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Une notion de « vérité » entoure désormais la sexologie moderne, voire de véridiction1. La France, compte ainsi, ces dernières années, des dizaines d’écoles, d’institutions, de cours universitaires, laissant à penser que la sexologie a désormais acquis une posture de « garantie normative ».
Ces derniers temps, une série d'enquêtes et de sondages mené presque exclusivement par de professionnels de santé, ont mis en lumière une demande croissante en faveur d’une hypothétique réglementation de la sexologie. En effet, il semble pertinent de s’interroger sur le fait de savoir s’il s’avère judicieux d’enfermer dans un cadre institutionnel et standardisé, l’univers des valeurs qui entourent les questions liées au sexe, aux troubles sexuels aux croyances, aux religions, aux sentiments, à l’inconscient même, à l’anthropologie, etc. ? Par exemple au Quebec, l’un des pays qui a encadré la sexologie depuis longtemps beaucoup de sexologues seraient par exemple, encore aujourd’hui, mal formés aux enjeux LGBT2.
En France les sexologues peuvent se former soit à l'université (DIU en sexualité humaine, Sexologie médicale, Santé sexuelle), soit dans des organismes privés. L'absence de réglementation ne signifie pas automatiquement un manque d'encadrement dans le domaine de la sexologie. En effet, diverses associations, syndicats et organismes se sont engagés depuis au moins vingt ans à garantir la compétence de leurs thérapeutes. Ces entités jouent un rôle essentiel dans la supervision et la certification des praticiens, assurant ainsi un niveau de qualité et de professionnalisme dans la pratique de la sexologie. Il y a néanmoins le risque qu'une réglementation excessive de la profession de sexologue renforce la stigmatisation et les tabous entourant la sexualité, en donnant l'impression qu'il s'agit d'un domaine nécessitant une surveillance accrue.
Encadrer la sexologie reviendrait à véhiculer l'idée qu'il n'existe qu'un seul type de sexualité, une seule norme de comportement sexuel, une seule approche de la sexualité humaine. Cependant, comment pouvons-nous permettre aux universités ou même à l'État de dicter aux praticiens, voire aux patients, une vision figée de la sexualité, du sexe et des troubles qui relèvent de l'intimité? Comment pouvons-nous envisager, par exemple, la thérapie de couple dans le contexte social en tenant compte des évolutions des structures familiales ? Devons-nous vraiment suggérer aux couples comment gérer leur vie sexuelle ou leurs interactions sociales en se basant sur un savoir imposé par un manuel ou des directives émises par l'État ? L'autonomie de la sexologie a également permis à la communauté LGBT+ de s'exprimer librement et de mettre en avant l'importance d'une approche plus positive de la santé sexuelle. Ce sont les mêmes sexologues d'aujourd'hui qui ont su créer des espaces sécurisés où chaque individu se sent compris, respecté et soutenu, notamment dans ses démarches de transition ou d'exploration de son identité de genre.
Dans un contexte où de nombreuses sociétés européennes font face à des régressions sociétales en matière de droits sexuels et de libertés individuelles, il convient de se demander s'il est judicieux de renforcer davantage les liens entre la sexualité et la politique. Reconnaître et valoriser la diversité des formations dans le domaine de la sexologie est essentiel pour garantir l'accès à des services de qualité et répondre aux besoins variés des individus en matière de santé sexuelle. Comment faire face, dans ce contexte, aux potentiels risques d'une intrusion de la politique dans les questions de sexualité ? Par exemple, un rapport sénatorial porté par des élus Les Républicains, publié le 18 mars, appelle à interdire tout accès aux "bloqueurs de puberté" et aux hormones d'affirmation de genre. La sénatrice en charge du sujet, Jacqueline Eustache-Brinio, a annoncé sa volonté de déposer une proposition de loi en ce sens "avant l'été". Quels autres impacts sur toutes les autres questions de sexualité ? Et comment l'enseignement de la sexologie et la perception de la sexualité pourraient-ils changer ?
Encadrer de manière trop stricte la profession de sexologue pourrait entraîner une médicalisation excessive de la sexualité. Cela pourrait conduire à une approche étroite et pathologisante de la sexualité, négligeant sa dimension culturelle et ouvrirait la porte aux ingérences politiques du moment.
1. Foucault M., 1978-79, « Naissance de la biopolitique », in Dits et Ecrits, tome III, n° 274, Paris, Gallimard, 2004, pp. 820-829
2. « Dans un cours sur la dysfonction sexuelle, on va parler des vagins qui ont de la difficulté à tolérer la pénétration. J’ai posé une question par rapport à la pénétration anale et le professeur ne pouvait pas me répondre. » Ils ont aussi relevé des remarques transphobes et homophobes de professeurs et d’étudiants »