Dans une démarche qui soulève de nombreuses interrogations et critiques, l'Union européenne poursuit sa stratégie d’externalisation de la gestion des flux migratoires par le biais d'accords avec des pays tiers, une politique qui suscite le débat tant sur son efficacité que sur ses implications éthiques.
Récemment, l'UE a signé avec l'Égypte un accord similaire à celui conclu avec la Tunisie, marquant ainsi une continuité dans une approche qui, selon certains, équivaut à une reconnaissance politique qui renforcent ces régimes sous couvert de régulation migratoire. Ainsi, bien que l'intention officielle soit de contrôler l'immigration, ces accords peuvent se transformer en un aval tacite à des administrations qui limitent les libertés civiles, posant un dilemme éthique entre gestion des flux migratoires et promotion des principes démocratiques et des droits de l'homme.
Cette approche soulève ainsi des questions sur les priorités de l'UE, mettant en lumière les tensions entre les objectifs de politique intérieure et les valeurs universelles qu'elle cherche à promouvoir à l'échelle internationale.
Officiellement, les fonds aideront à renforcer les forces de sécurité de l'Égypte et à stimuler son économie, qui a été frappée par une inflation galopante et un chômage paralysant. Les attaques de missiles par les rebelles houthis au Yémen contre des navires commerciaux ont également perturbé le commerce via la mer Rouge, affectant davantage le commerce en Égypte. Cette dernière est également confrontée à une énorme crise migratoire avec l'arrivée en masse de réfugiés soudanais, syriens et palestiniens.
L'accord, décrit par certains comme un arrangement migratoire ad hoc déguisé en spectacle pour épater la galerie, ne manque pas d'illustrer une certaine désinvolture vis-à-vis des principes fondamentaux de respect des droits de l'homme. Par cette action, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, se voit attribuer le titre peu enviable de « sponsor des dictateurs », dans une démarche qui semble être une tactique désespérée à l'approche des élections européennes du 9 juin.
La question se pose : la dilapidation des fonds des contribuables européens au détriment des droits humains favorisera-t-elle vraiment sa réélection à la tête de la Commission ?
Adopter une politique qui semble calquer les discours de l'extrême droite dans l'espoir de lui ravir des électeurs apparaît comme une stratégie électoraliste risquée. Historiquement, l'original triomphe toujours de la copie, et cette tentative pourrait bien se révéler contre-productive.
L'accord signé entre l'UE et la Tunisie a été largement critiqué, perçu à la fois comme un échec absolu — ridiculisé par le renvoi des 60 millions d'euros à l'UE en échange d'un engagement final de 150 millions d'euros — et un échec relatif, notamment en le comparant à celui conclu avec l'Égypte.
Pour un accord similaire, l'Égypte a réussi à obtenir 7,4 milliards d'euros, soit cinquante fois plus que la Tunisie, pour une population neuf fois plus grande. Cette comparaison souligne non seulement l'échec de la diplomatie tunisienne mais aussi le traitement nettement plus généreux accordé à l'Égypte, où la signature de l'accord a été célébrée en grande pompe avec la présence de six chefs d'État au Caire.
Cerise sur le gâteau, c’est depuis Le Caire que Von der Leyen annonce l’aide de l’UE à Gaza, alors que la Tunisie en avait fait son cheval de bataille. Échec sur toute la ligne donc de la diplomatie tunisienne post-25 juillet, et cela met en lumière les limites d'une politique extérieure centrée sur des gains financiers immédiats au détriment des principes démocratiques et des droits humains.
Le dimanche 17 mars, l'Union européenne a offert au monde deux images contrastées : celle d'une Europe timorée, incarnée par cinq chefs d'État, dont Giorgia Meloni la première ministre italienne, courtisant un dictateur égyptien sous le couvert de la maîtrise migratoire ; et celle d'une Europe audacieuse, représentée par Schulz, Macron et Tusk, formant un front uni contre l'agression russe. Cette dichotomie reflète les tensions internes au sein de l'UE quant à la direction à prendre face aux défis contemporains, entre realpolitik et fidélité aux valeurs fondamentales de démocratie et de respect des droits de l'homme.
L'approche de l'UE en matière de gestion migratoire, en privilégiant des accords avec des régimes autoritaires, pose la question de la pérennité de ces solutions. Non seulement elles risquent de compromettre les valeurs fondamentales sur lesquelles l'Union prétend se construire, mais elles pourraient également se révéler contre-productives à long terme. En effet, sans une approche plus holistique qui prend en compte les causes profondes de l'immigration — telles que la stabilité politique, le développement économique et le respect des droits de l'homme — ces accords peuvent seulement offrir des solutions temporaires, dilapider l’argent du contribuable européen, tout en alimentant les critiques à l'égard de l'UE.
Cette politique de court terme, souhaitée par Meloni et financée par Von der Leyen, crée un cercle vicieux dans lequel les fonds européens renforcent les dictateurs sans créer de conditions favorables pour une reprise économique, qui, combinée à un climat de répression, pousse les populations à fuir leurs pays.
Après avoir signé des accords similaires avec la Turquie, la Tunisie, la Mauritanie et maintenant l'Égypte, l'UE devrait signer sous peu un autre accord avec le Maroc. La stratégie dite d'externalisation de l'UE pour la gestion de la migration fait face à des critiques de toutes parts, y compris dernièrement du Parlement européen, qui affirment que les accords manquent de garanties en matière de droits humains, exposant les migrants à des conditions brutales dans les camps et mettant de l'argent entre les mains d'autocrates.
Alors que l'Union européenne continue de naviguer dans les eaux troubles de la politique migratoire internationale, il devient crucial de réévaluer ses priorités et méthodes. À l'approche des élections européennes, ces questions ne sont pas seulement académiques mais revêtent une importance cruciale pour l'avenir de l'UE et sa place dans le monde.
Ghazi BEN AHMED, Fondateur et Président du Mediterranean Development Initiative