Temps partiels, l’ANI du 11 janvier et la loi du 14 juin 2013 sont vidés de ce qui reste de leur contenu par les “negociations” et par la prochaine « ordonnance » Valls-Rebsamen.
Il y a 2 ans, le 11 janvier 2013, était signé l’ANI (« accord national interprofessionnel ») entre le Medef et la CFDT essentiellement
Ses promoteurs organisaient dans les médias une campagne qui magnifiait les « avancées de ce texte » : ainsi Nadjat Vallaud-Belkacem publiait une tribune inouïe – encore plus à la relecture 2 ans après – pour valoriser « une avancée décisive. Un seuil minimal horaire de travail s’imposera désormais dans la signature du contrat à temps partiel. Il a été fixé à un niveau élevé : 24 heures par semaine. Cette disposition est une conquête sociale de premier plan » pour les femmes car 3,7 millions de françaises travaillent à temps partiel, soit un tiers de l’emploi féminin.
Elle le qualifiait d’historique :
« Que les partenaires sociaux se soient attelés à améliorer les droits de ces femmes précaires est en soi un changement historique qu’il faut saluer pour ce qu’il est : la conséquence d’une volonté de faire avancer l’égalité entre les femmes et les hommes au travail. »
A l’époque, nous avions critiqué ici cet accord dans son entier et en particulier sur la question du seuil de 24 h, en démontrant que cela ne se ferait pas, qu’il existait 6 dérogations majeures, et que le patronat l’empêcherait en pratique. (Cf. le texte détaillé que nous republions ci dessus pour information et preuve : il date du 28 janvier 2013).
Depuis qu’est il arrivé ?
Les négociations pour mettre les 24 h en œuvre, devaient se tenir avant la loi du 14 juin puis leur terme fut fixé au 31 décembre 2013.
Comme aucune branche importante de la distribution, du nettoyage, des soins, de la chaussure, etc.. n’avait signé d’accords le 31 décembre, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a été obligé de faire une « saisine rectificative » le 22 janvier 2013 pour changer la loi, a posteriori, le 7 mars 2014 et reporter le délai du 1ier janvier 2014 au 30 juin 2014.
Mais rien n’était encore signé le 30 juin 2014. Or en théorie, les contrats de moins de24 h étaient devenus « interdits » … sauf 6 dérogations et l’hostilité de plus en plus proclamée du patronat.
Le « plancher » de 24 h était en fait, depuis le début une « passoire » : la loi prévoyait que les salariées pouvaient d’elles mêmes,
- à l’embauche, renoncer au plancher de 24 h,
- que les salariés des « particuliers » n’étaient pas concernés,
- que les moins de 26 ans n’étaient pas concernés,
- que les branches où il y existait plus de 30 % de temps partiels, pouvaient négocier des dérogations « en dessous » du plancher de 24 h,
- que les salariées déjà en poste garderaient leurs contrats horaires existants en dessous de 24 h jusqu’au 1er janvier 2016,
- que les employeurs pourraient décider de « paquets de 8 heures complémentaires » à leur gré,
- que la majoration des heures complémentaires qui étaient à 25 % redescendrait à 10 % mais dès la première heure,
- que les salaires seraient lissés,
- que les délais de prévenance en cas de modification des horaires, seraient raccourcis,
- que le principe d’une seule coupure de moins de 2 h en une journée serait renégocié.
Avec ces dérogations, le plancher de 24 h n’avait déjà plus de portée
Coup de grâce :
Mais voilà qu’un projet d’ordonnance Valls-Rebsamen, prévu en février 2015, annule ce qui reste de ce que le patronat avait pourtant signé en janvier et ce que la loi avait confirmé en juin 2013.
Au 10 décembre 2014, il paraît que 40 branches, dont 30 recourant à du temps partiel massif, ont signé des accords dérogatoires – inférieurs – aux 24 h et cela couvrirait 78 % des salariés concernés. (selon les Echos, 24 décembre).
Le patronat a réussi ainsi à renier dans 80 % des cas prévus, ce qu’il avait signé et qui avait été présenté comme une « avancée historique ».
Mais coup de grâce, un projet d’ordonnance Valls-Rebqmen prévoit en février 2015 :
- que les salariées qui auraient accepté de travailler moins de 24 h à l’embauche ne pourront pas imposer de « revenir en arrière ».
- De même les salariées déjà en poste en dessous de 24 h ne pourront pas exiger que le plancher leur soit appliqué en 2016 comme prévu.
- En cas de remplacement d’une salariée absente, sa remplaçante aura la même durée de travail (et non pas 24 h).
- Enfin la durée de 24 h ne s’imposera pas aux CDD de moins de 8 jours
On savait que le Medef pouvait se moquer de sa propre signature et de la loi - dont il avait pourtant exigé qu’elle soit fidèle au « contrat » qu’il avait signé ! Il démontre qu’il peut se moquer du gouvernement, du ministre du travail, du ministre des droits des femmes, des médias, des citoyens, des salariés, des partenaires sociaux, (il fait pareil sur la « pénibilité »)
Mais comment des syndicats peuvent ils se prêter à cela ?
Re-publication de la critique – o combien vérifiée – du 28 janvier 2013 (cf. sur le blog www.filoche.net en amont et dans mon dernier livre « comment résister à la démolition du code du travail » en collaboration avec Richard Abauzit )
ANI de Wagram Medef : l’in-information de la porte parole du gouvernement à propos des femmes et des « temps partiels »
« Salarié(e)s à temps partiel : une nette avancée 23 janvier 2013 à 19:16 Par Najat Vallaud-Belkacem Ministre des droits des Femmes, porte-parole du gouvernement
Il y a trois mois, lors d’une conférence organisée à Ouistreham, à quelques pas du Quai qui avait permis à Florence Aubenas d’illustrer mieux que jamais la précarité des journées de travail en miettes de milliers de femmes, nous prenions, avec Michel Sapin, ministre du Travail, l’engagement de faire du temps partiel subi un enjeu majeur de l’agenda social. Pour la première fois, l’accord sur la sécurisation de l’emploi signé le 11 janvier par les partenaires sociaux met au cœur de son dispositif les plus fragiles et les plus précaires, notamment ces femmes à temps partiel qui sont un rouage déterminant de notre économie et qui avaient été depuis vingt ans les oubliées de la sécurité de l’emploi. Oubliées de la loi Tepa. Angles morts de toutes les réformes de la formation professionnelle, de l’assurance chômage, de la Sécurité sociale.
Aujourd’hui, 3,7 millions de Françaises travaillent à temps partiel, soit un tiers de l’emploi féminin. C’est le résultat d’une évolution constante qui ne doit rien au hasard : les dispositifs d’allégements mis en œuvre à compter de 1992, et renforcés en 1996, ont conduit à une accélération brutale du recours au temps partiel, trop souvent subi. Avec la montée du chômage, la société française avait fini par accepter que, si les femmes voulaient entrer sur le marché du travail, elles le feraient dans ces conditions dégradées, avec des emplois au rabais. Le temps partiel explique pour moitié les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes. L’accord sur la sécurisation de l’emploi s’attaque à cette inégalité, si longtemps tolérée. C’est un motif de satisfaction pour tous ceux qui sont attachés à l’amélioration concrète de la vie professionnelle et personnelle de ces femmes «sandwich» qui cumulent petits salaires, horaires contraignants et moindre accès aux droits sociaux. Celles qui assument toutes les contraintes de la flexibilité et ne bénéficient en rien des exigences de sécurité. Cet accord, qui sera transposé dans un projet de loi, va apporter des évolutions concrètes : d’abord, les heures complémentaires seront majorées de 10 à 25%, dès la première heure. Les branches professionnelles qui concentrent le temps partiel sont invitées à négocier dans les trois mois pour garantir des droits nouveaux : encadrement des périodes d’interruption d’activité, délai de prévenance en cas de modification d’horaires.
Dans l’accord du 11 janvier, il y a surtout une avancée décisive. Un seuil minimal horaire de travail s’imposera désormais dans la signature du contrat à temps partiel. Il a été fixé à un niveau élevé : 24 heures par semaine. Cette disposition est une conquête sociale de premier plan. Pourquoi ? Aujourd’hui l’accès aux droits sociaux obéit à des seuils définis de façon désordonnée et qui segmentent en deux le marché du travail. Les salariés qui réalisent de petits temps partiels n’ont accès ni aux indemnités journalières en cas de maladie, ni à une couverture chômage en cas de rupture du contrat, ni à la formation professionnelle. Les périodes travaillées ne sont pas validées au titre de la retraite. Désormais le petit temps partiel, celui qui n’ouvre pas de droits sociaux, ne sera autorisé qu’à titre dérogatoire si, et seulement si, une négociation de branche garantit par ailleurs l’accès à des droits sociaux corrects. Que les partenaires sociaux se soient attelés à améliorer les droits de ces femmes précaires est en soi un changement historique qu’il faut saluer pour ce qu’il est : la conséquence d’une volonté de faire avancer l’égalité entre les femmes et les hommes au travail et le fruit d’une méthode initiée lors de la grande conférence sociale qui continuera de produire ses effets. Après la négociation sur le contrat de génération, après celle menée sur la sécurisation de l’emploi, une troisième négociation est engagée sur l’égalité professionnelle, dont nous attendons les résultats pour début mars. L’égalité professionnelle est une question de principes. Mais décréter des principes ne suffit pas. Leur mise en œuvre concrète, qui s’attaque aux racines des inégalités, se négocie. C’est aussi ça la troisième génération des droits des femmes : celle de l’effectivité des droits. »
Réponse datée du 28 janvier 2013 :
Najat Vallaud-Belkacem a raison contre « la précarité des journées de travail en miettes de milliers de femmes « en fait ce sont des millions.
Elle a raison aussi quand elle dénonce : « Aujourd’hui, 3,7 millions de Françaises travaillent à temps partiel, soit un tiers de l’emploi féminin. C’est le résultat d’une évolution constante qui ne doit rien au hasard : les dispositifs d’allégements mis en œuvre à compter de 1992, et renforcés en 1996, ont conduit à une accélération brutale du recours au temps partiel, trop souvent subi. Avec la montée du chômage, la société française avait fini par accepter que, si les femmes voulaient entrer sur le marché du travail, elles le feraient dans ces conditions dégradées, avec des emplois au rabais. Le temps partiel explique pour moitié les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes. »
Voir aussi « Le travail jetable » ou « Carnets d‘un inspecteur du travail » Gérard Filoche 1999 ou 2009… et tant d’autres travaux qui dénoncent depuis si longtemps le scandale que représente le temps partiel subi et discriminatoire pour les femmes…. on pourrait ajouter le travail du dimanche, de nuit, etc.
Mais la camarade Najat Vallaud Belkacem a totalement tort quand elle essaie de maquiller la réalité de l’ANI (minoritaire) de Wagram du 11 janvier et de faire croire, que « L’accord sur la sécurisation de l’emploi s’attaque à cette inégalité, si longtemps tolérée. »
En quoi ?
NVB : « C’est un motif de satisfaction pour tous ceux qui sont attachés à l’amélioration concrète de la vie professionnelle et personnelle de ces femmes «sandwich» qui cumulent petits salaires, horaires contraignants et moindre accès aux droits sociaux. Celles qui assument toutes les contraintes de la flexibilité et ne bénéficient en rien des exigences de sécurité.
En quoi ?
NVB : « Cet accord, qui sera transposé dans un projet de loi, va apporter des évolutions concrètes : d’abord, les heures complémentaires seront majorées de 10 à 25 %, dès la première heure. »
Pourquoi cette premier grosse ambiguïté de Najat (NVB) ? : « de 10 à 25 % ?
Parce qu’il n’y a pas de réponse dans l’ANI !
Et pour cause, car c’est déjà le cas ! L’article L3123-19 du CdT prévoit qu’au delà d’un dixième de la durée hebdomadaire en heures complémentaires, celles ci donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % !
Que veut dire alors de 10 à 25 % ?
Rien, rien, rien n’est tranché dans l’ANI, car tout est explicitement reporté à d’autres « négociations des branches professionnelles qui le souhaitent » (sic) et des « branches professionnelles dont au moins un tiers des effectifs est occupé à temps partiel à la date du présent accord« … (sic) visant à « organiser les modalités d’exercice du temps partiel dans les 3 mois » qui … « suivent l’entrée en vigueur du présent accord » …
Voila ce que dit précisément l’ANI :
Article 11 : la rémunération des heures complémentaires. : celles-ci sont majorées d’au minimum 10 % dès la première heure et dans la limite du quota d’heures complémentaires fixé par les articles L.3123-17 ( 1/10ème de la durée du contrat) et L. 3123-18 du code du travail
(SI… dans trois mois – éventuellement les négociations sur la rémunération ici prévues reprennent cette majoration de 10 %, ce sera, c’est vrai, le seul petit progrès consécutif à cet accord « historique ».
Mais attention, où commenceront les 25 % ? Un mauvais coup est ouvert : vous noterez que les articles L 3123 -17 et 1 3123 – 18 sont les seuls cités mais pas le L 3123 – 19 qui impose 25 % de majoration, (et non 10 %) à partir de 1/10ème de dépassement de la durée du contrat. L’article cité, L 3123 – 18 permet par » accord collectif » d’aller jusqu’à 1/3 d’heures complémentaires en sus de la durée hebdomadaire. Les 25 % … imprécis de NVB peuvent donc commencer à 1/3 et non plus à 1/10° !
Si vous avez un doute sur l’intention des négociateurs, vous remarquerez qu’ils se répètent un peu après dans un langage délibérément permissif :
ANI art 11 point 2 3° alinéa : « - les heures de travail, effectuées au-delà de la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail prévue au contrat, sont majorées de 10 % jusqu’à ce que leur nombre atteigne le 1/10ème de cette durée hebdomadaire ou mensuelle. Au-delà ( !), la majoration est portée à 25 %, sans préjudice des articles L.3123-17 et L.3123-18 du code du travail. »
La répétition des mêmes articles qui ouvrent à 1/3 au lieu d’un 1/10e ne doit rien au hasard (et l’omission du seul article qui fixe les 25 % à partir d’ 1/10e non plus) laisse la place aux futurs « négociateurs » des « branches qui le souhaitent » à ce que les 25 % de majoration ne commencent plus à 1/10 e mais à 1/3. Ce qui ferait une baisse de majoration entre 1/10 et 1/3 soit 2/3 de ces heures complémentaires..
Ce, afin de compenser la plus petite « hausse » de 10 % à partir de la première heure par une baisse dans la tranche d’après.
Or, plus loin l’ANI prévoit des « paquets » d’heures complémentaires 8 fois par an… comme toujours les patrons du Medef reprennent d’une main lourde ce qu’il font semblant de lâcher d’une main légère… On verra dans la négociation « des branches qui le souhaitent »
Est-ce tout ?
Non hélas !
Nadjat VB se réjouit encore, a tort : elle affirme : « Dans l’accord du 11 janvier, il y a surtout une avancée décisive. Un seuil minimal horaire de travail s’imposera désormais dans la signature du contrat à temps partiel. Il a été fixé à un niveau élevé : 24 heures par semaine. Cette disposition est une conquête sociale de premier plan. »
Rappelons qu’ il y a déjà eu dans le Code du travail, un plancher de 20 h pour les temps partiels ! Ce ne fut pas « une conquête sociale de premier plan », c’était au moment ou le temps partiel a fait un bond en avant géant de 11 % à 17 %, Pierre Bérégovoy exonérant en 1992 les temps partiels de 50 % des cotisations sociales, ( Martine Aubry ministre du travail le fit, mais en y étant opposée à titre personnel) (Balladur réduisant cela à 30 % en 1994)
Mais le « nouveau » plancher (éventuel) de 24 h de l’ANI est… une passoire :
ANI art 11 point 2/ : Sans préjudice des accords de branche et d’entreprises mentionnés à l’accord L. 3122-2 du code du travail concernant le temps partiel, qui ne pourront toutefois pas déroger au nombre minimum d’heures prévu au présent 2
( contradictoire avec ce qui est écrit au 1/, sera –t-il ou non possible de déroger par accord à la limite de 24 h ?)
et en tout état de cause et indépendamment des négociations prévues au point 1/, au plus tard le 31 décembre 2013,
(sic : dans le point 2 ce n’est plus 3 mois mais … 9 mois ?)
les dispositions ci-après s’appliqueront aux salariés qui sont employés à temps partiel dans les entreprises, quel que soit leur secteur d’activité, non couvertes par des clauses conventionnelles portant sur les dispositions du 1/ ci-dessus :
ANI suite point 2 2e alinéa : « la durée minimale d’activité est fixée à 24 h par semaine, (à l’exception du cas des salariés des particuliers employeurs ou des salariés âgés de moins de 26 ans et poursuivant leurs études) »
- Les salariés des particuliers employeurs
- Et les jeunes de moins de 26 ans poursuivant des études (l’allocation autonomie ne préoccupe guère les signataires de l’ANI)
- Et à l’exception des dérogations par accord prévu au 1/ précédent !)
Ca fait beaucoup pour une « disposition » censée être « une conquête sociale de premier plan. »
ANI suite : « Une durée d’activité inférieure peut être prévue, à la demande écrite et motivée du salarié pour lui permettre de cumuler plusieurs employeurs afin d’atteindre au minimum la durée prévue au présent"
Là, une terrible brèche est ouverte .
- Car le salarié est subordonné : si l’employeur veut l’embaucher pour moins de 24 h il le pourra toujours. Il lui suffira de demander au salarié préalablement à l’embauche de solliciter… 10 h ou 15 h et le tour est joué. Comme le salarié voudra le boulot, il aura moins de 24 h… Et on constate que l’ANI tient à « permettre de cumuler plusieurs employeurs » pour… atteindre les 24 h plancher !
- Autre dérogation pour ne pas faire 24 h : « pour atteindre un temps plein » !…
ANI : Une durée d’activité inférieure peut être prévue, à la demande écrite et motivée du salarié pour permettre un temps plein,
… ou pour faire face à des contraintes personnelles et à condition d’organiser le travail de façon à regrouper les horaires sur des journées ou des demi-journées régulières ou complètes ; (sic).
Cela fait quatre dérogations majeures aux 24 h plancher « Sans préjudice des accords de branche et d’entreprises mentionnés à l’accord L.3122-2 du code du travail, concernant le temps partiel, » et des accords qui auront lieu « pour les branches qui le souhaitent » avant trois mois ou au plus tard le 31 décembre 2013…
Si vous avez lu jusque là avec attention, vous savez que les 24 h ne sont pas d’ordre public social, ni « une grande conquête sociale » mais ils seront une passoire ! Mais ce n’est pas tout, le pire arrive :
Que dit ensuite Nadjat Vallaud-Belkacem ?
« Cette disposition est une conquête sociale de premier plan. Pourquoi ? Aujourd’hui l’accès aux droits sociaux obéit à des seuils définis de façon désordonnée et qui segmentent en deux le marché du travail. Les salariés qui réalisent de petits temps partiels n’ont accès ni aux indemnités journalières en cas de maladie, ni à une couverture chômage en cas de rupture du contrat, ni à la formation professionnelle. Les périodes travaillées ne sont pas validées au titre de la retraite. Désormais le petit temps partiel, celui qui n’ouvre pas de droits sociaux, ne sera autorisé qu’à titre dérogatoire si, et seulement si, une négociation de branche garantit par ailleurs l’accès à des droits sociaux corrects. Que les partenaires sociaux se soient attelés à améliorer les droits de ces femmes précaires est en soi un changement historique qu’il faut saluer pour ce qu’il est : la conséquence d’une volonté de faire avancer l’égalité entre les femmes et les hommes au travail et le fruit d’une méthode initiée lors de la grande conférence sociale qui continuera de produire ses effets ».
Désolé mais c’est du baratin, hélas ! Rien de tout cela n’est précisé, envisagé, évoqué dans l’ANI. Rien. Pure invention.
Et NVB se trompe totalement sur ce qui existait déjà :
NVB : « Les salariés qui réalisent de petits temps partiels n’ont accès ni aux indemnités journalières en cas de maladie, ni à une couverture chômage en cas de rupture du contrat, ni à la formation professionnelle »
Faux :
L’article L 3123 -11 prévoit déjà que : « Le salarié à temps partiel bénéficie des droits reconnus au salarié à temps complet par la loi, les conventions et les accords collectifs, d’entreprise ou d’établissement sous réserve, en ce qui concerne les droits conventionnels de modalités spécifiques prévues par une convention ou un accord collectif de travail ».
Sans doute que la rédactrice ou le rédacteur de la tribune de la porte parole du gouvernement n’a pas pris le temps de vérifier !
NVB : « Les salariés qui réalisent de petits temps partiels n’ont accès ni aux indemnités journalières en cas de maladie, ni à une couverture chômage en cas de rupture du contrat, ni à la formation professionnelle. »
Non !
L’article L 3123 -12 prévoyait déjà que « pour la détermination des droits liés à l’ancienneté, la durée de celle ci est décomptée pour le salarié à temps partiel comme s’il avait été occupée à temps complet, les périodes non travaillées étant prises en compte en totalité »
Ou encore NVB : « Les périodes travaillées ne sont pas validées au titre de la retraite. Désormais le petit temps partiel, celui qui n’ouvre pas de droits sociaux,
Non !
L 3123 – 13 prévoit déjà que : l’indemnité de licenciement et l’indemnité de départ à la retraite du salarié ayant été occupé à temps complet et à temps partiel dans la même entreprise sont calculées proportionnellement aux périodes d’emploi accomplies selon l’une et l’autre de ces deux modalités depuis leur entrée dans l’entreprise ».
Mais il y a pire :
L’ANI ouvre une autre brèche : car il prévoit que seront « renégociés »
- Le nombre et la durée des périodes d’interruption d’activité au cours d’une même journée la répartition de la durée du travail dans la semaine visant à permettre au salarié de compléter son temps de travail chez un autre employeur
Nous avions obtenu, dans la loi Aubry 2 de novembre 1999, janvier 2000 l’article L 3123 – 16 du CdT : l’horaire de travail du salarié à temps partiel ne peut comporter au cours d’une même journée, plus d’un interruption d’activité ou une interruption supérieure à deux heures. »
C’est une question vitale car les employeurs (dans la distribution notamment) arrivait à imposer deux ou trois plages horaires dans une journée, soit une amplitude de 11 h ou 12 h pour une salaire effectif de 5 ou 6 heures !
Le patronat avait fait rajouter qu’une convention ou accord collectif pouvait déroger à cette disposition
- soit expressément
- soit en définissant les amplitudes horaires pendant lesquelles les salariés doivent exercer leur activité et leur répartition dans la journée de travail, moyennant des contreparties spécifiques et en tenant compte des exigences propres à l’activité exercée » (art. L 3123 – 16, 2e alinéa)
et là, l’ANI renvoie à renégociation « - Le nombre et la durée des périodes d’interruption d’activité au cours d’une même journée ». Le pluriel est un pur scandale !
Ce n’est pas tout :
L’ANI prévoit aussi la « renégociation » dans 3 à 9 mois ( ?) pour « les branches qui le souhaitent) du :
- « délai de prévenance préalable à la modification des horaires »
C’est une autre question-clef. Les délais de prévenance actuels sont normalement de 7 jours Mais ils peuvent être ramenés à 3 jours par « accord collectif ». En réalité cela est violé allégrement en pratique partout au détriment de la vie des femmes salariés : dans la grande distribution, ils ont l’habitude (dans le meilleur des cas) de donner un « planning » (changeant) le vendredi soir sur un bout de papier, qui fixe tous les horaires de la semaine suivante… rendant impossible d’organiser sa vie personnelle, familiale, à l’avance. Mais parfois ça change tout le temps…
Un contrat de travail est un « lien de subordination juridique permanent », c’est l’employeur qui décide…
Alors pourquoi l’ANI remet il en cause les délais de prévenance au lieu de rendre exceptionnelles les modifications, de rallonger les délais, de sanctionner les infractions ?
Ce n’est pas tout :
L’ANI ajoute :
Article 11 point 3 alinéa 1 :
« Un accord de branche étendu peut permettre, lorsque le salarié et l’employeur en conviennent…
Répétition : s’il en était besoin, ce n’est donc évidemment pas le salarié qui décide…
… d’augmenter temporairement la durée du travail au moyen d’un avenant au contrat de travail intitulé « complément d’heures ».
Souplesse accrue !
Suite : « Un accord de branche étendu détermine :
- le taux de majoration éventuelle des heures incluses dans le « complément d’heures »
On retrouve le fait que les taux de 10 à 25 % ne sont pas… certains !
« - les conditions dans lesquelles seules les heures effectuées au-delà de la durée de travail définie par le « complément d’heures » ont le caractère d’heures complémentaires
Là, on craint de comprendre : ou bien la formule est foireuse ou bien elle est délibérément écrite pour laisser place à toutes sortes d’interprétations :
Cela veut-il dire que seules les heures faites en complément du « complément d’heures » seraient des heures complémentaires et qu’il n’y aurait aucune majoration – ni 10 % ni 25% - sur ces « compléments d’heures » ?
Des « renégociations » selon l’ANI vont prévoir (sic) :
- le taux de majoration des heures complémentaires, qui ne peut être inférieur à 25 % dès la première heure (sic)
Pourquoi est ce aussi incertain ? parce que des heures du « complément d’heure » ne seront plus… considérées comme des heures complémentaires… rappelons qu’il s’agit d’un « taux de majoration éventuelle » selon l’ANI…
- le nombre maximum de « compléments d’heures » par an par salarié, qui ne peut en aucun cas (ah oui ?…) être supérieur à huit
On peut supposer qu’il ne s’agit pas de huit heures en plus de la durée hebdomadaire du contrat, mais de huit périodes de « complément d’heures », (auquel cas tout est permis),
… hors cas de remplacement d’un salarié absent nommément désigné (ah ! )
- les modalités selon lesquelles les salariés à temps partiel peuvent bénéficier prioritairement des « compléments d’heures ».
la rédaction est étrange, elle laisse penser que des salariés à temps complet pourraient en « bénéficier » (sic)
De plus, ces accords pourront (ils pourront…) également prévoir :
- la mise en place d’une procédure de demande (quel progrès, on frémit) de passage à plein temps d’un salarié à temps partiel,
- la possibilité pour l’employeur de proposer des emplois à temps complet de nature
différente.
(on ne frémit plus : la « polyvalence » et la dé-classification pointent…)
Mais ce n’est pas tout :
Ani : Sans préjudice des accords de branche et d’entreprises mentionnés à l’accord L.3122-2 du code du travail, concernant le temps partiel, qui ne pourront toutefois pas déroger au nombre minimum d’heures prévu au présent 2, lissées sur tout ou partie de l’année…
Le principe de l’égalité de traitement l’emportait jusque là, le salarié à temps partiel était un « mensuel » comme le salarié à temps plein…
Article L 3123 -10 du Cdt : la rémunération « est proportionnelle à celle du salarié qui, a qualification égale, occupe à temps plein un emploi équivalent dans l’établissement ou l’entreprise ».
L’ANI considère donc comme acquis le « lissage » du salaire sur tout ou partie de l’année… ainsi, sans doute, un salarié pourra faire des avances de salaires sur temps de travail à son patron, par huit paquets, huit fois par an…
NVB conclut :
« Que les partenaires sociaux se soient attelés à améliorer les droits de ces femmes précaires est en soi un changement historique qu’il faut saluer pour ce qu’il est : la conséquence d’une volonté de faire avancer l’égalité entre les femmes et les hommes au travail. »
il n’y a pas un seul pas en avant. Pas une seule amélioration. Pas une seule décision pour l’égalité homme femme, rien dans l’ANI sur l’égalité salariale. Que de la flexibilité en plus !
Le diable est dans les détails : ce qui vient d’être ici analysé sur le seul article 11 de l’ANI sur le temps partiel, on l’a fait sur chaque article. Il n’y a pas de formation professionnelle en plus, il n’y a aura aucun précaire en moins, etc…
Rien « d’historique » donc : ah si, historiquement, il n’y a pas eu un accord aussi catastrophique depuis très longtemps. Paragraphe par paragraphe, nous le démontrons.
Et nous demandons la vérité, pas le bluff… vous savez les salariés ne se feront pas abuser, c’est eux qui verront les bluffs et les dangers de l’ANI, eux qui verront qu’ils n’y gagnent rien… les effets d’annonce et les grandes phrases, les communiqués langues de bois, enjoliveurs, bluffeurs n’y feront rien.
Si les lois sociales doivent reprendre les « accords sociaux », cela veut dire qu’elle épouseront toutes ce que veut le Medef ! C’est le cas !
On a un accord mauvais et minoritaire, il faut pour le transcrire, tenir compte de la majorité syndicale non signataire !
Gérard Filoche, le 28 janvier 2013, 18 h.