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Billet de blog 11 novembre 2022

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Le porno, fourre-tout idéal.

"Ce qui justifie la condamnation morale de la pornographie c’est la référence à un certain modèle de la famille et de la sexualité à l’égard duquel aucun écart n’est toléré". Les recherches scientifiques concernant la consommation chez des sujets adultes proposent une vision "autre" à la morale du moment.

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La pornographie représente une catégorie idéale sur laquelle il s’avère aisé de décharger toute responsabilité sociale. Pour beaucoup, elle se trouve en lien étroit avec la prostitution et d’ailleurs, la limite entre violences sexuelles et pornographie se révèle difficile à identifier. Selon une enquête menée par une commission du Senat « on dénombre en France aujourd’hui 20 millions de visiteurs uniques de sites pornographiques par mois. En outre, 80% des mineurs ont déjà vu des contenus pornographiques et, à 12 ans, près d’un enfant sur trois a déjà été exposé à de telles images ». Pourtant la pornographie n’est pas un nouveau produit de notre société actuelle. La question de l’accès au contenu interdit par des mineurs est vieux comme le monde. Il s’agirait plutôt de bien encadrer cette question. Rémy Verlyck, dans un article du Figaro truffé de moralisme de la même racine qui a poussé de dizaines de milliers de personnes à manifester contre le Mariage pour tous, cite en défense de sa thèse "Pour mettre fin à la pornographie comme impératif de société", le préambule de la constitution : 

« Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés.»

Or, une sexualité épanouie est l’un des droits inaliénables de tout être humain. Attention donc, une fois de plus, à «ne pas me mettre sur le même niveau le dépendant et le (simple) consommateur » (Cordonnier, 2006). La question féministe de lutte contre le sexisme dans « le porno » pose à notre humble avis, une finalité à peine voilée issue de la sphère morale : interdire l’univers porno « tout court ». Thérèse Hargot, thérapeute et essayiste belge proche de la Manif pour tous dans le texte Génération porno essaie de convaincre inutilement que « contrairement aux idées reçues, les sexologues et les scientifiques savent qu'elle, (la production pornographique) est intrinsèquement néfaste. » Elle s’est également lancée dans un outil thérapeutique numérique qui permet d’« en finir avec la pornographie ». Or, en revanche, comme l’on sait, il ne faut pas n’ont plus mêler la simple consommation de matériel pornographie avec la dépendance. D’ailleurs, à ce sujet le mot « dépendance » est actuellement très flou et très débattu. On peut rappeler que le comportement est un problème seulement quand il devient excessif et qu'il entraîne des difficultés significatives (p. ex., au niveau émotif, cognitif, comportemental, relationnel) dans la vie de l'individu. Il est toutefois difficile de statuer sur l'aspect « excessif » sans risquer de basculer vers des aspects de moralisation ou de normalisation (Messier-Bellemare et Corneau, 2015; Vaillancourt-Morel, Daspe, Godbout et Sabourin, 2015)

Dans ce qu’on définit comme « addiction à la pornographie » n’a pas été incluse dans le dernier DSM 5 : « l’OMS a décidé une nouvelle fois de ne pas reconnaître comme un trouble de la santé le visionnage de films pornographiques. » Les nombreuses études effectuées sur ce sujet n’ont pas démontré cette présumée dangerosité du porno. En 2020, plusieurs études internationales se sont plongées dans l’analyse du porno pour essayer de démontrer si sa consommation avait un impact négatif sur la vie sexuelle des usagers. En 2020, selon un sondage Yougov qui indiquait que si malgré 2/3 de jeunes regardait de film porno cela n’avait d’impact ni sur leurs conduites sociales, ni sur les performances. Dans un autre article publié dans Sexual and Relationship Therapy se met en évidence comme « la consommation de films X n’a pas d’impact sur l’activité sexuelle ou le bien-être psychique des sujets étudiés. Même avec 80% de personnes interrogées qui qualifient les films pour adultes de « peu ou pas du tout réalistes », aucun lien avec une perception négative de ses propres performance ou d’attitudes sexistes n’est mis en évidence par les chercheurs ». D’où vient cette obsession pour la pornographie ? Pour le Petit Robert, le terme « pornographique » recouvre toutes les « représentations (par écrits, dessins, peintures, photos) de choses obscènes destinées à être communiquées au public ». Or, le mot obscène contient une dimension explicitement morale, et une acception péjorative, puisqu'il désigne ce qui « blesse délibérément la pudeur en suscitant des représentations d'ordre sexuel ». La pornographie se voit donc attribuée un caractère a priori offensif. D’ailleurs les mots « pornographie » et « obscénité́ » sont des catégories de contrôle étatique héritées du dix-neuvième siècle qui regroupent l’ensemble « des descriptions explicites des organes et des pratiques ayant pour but de susciter une excitation sexuelle » (Hunt, 1996 : 10). Pour terminer on ne peut que partager l’avis de Florian Voros en conclusion de son article publié dans la revue Sexologies :

La lutte contre l’addiction à la pornographie, menée par un ensemble d’entrepreneurs de morale assez hétérogène (psychiatres, psychologues, sexologues, militants anti-pornographie, ex-dépendants, journalistes), s’est attachée à redéfinir la consommation de pornographie à la fois comme un « problème médical », replaçant le plaisir éprouvé par les amateurs de ce genre visuel sous le soupçon de la maladie ; et comme un  « problème masculin », renforçant les présupposés essentialistes sur « la sexualité masculine »

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