Encore aujourd’hui, en 2025, l’accueil des personnes de la communauté LGBTQIA par les professionnels de santé mentale reste problématique. Beaucoup de psychologues ou thérapeutes variés se définissent comme « psy friendly » sans pour autant disposer des compétences sur les enjeux spécifiques de cette communauté. Cette notion de « friendly » est à la fois vague et insuffisante. Elle laisse croire qu’une simple attitude bienveillante suffirait à répondre aux besoins particuliers des personnes LGBTQIA.
Or, cette bienveillance ne garantit ni une formation adéquate, ni la compréhension des dynamiques propres aux identités de genre, aux orientations sexuelles, aux discriminations systémiques ou encore aux parcours de transition. Se définir comme « friendly » revient à souligner une absence de formation plutôt qu’une réelle compétence. Pire encore, cela normalise l’idée qu’un accueil véritablement respectueux et informé serait une exception, et non la norme dans la pratique clinique. Et surtout, il ne suffit pas de connaître une théorie clinique ou de maîtriser les catégories classiques de la psychopathologie pour accompagner ces patient·es. Ces savoirs, bien qu’indispensables, demeurent largement inopérants s’ils ne sont pas articulés à une compréhension fine des effets de la norme hétéro-cis, des violences symboliques et institutionnelles, et des enjeux subjectifs liés à l'identité. L’illusion selon laquelle une grille de lecture psychopathologique « neutre » suffirait relève d’un déni des réalités politiques et sociales qui traversent le champ psychique. Il ne s'agit pas de plaquer un modèle, mais d'écouter à partir d'une disponibilité réelle à ce que le sujet vit, dans son histoire, son corps et son inscription dans le monde.
Pour cela, un contact réel avec les personnes concernées, une immersion dans leurs récits, leurs luttes, leurs réalités quotidiennes, ainsi qu’une formation spécifique aux enjeux LGBTQIA, apparaissent non seulement nécessaires, mais urgents. Sans ce travail, la pratique clinique risque de reconduire, malgré elle, les mécanismes d’exclusion et de méconnaissance qu’elle prétend pourtant combattre. Il ne s’agit pas d’ajouter une spécialité à son CV, mais bien de transformer en profondeur son cadre d’écoute et de pensée.
D’ailleurs, si le diplôme ou la bienveillance suffisaient, on n’aurait pas vu émerger autant de collectifs « safe », d’associations de psychologues LGBTQIA+, ou de réseaux de soutien communautaires. Ces initiatives sont nées précisément de l’insuffisance du cadre classique, trop souvent inadapté ou maltraitant. Elles témoignent d’un besoin de lieux d’écoute véritablement sécurisants, où les vécus LGBTQIA ne sont ni minimisés, ni pathologisés, ni instrumentalisés.Jusqu’à aujourd’hui, le soutien le plus adapté et le plus pertinent pour les personnes LGBTQIA a souvent été apporté par le tissu associatif. Ce sont les associations, par le biais du counselling, de la relation d’aide et de dispositifs d’écoute communautaire, qui ont su créer des espaces sécurisants, bienveillants et véritablement informés. Strcutures souvent animées par des pairs ou des professionnels spécifiquement formés, ont permis de pallier les lacunes du système de santé mentale traditionnel. Elles se sont construites autour d’une éthique du respect inconditionnel des identités et d’un savoir par les expériences de terrain.
Ce recours au secteur associatif n’est pas anecdotique. Il démontre un manque structurel dans la formation des professionnels de santé mentale, encore trop souvent marquée par des normes cis-hétérocentrées. Tant que les institutions ne reconnaîtront pas la légitimité des savoirs issus de l’expérience communautaire et n’intègreront pas ces connaissances dans les cursus de formation, les personnes LGBTQIA continueront à se tourner vers ces lieux alternatifs pour trouver un soutien adapté.Il ne suffit plus d’être « friendly ». Ce terme, trop flou, masque des manques profonds. Ce qu’il faut désormais, ce sont des professionnels formés, compétents, et responsables, capables de répondre avec justesse et engagement aux besoins d’une population encore trop souvent marginalisée dans le champ thérapeutique.
À la question si « Faut-il mieux consulter un·e psychologue diplômé·e mais non formé·e aux enjeux LGBTQIA, ou un·e thérapeute ou bénévole bien formé·e », il n’y a pas de réponse unique. Le choix relève de l’autonomie de chaque personne. Il ne s’agit pas d’imposer une voie, mais de permettre une prise de conscience, c'est-à-dire que le diplôme seul ne garantit ni l’écoute, ni la compréhension, ni le respect des réalités LGBTQIA.