Je suis un medecin généraliste, et ne suis pas opposé à la généralisation du tiers-payant puisque je le pratique déjà pour la part obligatoire (sécurité sociale) depuis l'instauration du médecin référent il y a de très nombreuses années. Tout dépend de la difficulté administrative que cela rajoute ou pas et du temps perdu à cela. Cette mesure parait très souhaitable pour des patients en difficulté economique, mais pour quelle raison l'étendre à ceux qui n'en ont pas?
On peut se poser la question: un gouvernement pourra-t-il ainsi diminuer plus facilement le remboursement des actes par la sécurité sociale au profit des assurances privées, de maniere peu visible si l'on n'a pas à faire l'avance du prix de la consultation? On a le droit de penser que les medecins réfractaires à cette loi font là au gouvernement un procès d'intention.
Ceux-ci ont également une grande crainte que cette loi soit le premier pas vers une dépendance de leur part envers des financeurs privés, vite tentés par la menace de déconventionner le médecin s'il prescrit selon eux trop de soins coûteux. Dans des pays très proches, habitués à ces pratiques, comme les Pays-Bas, les praticiens doivent multiplier les démarches administratives pour demander aux assureurs une entente préalable (et attendre la réponse, en souhaitant pour le patient qu'elle soit positive) avant de prescrire un scanner et d'autres examens.
Certes cela n'est pas dans la loi mais l'on sait que les glissements se font insensiblement, dut-ce même prendre une décennie. Sur ce point, la présentation de la loi n'a pas permis de rassurer les médecins.
Est-ce parce qu'ils sont frileux, manipulés par leurs syndicats, ou parce que les lois décidées par les différents gouvernements depuis de nombreuses années, porteuses de régression plus que de progrès social, ne peuvent qu’éveiller la suspicion chez eux comme chez bon nombre de citoyens? Cette loi est-elle le premier pas vers une liberté de prescription bridée pour raison économique?
Une interrogation encore: si l'on rend les mutuelles obligatoires pour les salariés, au même titre que la sécurité sociale est obligatoire pour tous, pour quelle raison ne pourrait-on pas les remplacer par la sécurité sociale elle-même? Si une assurance privée couvre la partie des frais de santé qui n'est pas remboursée par la sécu, et si l'on a l'obligation de la contracter, pourquoi n'est-ce plus la sécu qui fait le boulot? Ah, j'oubliais: nous sommes en régime (néo)libéral. Les actionnaires ont des besoins.