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Billet de blog 29 avril 2017

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Petit manuel de savoir vivre démocratique

Petit manuel de savoir vivre démocratique à l'usage des dévots du vote utile et autres inquisiteurs des consciences

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Petit manuel de savoir vivre démocratique à l'usage des dévots du vote utile et autres inquisiteurs des consciences

La période troublée que nous vivons semble faire perdre leur sang-froid à un peu trop de personnes prétendument engagées politiquement, ou prétendument objectives, conduisant à des comportements que je crois éminemment condamnables au plan du savoir-vivre le plus élémentaire. À cela, je vais tenter de répondre par autre chose que du dégoût et de l'indifférence car, je persiste à le croire, nous sommes des êtres doués de raison. Nous avons l'habitude de faire de la pédagogie et il semble que certains en aient cruellement besoin. Désolé si je suis un peu scolaire. Afin d'être honnête dans ma démarche, je précise que je soutiens le programme de la France Insoumise. Voici donc le fond de ma pensée :

1 - Que vous le vouliez ou non, voter est, dans cette république, un choix, tout comme ne pas voter. Voter est un acte politique fort, ne pas voter peut l'être également. En revanche, voter n'est pas un devoir légal. vous pouvez considérer à bon droit qu'il s'agit d'un devoir moral, car cela répond à votre vision de la réalité et même, pourrait-on ajouter, d'une certaine réalité. En aucun cas pourtant je ne me sens comptable de votre moralité. Que dire de celle qui tolère de voter pour une personne mise en examen ? Que dire de celle qui tolère de voter pour un parti que j'estime xénophobe? Que dire de celle qui tolère de voter pour un homme qui a déconstruit méthodiquement le code du travail, dans un gouvernement qui se prétendait de gauche, quand bien même nous sommes majoritaires à y être attachés dans ses principes ? Vous êtes donc amicalement invités à garder en tête que chacun est libre en la matière et qu'imposer ou tenter d'imposer à quiconque de voter est un acte profondément anti-démocratique, privatif de liberté, pouvant même constituer, et c'est le cas en l'occurence, un abus de position dominante, voire un abus de faiblesse. Je vous encourage à le garder à l'esprit.

2 - Ne pas voter n'est pas un acte de soutien au Front National. Voter pour le Front National est un acte de soutien au Front National. Aujourd'hui, Nicolas Dupont-Aignan soutient le Front National et a engagé un accord de gouvernement au nom de son parti avec le Front National. Cela signifie, en termes stricts, que Nicolas Dupont-Aignan, ainsi que les cadres et militants de son parti qui soutiennent cette démarche, soutiennent le Front National dans le cadre précis de l'accord qu'ils ont signé. Cela n'engage pas les votants de Nicolas Dupont-Aignan au premier tour en dehors des premiers, ni les abstentionnistes du deuxième tour. Jean-Luc Mélenchon ne soutient pas et n'a jamais soutenu le Front National. Les votants de Jean-Luc Mélenchon au premier tour n'ont pas soutenu le Front National. Il est possible que, parmi tous les votants de tous les partis du premier tour, certains changent d'avis au second et soutiennent le Front National en votant pour le Front National.

De cette explicitation résulte une chose : merci de ne pas plaquer sur des citoyens, libres de pensée et de vote, votre appréciation de ce qu'est un soutien. La seule forme de soutien définitif, c'est le vote pour. Cela s'appelle le respect de la liberté de penser son vote.

3 - Dès lors que l'on avance cela, on doit admettre que voter au second tour pour Emmanuel Macron ou pour Marine le Pen est un soutien. Chacun est encore, il me semble, libre de soutenir ou non qui il souhaite. Or, pour soutenir, il y a deux solutions, toutes deux respectables : on peut soutenir par calcul, sans adhésion particulière, ou on peut soutenir par conviction, parce que l'on pense sincèrement qu'une voie est bonne. Soutenir sans adhérer est une manière de voir dont je me garderai bien de dire qu'elle est inopportune, bien qu'elle ne soit pas la mienne. Elle suppose que ceux qui s'y soumettent n'ont pas besoin d'autre argument que de celui du contre, de l'anti. Il existe également des citoyens, tout aussi respectables, qui souhaitent voter en faveur de quelque chose auquel ils adhèrent. Dans le jeu démocratique, il y a une solution pour convaincre ces citoyens : la négociation programmatique. Or, que proposent M. Macron et les dévots du vote utile ? S'allier sur la base du voter contre. Aucune négociation, aucune proposition en vue d'un accord. par exemple, à l'adresse de la France Insoumise, une proposition aurait pu être faite en faveur de l'arrêt du nucléaire, de la 6ème République, de l'augmentation du Smic, du 100% renouvelable... En l'occurence, le programme est suffisamment vaste pour y chercher et y trouver des points de négociation. Lorsque l'on est qualifié pour le second tour, fut-on le "mieux placé" contre le Front National, on n'est pas dispensé de travailler à convaincre les autres. Ceux pour lesquels l'argument du contre suffit, c'est bien leur droit. Il n'y a pas lieu de maudire ou d'insulter les autres. Il convient de chercher en soi, en sa manière, en ses méthodes, le fait de ne pas être la cible de leur soutien. Cela relève de l'humilité élémentaire.

4 - Le vote Macron n'est pas un "vote utile" pour certains. Asséner à coup de sentences péremptoires qu'il s'agit d'un ou du vote utile ne le rend pas utile. Ce qui rend un vote utile, c'est son rapport à ce qu'il va nous rapporter collectivement. Il se trouve, parmi les électeurs, des citoyens qui considèrent, ce qui est leur droit, que voter Emmanuel Macron n'apportera que du désastre social, voire un vote Front National plus massif aux élections suivantes. Ces citoyens n'ont donc pas envie de voter, ou souhaitent voter blanc. Sommes-nous en dictature, que nous n'ayons pas le droit de le penser ? Sommes-nous en dictature, que nous n'ayons pas le droit de ne pas soutenir en votant ? Les abstentionnistes ne sont pas des citoyens de seconde zone. il peut se trouver d'excellentes raisons de ne pas voter, ce même lorsque le Front National est au second tour d'une élection : par exemple, avoir reçu quantités d'insultes sur la valeur de son vote et du candidat soutenu au premier tour n'encourage pas à faire un geste dans la direction du malotru. Si mon vote était inutile et stupide au premier tour, il est probable que je serai trop stupide pour trouver le chemin du bureau de vote au second. Cela s'appelle un manque de délicatesse, voire de la grossièreté.

5 - Accuser les abstentionnistes de gauche d'être des néo-fascistes en refusant le "vote utile" et le front républicain est un argument de circonstance et non de principe : je rappelle à la mémoire de chacun que le "ni-ni" a été employé avec abus par la droite aux législatives successives au risque de favoriser le Front National. Je me souviens pas que l'UMP de l'époque ait eu à subir un tel déferlement de haine et de mépris que la France Insoumise : "mais qu'est ce que c'est que ces pauvres qui ne veulent pas se soumettre ?". Si le candidat Macron est bien, comme lui-même et ses soutiens le prétendent, le meilleur rempart contre le Front National, alors il doit pouvoir le prouver.

6 - Ne pas donner de consigne de vote, ce n'est pas trahir ses électeurs. Ne pas donner de consigne de vote, c'est respecter la liberté de conscience de chacun et c'est, par définition, un acte éminemment démocratique. À la limite, donner une consigne serait presque une tentative d'abuser de son autorité ou de son influence et pourrait présenter des caractéristiques d'un régime de clientèles. De ces deux comportements, je crains moins le premier, en tant que citoyen libre.

7 - Plus amusant encore : peut-on considérer le choix Macron comme un choix librement démocratique ? Macron semble avoir été le choix d'une partie de l'électorat mais peut-on estimer que ce choix s'est fait librement ? Il est de mon droit de penser que Macron est le choix du CAC40, le choix de neuf milliardaires qui détiennent la quasi-totalité de la presse privée française et qui a rasé la liberté de conscience des Français d'un tapis de bombes médiatiques, enfin le choix de la majorité des journalistes et éditorialistes, par effet de mimétisme ou de lâcheté, et d'opportunistes en mal de notoriété. De mon point de vue, je me suis vu imposer ce deuxième tour de manière inique car les autres candidats n'avaient, ni la faveur des sondages (qui sont aussi des armes politiques), ni le temps de parole, ni le traitement réservé au principal candidat ou à sa concurrente. Dès lors, il n'est pas illégitime, dans mon esprit, de considérer que les choses ne sont pas dues au hasard et que, dès lors que ce que je considère comme l'esprit de la démocratie a été bafoué, le reste n'est qu'une mascarade destinée à faire élire la continuité d'une politique avec laquelle je suis en désaccord profond et qui s'est exprimé dans le quinquennat précédent par des moyens bien peu démocratiques. Dans une démocratie, mon avis vaut bien celui d'un autre et je ne me sens pas moins légitime qu'un éditorialiste quelconque. Qui êtes-vous pour m'insulter en raison de mon opinion ? Ne serait-ce pas la définition de la contrainte politique ?

8 - Je crois légitime de demander à chacun, et à commencer par les candidats et leurs porte-paroles, d'arrêter d'employer des éléments de langages stupides m'incluant d'office, ainsi "les français ont choisi" ou "les français ont besoin de". Plus cela arrive, moins je me sens en solidarité de celui qui l'emploie et de sa cause.

9 - Enfin, en ultime argument de mauvaise foi, on nous verse que la France Insoumise avait le devoir de voter dans son programme et qu'il serait de bon ton que l'on s'y tienne par souci de cohérence. Je réponds que si ceux qui portent ces arguments avaient voulu le vote obligatoire, ils étaient libres de voter pour le programme porté par la France Insoumise. À argument de mauvaise foi, je dis réponse de même.

Je n'ai pas fait le tour. J'en ajouterai peut-être. Je refuse absolument d'être instrumentalisé ni culpabilisé pour mon choix ou mon non-choix. Il est conforme à l'idéal démocratique auquel je prétends. Je n'ai de leçon à recevoir de personne en la matière. Je pense que je ne suis pas seul dans ce cas. Je suis un citoyen responsable et j'assume mes choix. Je ne soutiens ni ne soutiendrai jamais le Front National et ses doubles. Je ne soutiens pas non plus la destruction sociale incarnée par son adversaire.

À tous ceux qui entendent m'imposer leur choix, leur morale, leur religion politique ou le simplisme de leur pensée, par les moyens que j'ai évoqué, je vous réponds sans ambages : je vous emmerde !

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