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Billet de blog 4 juillet 2022

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Est-ce la fin du Bac Pro ?

Carole Grandjean vient d'être nommée ministre déléguée à l'enseignement professionnel. Dans un tweet daté du 17 mars, elle expliquait vouloir "une réforme du lycée professionnel sur le modèle de l'apprentissage" laissant présager d’un bouleversement de l’éducation nationale.

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Le baccalauréat professionnel est un diplôme auquel candidate un lycéen sur trois tous les ans. Les annonces du candidat Macron et de la nouvelle ministre de l’enseignement professionnel laissent entendre que ce diplôme n’existera plus dans sa forme actuelle.

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Carole Grandjean tweet © Carole Grandjean

Une baisse drastique du volume horaire de la formation initiale

Un élève qui passe le baccalauréat doit assister à un minimum de 1850 heures d’enseignement sur 3 ans. Il doit également effectuer 18 à 22 semaines en entreprise sur les 108 qui composent l’ensemble de la formation. Un élève passe donc environ 80% de son temps dans un établissement scolaire. Ce temps dans l’établissement est consacré aux apprentissages professionnels et à l’enseignement général dont font partis l’histoire-géographie, les lettres, les mathématiques, les sciences, l’éducation morale et civique, l’EPS, une ou deux langues vivantes en fonction des filières. Dans l’établissement, l’élève a ainsi accès à un CDI, à des projets pédagogiques, à des parcours d’enseignement artistique et culturel et il est encadré par une équipe pédagogique avec une vie scolaire, un conseiller d’orientation, un psychologue et des intervenants extérieurs réguliers.

Des lycéens transformés en salariés

Un jeune apprenti, lui, doit suivre un enseignement de 800 heures sur deux ans ce qui représente seulement 50% de son temps de formation. Il n’a plus le statut de lycéen mais celui de salarié. L’apprentissage n’est donc pas une voie d’acquisition de connaissances disciplinaires générales mais se concentre sur les compétences professionnelles. Comme les salariés, les jeunes apprentis ne disposent que de 5 semaines de congés payés par an et un salaire qui oscille entre 27% et 55% du SMIC. Pour en arriver là dès la classe de seconde, l’obligation de scolarité qui est fixée à 16 ans aujourd’hui devra certainement être discutée.

 Des exigences disciplinaires très minces

En considérant la baisse drastique du volume horaire attendue et le changement de statut des lycéens que cette réforme impliquerait, cela veut bien dire que c’est la fin annoncée du bac professionnel.  Dans sa définition initiale, le baccalauréat « sanctionne des études secondaires » et offre une possibilité de poursuite d’études. Si les études secondaires n’existent pas ou peu et si les apprentis ne peuvent prétendre à poursuivre leurs études, comme c’est le cas actuellement, le bac professionnel créé en 1985 ne sera plus.

Un objectif économique et financier

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© Carole Grandjean

Dans un autre message Twitter, paru après sa nomination, Carole Grandjean confirme la relation entre la réforme de l'enseignement et l’objectif du plein emploi en 2027. La dimension économique n'est d'ailleurs plus un secret si l'on en croit le rattachement des missions de la ministre déléguée au ministère du travail. Si l’objectif du plein emploi peut paraître louable de prime abord, il s’agit en fait d’un renoncement. Le gouvernement s’apprête à renoncer à l’éducation de centaines de milliers de jeunes. D'une part, cela ne sera pas sans conséquence sur l’ensemble de la société et sur le niveau de citoyenneté. D'autre part, jamais aucune étude statistique, aucune analyse économique, aucune recherche sociologique n'a montré que le plein emploi puisse être atteint en éreintant le contenu des formations initiales des employés ou en limitant leur accès aux études. C'est d'ailleurs plutôt l'inverse, le niveau de diplôme est de plus en plus déterminant pour l'insertion professionnelle des jeunes.

Par ailleurs, le gouvernement va aussi réaliser des économies budgétaires grâce à cette réforme avec la diminution de la masse salariale. Pour ne pas subir l’opposition des professeurs de lycées professionnels, le gouvernement vient de les autoriser à postuler sur des postes en collège et en lycée.

Il serait nécessaire que le gouvernement prenne en compte les avis des syndicats et organisations de jeunesse avant d'apporter plus de précisions sur les contours réels de la réforme. Il n'est d'ailleurs pas inutile de l'inviter - osons - à aller au-delà et d'interroger plus largement les Français sur la place donnée à l’éducation aujourd’hui en France.

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