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Billet de blog 14 mars 2016

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Une femme à l'honneur chez les "Amis de Marcel Rudloff"

Le "Prix de la Tolérance" décerné à Madame Latifa Ibn Ziaten.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Vendredi 11 mars. Une vénérable assemblée était accueillie par Roland Ries dans les salons de la "maison commune citoyenne" de Strasbourg pour la cérémonie de remise du 19ème "Prix de la Tolérance Marcel Rudloff".

La date a de l'importance. Quatre ans, jour pour jour, après l'assassinat de son fils, Madame Latifa Ibn Ziaten, Fondatrice et Présidente de l'association IMAD pour la jeunesse et pour la Paix, recevait son prix des mains de Francis Hirn, président de l'association "les Amis de Marcel Rudloff".

Le moment était chaleureux et émouvant.

Pour elle, l'émotion était double.

La tolérance ?  Valeur fondatrice de la civilisation si menacée aujourd'hui?

L'objet de ce prix est de "récompenser une personne physique ou morale qui aura manifesté par son action, son comportement, ses déclarations et prises de position, ou tous autres agissements, des qualités exceptionnelles d'ouverture d'esprit, de sens des responsabilités, de refus de tout sectarisme, de respect des autres, de dialogue, de bienveillance et de tolérance" Oh Oui !

C'est dire que Madame Ibn Ziaten le mérite amplement.

"Une femme rare, d'une grande richesse intérieure"... Ce sont les mots qui viennent à l'esprit, ceux qu'employa Francis Hirn en hommage à Marcel Rudloff lors du décès de ce dernier.

Rappelons-nous : Le 11 mars 2012, le maréchal des logis-chef parachutiste, Imad Ibn Ziaten, première victime de Mohamed Merah, le "tueur au scooter", mourrait, debout, par les balles de ce fou qui assassina ensuite 6 autres personnes (deux militaires et quatre personnes de confession juive dont trois enfants).

Plutôt que de s'enfermer dans le repli sur soi, les lamentations, les plaintes, la colère, la vindicte, Latifa a su dépasser ces réflexes instinctifs, sublimer sa souffrance en compassion et puiser sa force dans l'amour du prochain.

Elle partit enterrer son fils dans la terre de ses ancêtres, au Maroc, puis, revenue en France, ne put s'empêcher de se rendre aux Izards, la cité de Mohamed Merah. De sa rencontre avec une bande de jeunes qui glorifiaent la conduite de Merah, le considérant comme un héros, un martyr de l'islam, est née l'idée de créer son association. C'est le début de son action.

Depuis elle mène un combat sans relâche qui la conduit d'écoles en prisons, dans les quartiers deshérités, partout en France mais aussi à l'étranger(Maroc, Mali, Israël, Palestine...)

"Je trouve que nos plus grands vices prennent leur pli de notre plus tendre enfance et que notre principal gouvernement est entre les mains de nos nourrices" Montaigne.

Latifa n'a sans doute pas lu Montaigne mais elle a tout compris, tout pressenti... parce qu'elle est maman de cinq enfants, parce qu'elle a "réussi" son intégration et la leur, elle sait ce qui "cloche" dans l'histoire, ce qui manque à ces enfants qui se réfugient dans le radicalisme, la haine de la France, la violence gratuite et elle veut les aider.Elle veut leur donner la chance qu'elle a su procurer à ses enfants.

Son discours parle "d'amour, d'éducation, de laïcité, de République, de la place de la république avant la religion qui doit rester une affaire privée, du rôle des parents et d'une famille soudée dans le destin des jeunes".

Sa lutte infatigable contre la radicalisation et pour le dialogue interreligieux, relayée par de nombreux médias, lui a valu déjà quelques distinctions dont le Prix de la Fondation Chirac pour la prévention des conflits et le Prix Copernic.

Elle est soutenue par le ministère de l'Education Nationale. La mairie du 4ème arrondissement de Paris a mis des locaux à sa disposition. Puis, tout dernièrement, une maison vient d'être ouverte à Garges les Gonesses, un centre d'accueil où elle pourra rencontrer jeunes et parents. Car c'est là que tout se passe en premier lieu.

Vendredi après-midi, elle repartait vers Paris, à l'Elysée, où le Président François Hollande devait lui remettre la Légion d'Honneur.

Bien justifiée celle-ci !

Pas facile ce parcours.

Glorieux certes pour ce personnage prisé, médiatisé, ovationné et pourtant stupidement humilié.

Car on n'en oubliera pas les menaces dont elle fait l'objet, les huées dont elle a été victime un jour à l'assemblée nationale lors d'un colloque sur la laïcité, où ses agresseurs lui reprochaient de porter le foulard et auxquels elle répondit "Française, musulmane, marocaine, je vis avec les trois et j'en suis fière, c'est vous qui avez un problème" Quelle leçon ! Chapeau !

C'est une femme belle, douce, sans révolte, d'une grande dignité que nous avons rencontrée ce vendredi. La classe !

Elle ne pardonnera pas à Mohamed Merah pour ce qu'il a fait, car "sa souffrance est incommensurable et ne s'éteindra pas", mais elle lui pardonne pour ce qu'il était...

Si la tolérance est l'attitude qui consiste à "admettre chez autrui une manière de penser ou d'agir différente de celle qu'on adopte soi-même" Madame Ibn Ziaten va bien au delà car sa tolérance inclut l'indulgence jusqu'au pardon.

2016, une année particulière pour l'association des Amis de Marcel Rudloff.

Le 23 mars 1996 disparaissait Marcel Rudloff grande figure politique qui laissa une empreinte indélébile dans la mémoire de ceux qui l'ont côtoyé.

"Homme rare, d'une grande richesse intérieure" (Francis Hirn) Il incarnait la tolérance et le respect des autres, tous les autres, y compris ses adversaires.

L'association des Amis de Marcel Rudloff, née en 1997, un an après la mort de celui-ci, contribue à maintenir sa mémoire et promouvoir l'esprit de tolérance.

Ce dernier requiert l'adhésion de notre belle jeunesse.

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