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Billet de blog 3 févr. 2023

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Lycées professionnels : une victoire pour la jeunesse face à Emmanuel Macron

Annoncée en grandes pompes, la réforme du lycée professionnel était le « phare » des réformes à venir. Pour lutter contre le chômage des jeunes, il fallait calquer urgemment le lycée professionnel « sur le modèle de l’apprentissage ». Mais cette recette ultra-libérale n’a convaincu personne et la principale mesure de la réforme a été abandonnée.

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Une victoire concrète

Il y a quelques jours, Carole Grandjean, ministre de l’enseignement professionnel annonçait l’abandon de la mesure phare de la réforme voulue par Emmanuel Macron. La durée des stages des élèves ne sera pas augmentée de 50% comme prévue initialement et les lycées professionnels ne deviendront donc pas des centres d’apprentissages. Cette mesure aurait eu pour conséquence de diminuer le volume horaire disciplinaire, déjà très amputé ces dernières années. Le risque pour les jeunes était réel, celui d’être strictement « réduit au statut de jeunes travailleurs » comme le soulignait Prisca Kergoat. L’abandon de cette mesure est donc une vraie victoire pour la jeunesse scolarisée en lycée professionnel tout comme elle pourrait déstabiliser l'inflexibilité affichée par l’exécutif sur les autres réformes.

Une mobilisation exemplaire et protéiforme

Les syndicats ont d’abord unanimement décrié la méthode, tout était décidé par avance. La très grande majorité a décidé de ne pas participer aux concertations qui ont débuté le 21 octobre. Deux journées de mobilisation ont été suivies par une majorité des professeurs de lycées professionnels, ces derniers étant particulièrement inquiets depuis la réforme de Jean-Michel Blanquer qui a eu pour conséquence de supprimer 1500 postes. De nombreuses tribunes ont été signées dans différents médias, à l’image de celle d’un collectif d’universitaires réunissant Guy Brucy ou Laure Machu. Ils dénonçaient « une vision étroite » et défendaient la place de l’enseignement général en lycée professionnel. Jean-Paul Delahaye, docteur en Sciences de l’éducation, a lui dénoncé à plusieurs reprises « le séparatisme » qui était à l’œuvre dans notre système éducatif. Et pour la première fois depuis longtemps, des élèves et des anciens élèves de bac pro ont pris la parole à travers le collectif UVPT qui n'a eu cesse de remettre en cause les propositions du gouvernement. Autre forme de mobilisation, celle des députés à l'image de Jean-Claude Raux ou Sophie Taillé-Polian qui ont été très actifs au sein de l'hémicycle.

Une bataille culturelle est en cours

A travers ces prises de positions, on a pu observer que le lycée professionnel n’était plus un sujet qui appartenait seulement aux professeurs ou aux élèves mais que l’ensemble de la société était concernée. Des personnalités comme Usul, Guillaume Meurice, David Dufresne, Gustave Massiah, Corine Masiero ont même récemment signé une tribune pour « préparer la riposte ».  De nombreux dirigeant.es politiques les ont accompagnés comme Olivier Faure, Jean-Luc Mélenchon ou Philippe Poutou.

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Jazz, variante © Fernand Léger

Lors d’une audition à l’Assemblée nationale au début du mois de janvier, la ministre de l’enseignement professionnel a d’ailleurs pu se rendre compte de l’impopularité de la proposition présidentielle. Christophe Doré, président de la chambre des métiers de l’artisanat de Normandie et auditionné à l’Assemblée nationale, était très véhément contre cette réforme qui vient concurrencer les CFA.

 La verticalité d’Emmanuel Macron déstabilisée

Le 25 août dernier, devant les recteurs réunis à la Sorbonne, Emmanuel Macron dénonçait la « verticalité » des réformes dans l’éducation nationale. Sans que l’on puisse croire qu’il soit soudainement devenu apôtre de l’autogestion, le chef de l’État prônait des réformes qui viendraient dorénavant d’en bas. L’école du futur permettrait aux équipes de construire des projets pédagogiques pour redonner du sens à leur métier. Mais comment donner du crédit aux propos tenus par l’exécutif quand en même temps, lors de la même conférence estivale, il annonçait, seul, vouloir calquer les lycées professionnels sur le modèle de l’apprentissage ? Cela n’était ni une demande du corps enseignant, ni une demande du corps d’inspection, encore moins une demande des élèves. D’ailleurs, il n’avait fait aucun bilan de la réforme Blanquer de 2018. Force est de constater aujourd’hui son échec. S’il reste encore des mesures dangereuses pour l’enseignement professionnel parmi celles issues des groupes de travail, il ne faut pas diminuer l’importance de cette victoire, au contraire.

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