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Billet de blog 11 décembre 2025

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Marine Le Pen, les gays et la tentation de la mère morte.

Alors que l’on associe spontanément le vote LGBT aux forces progressistes, les données internationales racontent une autre histoire. Une fraction croissante d’hommes gays se tourne vers des partis conservateurs, parfois hostiles aux droits qu’ils ont pourtant défendus.

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Àtravers la comparaison lancée par un cadre de son parti, que Marine Le Pen « comprend les gays comme Mylène Farmer », le RN semble vouloir créer une image de « compatibilité » avec les minorités sexuelles. En revanche je vois un vide de discours, un vide de passé militant, un vide de prise de position politique réelle en faveur des droits LGBT. Mon propos vise le type de lien psychique qui se crée entre certains sujets gays et une figure politique qui n’a jamais vraiment investi leur existence symbolique. Bien-sûr il faut le reconnaître que le RN n’est plus exactement sur les positions ouvertement anti-LGBTQIA+ d’autrefois.
Le discours s’est lissé, les attaques directes ont disparu.

A titre d’exemple. Une étude de Samuel Huneke (Stanford University, 2019) élargit le constat à cinq pays occidentaux (États-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne, Brésil).
Résultat : seuls les États-Unis montrent un soutien massif du vote LGBT aux partis progressistes. Dans les autres pays, une part importante des électeurs gays se tourne vers des partis conservateurs, parfois ouvertement hostiles aux droits LGBT. En France, par exemple, 26% des électeurs gays et bisexuels soutenaient Marine Le Pen en 2015. Au Brésil, 29% des électeurs LGBT ont voté Bolsonaro, malgré son homophobie affichée.

Le sujet, rassuré par l’acquisition de droits fondamentaux, se réidentifie à la figure traditionnelle du pouvoir, comme si la reconnaissance sociale nouvellement acquise l’autorisait à rejoindre la maison du père plutôt qu’à en contester les fondationsMais un changement de ton n’est pas, à mon avis, un changement de désir.  Le « storytelling gay » fonctionne comme un cache-misère habillé d’un vernis d’inclusivité.
André Green avait donné un nom à cette présence paradoxale : la “mère morte”.
Une mère qui ne disparaît pas, mais qui retire soudain son investissement affectif, laissant l’enfant face à une présence glacée, figée, immobile. Un corps qui rassure parce qu’il est là, et inquiète parce qu’il ne répond plus. Face à cette absence vivante, beaucoup d’enfants, et plus tard, beaucoup d’adultes, préfèrent la stabilité froide à une absence totale. Ils s’attachent à une figure qui ne les aime pas vraiment et qui ne s’effondre pas. C’est une logique de survie.
Marine Le Pen occupe exactement cette place pour certains électeurs gays. Mais jamais son discours public n’a réellement porté ces minorités. Et, dans une société où l’homme croit en ce qu’il voit ou croit entendre, la moindre mise en scène médiatique suffit à faire passer une citadelle close pour une maison ouverte. Marine Le pen propose une enveloppe, une structure, un ordre, une présence solennelle, stable, protectrice en apparence.
Mais cette présence ne s’accompagne d’aucun investissement affectif réel envers les minorités sexuelles. C’est un lien sans chaleur, sans désir de reconnaissance, sans mouvement libidinal.
Le transfert vers Marine Le Pen repose sur un mécanisme archaïque :
Elle ne m’aime peut-être pas, mais au moins elle tient debout.
Elle ne m’accueille pas, mais elle ne disparaît pas.
Elle est froide, mais elle protège.
Ce déplacement psychique, Joseph Agostini l’a déjà analysé avec une précision remarquable. Mais la psychanalyse rappelle qu'une présence glacée n’est jamais une présence aimante. Et une politique qui rassure sans reconnaître finit toujours par enfermer ceux qu’elle prétend protéger.

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