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Billet de blog 16 novembre 2022

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La fermeture de lycées parisiens est un enjeu national

L’annonce de la fermeture de 9 lycées polyvalents ou professionnels parisiens par la présidente de la région Ile de France a fait l’effet d’une bombe dans la capitale. Ces fermetures s’appuient sur une baisse potentielle de la démographie dès 2023. Pourtant, des alternatives existent.

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Mardi 9 novembre, devant le conseil régional d'Ile de France, Valérie Pécresse n’a certainement pas vu la détermination de ces jeunes lycéen.nes de Brassens, d’Elisa Lemonnier, de Brassaï et des six autres établissements qui devraient fermer à Paris l’an prochain. Elle devrait pourtant prendre au sérieux leurs luttes et leurs capacités à faire tache d’huile tant leurs revendications sont justes et légitimes.

Des annonces de fermetures partout sur le territoire

Mme Pécresse savait-elle avant la Toussaint que la démographie parisienne allait baisser en 2023 ? Il est tout à fait raisonnable de le penser car en effet, dès 2017, l’INSEE annonçait une particularité parisienne avec une baisse de la démographie prévue malgré une hausse dans les autres départements franciliens. Mme Pécresse, élue depuis 2014 avait donc le loisir d’instaurer un dialogue avec les familles, les équipes pédagogiques et les élus locaux. C’est d’ailleurs bien la candidate malheureuse à la présidentielle qui s’était fait une spécialité d’exiger le renforcement du débat démocratique entre les Français durant la campagne de 2022. Partout sur le territoire, les homologues de Mme Pécresse ferment des lycées polyvalents et professionnels sans offrir la moindre concertation sérieuse. La méthode est la même, les arguments sont identiques, le désarroi des familles et des équipes pédagogiques est aussi fort. En conséquence, à Paris ou ailleurs, il est tout à fait justifié de demander un report de ces fermetures pour qu’un véritable dialogue se mette en place.

Ouvrir les centres villes aux périphéries

Alors que les lycées parisiens voient leurs effectifs diminuer, les établissements de la petite couronne ont très souvent des classes surchargées. Ne serait-il pas temps de remettre en cause l’existence de ce mur invisible entre Paris et les départements qui l’entourent ? Un coup d’œil sur la carte scolaire montre bien à quel point Paris est un château fort inaccessible pour ses voisins, à quelques dérogations près.

Illustration 1
La carte scolaire à Paris © https://cartescolaire.netlify.app/#

Depuis 1971, la région parisienne est divisée en trois académies. L’idée affichée à l’époque était de pouvoir « vivifier les départements périphériques ». Pour autant, l’emprise de la capitale n’a pas cessé et on peut même constater que la ségrégation sociale s’est empirée. Dans son rapport, l’INSEE évoque la « création de secteurs de recrutement partagés » entre les départements. Une recomposition des académies franciliennes pourrait aussi trouver sa pertinence afin d’enrayer ces phénomènes démographiques. Peu importe le schéma, c’est le principe d’une ouverture de lycées parisiens aux franciliens qui devrait être sur la table. Comme à Paris, les grandes villes de Lyon, Marseille, Lille souffrent du manque de mixité sociale. Les questions démographiques devraient davantage pousser les élus à réformer la carte scolaire pour permettre de décloisonner les centres villes et les banlieues.

Renforcer l’école publique

A Paris, 34% des élèves sont dans un établissement privé, plus qu’à New York. 34%, le chiffre est énorme et les voies de contournement du système public sont très nombreuses. Cela résulte du financement public, qui permet aux familles de payer des frais d’inscription raisonnables dans ces établissements. Il n’est pas inutile de rappeler que l’école privée bénéficie de 10 milliards d’euros de subventions en France, que ces écoles n’ont aucune obligation de respecter la carte scolaire et que les critères de recrutement des élèves ne sont pas transparents. Ni la laïcité, ni la contrainte de la mixité sociale ne sont obligatoires. Ce phénomène doit être rapporté à la réforme des lycées professionnels qui est en cours d'élaboration. Car l’État subventionne également sa propre concurrence à travers le renflouement régulier de France Compétences qui finance ensuite les Centres de Formations d’Apprentis (CFA). Avec la réforme, les CFA qui sont des organismes privés vont venir concurrencer sérieusement les lycées professionnels. A force de financer le secteur privé de la formation, il ne restera plus grand chose au secteur public.  

Illustration 2
La Tour Eiffel © Robert Delaunay, 1926

Le maintien des lycées parisiens ouvert est donc un enjeu crucial, tant pour l’école publique que pour les élèves. On pourrait être sensible aux arguments de Mme Pécresse qui affirme que cela ne concerne « que » 700 élèves cette année mais cela s’inscrit dans un contexte où le secteur privé se développe au détriment de l’école publique. L'absence de concertation initiale montre à quel point la volonté de passer en force était préméditée.  Défendre les lycées parisiens ne concerne pas que les lycées professionnels ou leurs filières très spécifiques, c’est une nécessité pour la défense de l’école de la République.

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