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Billet de blog 7 juillet 2025

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Psychologues sous contrôle. Quand la science oublie le sujet

Dans L’Express, Franck Ramus prétend réorganiser la profession de psychologue au nom d’une pseudo-rigueur scientifique. Derrière ce vernis rationaliste, il esquisse un projet autoritaire : diviser les psychologues entre « légitimes » et « déviants », exclure ceux qui ne rentrent pas dans le moule des thérapies protocolisées.

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Dans une tribune publiée récemment dans L’Express, le neuroscientifique Franck Ramus plaide pour une réforme radicale du métier de psychologue. Il y critique la diversité des pratiques, fustige la place encore accordée à la psychanalyse et propose de scinder la profession en deux. Dans son échiquier « politique » on trouvera d’un côté des psychologues « remboursés » car alignés sur un référentiel unique, validé par la science expérimentale ; de l’autre ceux dont les pratiques ne cochent pas les bonnes cases – exclus, marginalisés, discrédités. J’ai le sentiment que derrière ce projet se devine le rêve ancien d’instaurer un ordre unique où seuls quelques courants « reconnus » – selon des critères importés de la biomédecine – auraient droit de cité. Ce fantasme de purification méthodologique, soutenu discrètement par certains cabinets ministériels et groupes de pression professionnels, menace à mon sens la liberté du soin psychique.

Ce que Ramus appelle « confusion des approches », c’est en réalité la richesse d’un champ pluriel : psychanalyse, thérapies humanistes, systémiques, cliniques du lien… Chaque approche propose une manière d’entrer en relation avec la souffrance. Croire qu’il n’y aurait qu’une seule méthode parce qu’elle s’adapte bien à des protocoles courts et mesurables, c’est complètement faux. Et pourtant, la psychanalyse, que certains voudraient enterrer, continue d’irriguer la clinique contemporaine. Elle est présente en institution,  dans les hôpitaux de jour, les CMP, les pédopsychiatries, les unités pour psychoses graves. Elle est pratiquée au quotidien par des psychiatres – nombreux sont ceux qui sont également psychanalystes, et parfois directeurs de Diplômes Universitaires de psychanalyse, adossés à des facultés de médecine. Cela, Franck Ramus ne l’évoque pas. Il préfère opposer neurosciences et psychanalyse, comme si le soin devait se résumer à l’imagerie cérébrale. Mais il ne s’agit pas ici de rejeter la recherche ou l’évaluation. Il s’agit de rappeler qu’on ne peut pas réduire le sujet humain à ses circuits neuronaux. Ce qui parle, ce qui souffre, ne se mesure pas avec à un IRM fonctionnel. Alors ils s’en prennent aux sophrologues, aux praticiens de la psychothérapie, aux psychanalystes, aux gestaltistes — bref, à tout ce qui échappe à leur vision normée du soin. Mais à leur place, je me poserais une question simple : comment expliquer que ces thérapeutes « non conformes » accompagnent depuis des années des milliers de personnes, sans signalement massif de dérives, sans danger apparent, sans catastrophe clinique ? Car ce que Ramus ne dit pas, c’est que ces approches ne sont pas moins efficaces — elles sont simplement différentes. Et c’est précisément cette différence qu’il cherche à mépriser.

Chaque citoyen doit pouvoir choisir librement son thérapeute, selon sa formation, son éthique, son style de travail. Ce droit fondamental ne peut être dicté par un pouvoir central, ni limité à des pratiques estampillées « efficaces » au nom d’un modèle unique. En ces temps d’angoisse sociale et de normalisation sanitaire, elle offre un espace rare dans lequel le sujet a encore droit à la parole et cela sans oublier la notion de laïcité. 

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