’il garde, et pour traiter ce qui en survit, il nomme un partisan connu depuis 20 ans comme adversaire du droit du travail, Michel de Virville.

On est dans l’arbitraire total sans autre logique que la destruction aussi bien du droit que de la négociation.

Je ne rajoute pas la question du gel des seuils sociaux, déjà traitée ici, qui semblait écartée, tellement c’est ridicule, mais hier la voilà revenue, sans doute encore pour plaire au groupuscule Medef. On a franchement l’impression que tous ceux qui dirigent ainsi, ne connaissent rien à l’entreprise, au patronat, aux rapports de forces,  à l’état de droit au travail…

Oubliais-je que le gouvernement a proposé de diminuer les indemnités des accidentes du travail et des maladies professionnelles ? C’est pire que scandaleux. On avait manifestement quand Sarkozy et Fillon avaient ouvert cette brèche honteuse, là-dessus. Je me rappelle encore le grand meeting unitaire à ce sujet, de toute la gauche et de toutes les associations, en 2009, avec Benoit Hamon. Il a fallu que certains de nos députés qu’on présente comme « frondeurs » mais qui ont tellement, tellement raison, s’y opposent… Aux dernières nouvelles ce ne serait que reporté…

Le Premier ministre a dit à la France entière qu’il ne pouvait « rien faire pour les salariés », mais il fait tout pour les patrons. Or ce qui saute aux yeux, c’est que les patrons ne font rien pour le Premier ministre, ni pour la France.

Seuls 2 syndicats sur 8, CFTC et CFDT, ont signé le « relevé de conclusions » qui s’appelle indûment (tellement il est creux) « pacte de responsabilité ».  Au congrès de Marseille de la CFDT, les 2/3 des délégués étaient contre cette signature. La CGT et FO s’interrogent sur leur participation au « sommet » de la semaine prochaine. On ne peut que les comprendre. Le Medef ose par dessus tout cela, en rajouter, et défier gouvernement et syndicats : il y a quelque chose d’irrationnel, d’incohérent, et d’inconsistant dans tout cela, non ?

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