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Billet de blog 6 juin 2025

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Censurer le porno, punir les adultes. Le retour du puritanisme sexuel.

À partir du 4 juin, les principaux sites pornographiques – Pornhub, YouPorn, Redtube – suspendent leur accès en France, ils s’autocensurent. Officiellement, il s'agit de protéger les mineurs. En réalité, c’est une nouvelle vague de censure qui frappe, sous couvert de bonnes intentions. Une protestation ?

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Censurer le porno, punir les adultes. Le retour du puritanisme sexuel. 

Illustration 1

Le prétexte est connu depuis déjà un siècle, les enfants. Empêcher l’accès des enfants à des contenus « choquants ».  Autres fois c’étaient les femmes, aujourd’hui on utilise le prétexte des enfants qui en règle générale ne devraient même pas avoir à utiliser un portable…Mais le remède, ici, est pire que le mal. Car au lieu d’investir sérieusement dans l’éducation à la sexualité, dans des outils intelligents de régulation, le gouvernement choisit la voie expéditive. Il préfère bloquer l’ensemble d’un pan de culture numérique – la pornographie – sans nuance ni débat.

Qui parle encore du désir des adultes ? Qui ose encore défendre le droit de chacun à explorer ses fantasmes, à consommer du porno sans être fiché, contrôlé ou soupçonné ? Derrière la rhétorique protectrice, c’est une vision punitive de la sexualité qui s’impose. Comme si le sexe, lorsqu’il sort du cadre conjugal, devenait immédiatement suspect. Encore une fois nous assistons à l’émergence d’un mouvement sexophobe qui voit dans la sexualité et dans le plaisir une sorte de dégénérescence. Comme si les citoyens ne savaient plus ce qui est bon pour eux. Comme si la pornographie, dans sa diversité, ne relevait pas aussi d’un imaginaire, d’une liberté de création, d’un rapport assumé au plaisir. Par ailleurs on se pose la question de savoir à quel moment on décidera de la fermeture des saunas et des lieux libertins ? Peut-être prochainement. Il faut dire que cette offensive ne vient pas de nulle part. Elle prospère sur un terrain miné par les peurs, les amalgames, les discours moralisateurs. La sexualité y est perçue comme une menace, un trouble à l’ordre public, un déraillement à corriger. Et l’on retrouve en chœur, pour la défendre, des puritains de tous bords : néoféministes abolitionnistes, religieux revanchards, politiques en quête de posture vertueuse. Ah la famille, la famille… la sexualité conjugale…l’histoire ne nous a rien appris. Mais non, la pornographie n’est pas un danger en soi. L’addiction à la pornographie n’existe même pas dans le DSM. Elle peut troubler, heurter, provoquer, comme tout art ou fiction. Elle peut aussi nourrir les fantasmes, accompagner des solitudes, ouvrir des voies de connaissance de soi. Elle peut devenir problématique bien sûr. Sa critique est légitime, sa diabolisation ne l’est pas. La pornographie peut aussi sauver comme le témoigne le livre de Didier Lestrade, I love porno.

Veut-on une société qui éduque ou qui censure ? Une société qui responsabilise ou qui infantilise ? Le choix qui se joue aujourd’hui dépasse le simple cadre du numérique. Il engage notre rapport à la liberté et la sexualité. Interdire le porno, c’est interdire aux adultes d’être libres.

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