Gilbert La Porte

Retraité, auparavant directeur régional de l'Agence Nationale pour l'Amélioration des Conditions de Travail

Abonné·e de Mediapart

7 Billets

0 Édition

Billet de blog 20 mai 2023

Gilbert La Porte

Retraité, auparavant directeur régional de l'Agence Nationale pour l'Amélioration des Conditions de Travail

Abonné·e de Mediapart

Bassines et retenues collinaires, même combat ?

Rien n’arrête la Commune du Tampon de l'île de La Réunion. Après un projet de parc d'attractions immonde aux conforts du Patrimoine de l'Humanité, elle repart à l'assaut d'un bien commun, l'eau, avec la construction de six retenues d'eau pour prélever et stocker 1,7 million de mètres cubes destinés à l'irrigation. L'argument massue est que les retenues d'eau n'ont rien à voir avec les bassines.

Gilbert La Porte

Retraité, auparavant directeur régional de l'Agence Nationale pour l'Amélioration des Conditions de Travail

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ceci est la contribution de l'association citoyenne Domoun la Plaine à l'enquête publique (le dossier technique de l'enquête publique se trouve ici : https://drive.google.com/drive/folders/1dCL6uBWIioTZsP-x9SCFjyu6dQ04WEgv?usp=share_link) diligentée par le préfet de La Réunion afin d'autoriser ou non la construction de la troisième retenue d'eau sur les six prévues dans le schéma directeur d'irrigation de la Commune du Tampon. L'argument massue de cette collectivité est que les retenues d'eau n'ont rien à voir avec les bassines qui font polémique et quelques échauffourées du côté de Saintes. L'association contre-argumente en démontrant que, si les procédés pour prélever le bien commun à tous les vivants sont, certes, différents, sur le plan environnemental, les retenues collinaires auront les mêmes répercussions en matière du réchauffement climatique et du dégagement des gaz à effet de serre. Sans compter le gaspillage des fonds publics - Europe et Commune - pour des résultats plus qu'improbables, alors que les nuisances prévisibles sont bien réelles.

La balle est à présent dans le camp du Préfet de Région : va-t-il désobéir à son patron, un certain Emmanuel Macron, en contrevenant publiquement à son "Plan Eau" et autorisant la poursuite du Schéma directeur d'irrigation insensé du Tampon ?

1. Contradictions avec les objectifs du Plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau

Même si le projet en question est antérieur au Plan gouvernemental datant de mars 2023, il nous paraît totalement impensable que le représentant de l’Etat puisse le laisser faire tout en sachant qu’il n’est en rien cohérent avec les différents objectifs que ce Plan fixe à l’ensemble des responsables de toutes les sphères, politiques, économiques, individuelles

Ce plan énonce en effet, sous le mot d’ordre « s’adapter dès aujourd’hui et changer nos habitudes pour demain » les objectifs suivants :

a) Organiser la sobriété des usages de l’eau pour tous les acteurs, avec, à titre d’exemple :

« La réduction de 10 % d’eau prélevée d’ici 2030. » Or, avec ce projet, la Commune du Tampon s’apprête clairement à en prélever davantage et davantage encore avec toutes les autres retenues dites collinaires figurant dans son Schéma Directeur d’Irrigation datant de 2016, dans lequel ce sont clairement des solutions conduisant à la maladaptation qui sont proposées avec le million de mètres cubes de prélèvement d’eau qui sont programmés à terme avec toutes ces « retenues collinaires » ;

b)  Optimiser la disponibilité de la ressource, avec par exemple :

« La récupération des eaux de pluie de toiture des bâtiments agricoles », en voilà une idée qui serait bien meilleure que l’artificialisation et l’imperméabilisation des sols qui sont, nous y reviendrons plus loin, les meilleurs agents naturels de stockage de la ressource Eau. Or, sous de belles intentions de servir les agriculteurs - dont par ailleurs la Municipalité du Tampon ne se soucie guère pour transformer les terrains agricoles en parcs d’attraction ou autres emplacements de parking -, son projet les pousse vers ce que les scientifiques appellent une addiction, en « fixant » un dysfonctionnement (le manque d’eau) par une immobilisation du capital[1]- dans une infrastructure, au lieu d’investir pour soutenir la transition vers des pratiques moins gourmandes en eau.

c) Préserver la qualité de l’eau et restaurer des écosystèmes sains et fonctionnels, avec par exemple :

« Développer les solutions fondées sur la nature dans la gestion de l’eau ». A ce propos, nous aurions préféré que le maire du Tampon fasse appel – nous reprenons ce que nous avons trouvé génial dans le dossier de presse du Président de la République – à « la filière de génie écologique pour reconstituer les milieux naturels ». Au lieu de quoi, il projette, avec son projet très coûteux sur tous les plans, de les dégrader à coups de bulldozers, de bâches imperméabilisantes et autres vannes de pseudo optimisation des réseaux d’eau, eau qui sera retenue dans ces pièges à évaporation de la ressource et ces foyers d’aedes albopictus qu’ils vont constituer dans une île qui bat tous les records annuels d’épidémie de dengue.

d) Et surtout, mettre en place les moyens d’atteindre les ambitions de ce Plan, en améliorant la gouvernance de la gestion de l’eau.

Or, notre municipalité est habituée à un fonctionnement autocratique et paternaliste. Toutes ses décisions sont prises à l’insu, au détriment et en opposant à chaque fois telle catégorie de la population à telle autre. Avec son Parc d’attractions à Bourg Murat, il a voulu opposer les « Pat Jaune » aux touristes qui allaient remplir les caisses de la Commune ; avec ses retenues d’eau, il pense opposer les mêmes « Pat Jaune » aux riverains qui ne veulent pas de ses trous d’eau. Nous espérons que le représentant de l’Etat veillera à la mise en place de la « gouvernance améliorée de la gestion de l’eau » sur ce territoire.

2. Quel est le bien-fondé du stockage de l’eau à l’air libre ?

C’est au total plus d'un million de mètres cubes d’eau qui devrait être prélevé au cycle naturel de l’eau avec tous les trous d’eau annoncés dans le schéma directeur d’irrigation de la Commune du Tampon.

Le guide n° 28 ‐ « Impact cumulé des retenues d’eau sur le milieu aquatique » de 2017 (travail d’expertise scientifique collective (ESCo) mené par l’OFB et INRAE entre 2014 et 2017) met en évidence la faiblesse des connaissances nationales et internationales sur l’effet environnemental global cumulé des retenues. Est-il raisonnable de continuer ainsi à jouer aux apprentis sorciers ? De nombreux scientifiques affirment que le meilleur agent naturel de retenue de l’eau est le sol lui-même. Or, avec tous ces projets de retenues d’eau, la politique de la Municipalité du Tampon tend à imperméabiliser et artificialiser encore et toujours plus les sols sous prétexte de faire des réserves pour les probables années de sécheresse à venir. Les conséquences très certaines en tout cas de l’impact de cette imperméabilisation à court, moyen et long termes, en aval de ces retenues, n’ont pas été étudiées ou du moins elles sont occultées dans le dossier soumis à l’enquête publique.

Mais à qui servent-ils ces trous d’eau ? Ce que le dossier ne nous dit pas, c’est que la retenue dite du Piton Marcelin, mise en service en décembre 2020 pour arroser 200 ha supplémentaires, avec 1 600 branchements-exploitants possibles, n’a que 200 abonnés affichés, et seulement 70 agriculteurs réellement utilisateurs. L’abonnement et le prix du mètre cube seraient-ils prohibitifs ? Va-t-on encore édifier un monstre de béton pour si peu d’utilité ? L’argent public coulerait-il à flot dans la Commune du Tampon en ces temps de sobriété réclamée pour les citoyens ?

En tout cas, Domoun la Plaine milite fermement pour faire de l’eau nourricière un bien public gratuit pour tous, dans le cadre d’une protection et gestion de la ressource strictement adaptée aux exigences du changement climatique.

Le dossier technique est au moins honnête sur un point : la ravine du Bras de Pontho qui est la convoitise de ce nouveau trou d’eau au milieu du bourg, coule très peu voire pas du tout. Elle est uniquement abondée lors des périodes de crues (fortes pluies et cyclones). L’alimentation de deux autres retenues collinaires, Herbes Blanches et Piton Marcelin, s’effectue sur cette même ravine, dans les mêmes conditions. On nous explique dans le dossier que, en l’absence de données hydrométriques « sur le secteur Piton Sahalès », une simulation hydraulique basée sur des statistiques des pluies sur 20 ans (station pluviométrique de la Plaine des Cafres), aurait permis d’estimer la capacité de remplissage des trois retenues collinaires de la Plaine des Cafres.

Or, l’aggravation exponentielle récente des sécheresses dues au réchauffement climatique n’a que quelques années ; le climat a énormément changé en 20 ans. Il y a donc tout lieu de penser que ces statistiques sont grossièrement fantaisistes, que la simulation s’en trouve faussée et que ces retenues, et celles à venir, toutes branchées sur la même ravine, peineront à se remplir. Quant à espérer que les périodes cycloniques puissent s’en charger, il est à craindre que, à terme, ces épisodes soient tellement violents qu’ils ne mettent en danger les retenues elles-mêmes… Entrainant des risques majeurs pour les constructions avoisinant le futur trou d’eau de Bourg Murat.

Cela soulève d’ailleurs un autre problème en termes de balance entre avantages et inconvénients de ce projet : un tel coût environnemental, humain et économique pour un équipement qui ne pourra servir qu’un an sur quatre pour reprendre les estimations fournies par le bureau d’étude du maire, en se remplissant sûrement bien en deçà des 350 000 m3 prévus, est-il bien nécessaire et face à quels enjeux ? Le bénéfice semble inexistant à l’échelle du coût à payer. La seule raison de moyens financiers proposés par l’Union européenne pour la réalisation de tels projets, ne suffit pas pour que nous, citoyens de cette Commune, acceptions les sacrifices aux plans environnemental, humain et socioéconomique.

Enfin, le dossier n’aborde pas assez les impacts environnementaux de ces retenues d’eau, notamment physico-chimiques. Le réchauffement estival de l’eau diminue la solubilité de l’oxygène et entraîne la dénitrification, c’est-à-dire la transformation du nitrate en gaz à effet de serre. Si l’on ajoute à cela le manque d’eau en aval de ces retenues pour la végétation quelle qu’elle soit, c’est tout le processus de réoxygénation naturelle de l’air qui est mise à mal, et donc une accumulation des gaz à effet de serre.

3. Des habitants encerclés par les projets de bétonisation

L’enquête publique qui nous concerne intervient dans une période où la population de ce petit village de Bourg Murat est encerclée depuis deux décennies, pour ne pas dire harcelée, par des projets mégalomaniaques sans queue ni tête.

Parallèlement au projet de parc d’attractions avec tyroliennes, ballon captif et autres serres géodésiques, ce projet d’une troisième retenue collinaire est une nouvelle lubie de ses promoteurs. En effet, après le creusement des retenues aux Herbes blanches (en 2008 bien loin du Piton des Herbes blanches), du Piton Marcelin (en 2019 mais qui se trouve bien loin du Piton Marcelin et plutôt du côté du Piton Rouge), voilà encore un projet de retenue collinaire dite du Piton Sahales, loin de toute colline mais également bien loin dudit Piton et plutôt presqu’au centre du Bourg Murat, à proximité directe des habitations.

Certes, une retenue collinaire n’est pas une bassine, elle ne pompe pas dans la nappe phréatique mais devrait s’alimenter en dérivant des cours d’eau et/ou en récupérant les eaux pluviales du bassin versant. Mais ce n’est pas une retenue collinaire ou alors la colline est du genre invisible. Le Piton Sahales se trouve quant à lui à quelques kilomètres de là. Le Piton le plus proche de l’endroit prévu s’appelle Piton Darid, lui-même à proximité de la plus grande réserve de munitions de l’armée, la grande muette aussi dans ce projet doit-on croire. L’armée qui a son 2e RPIMA dans ce secteur et le Régiment du service militaire adapté de La Réunion à proximité directe de ce nouveau trou d’eau de la Mairie du Tampon, ne dit-elle rien ?

Les hôtels, restaurants, gîtes et tables d’hôtes ou encore la merveilleuse Cité du Volcan à quelques mètres à peine du futur chantier de retenue d’eau ne voient-ils aucun inconvénient à l’implantation de ce chantier qui devrait durer deux ans à moins de 500 mètres ?

En tout cas, les citoyens de ce joli bourg tranquille, à mi-chemin entre Piton des Neiges et Piton de la Fournaise, tous les deux Patrimoine de l’Humanité, en ont plus qu’assez des projets de méga-chantiers la plupart farfelus, avec les nuisances qui les accompagnent, pendant et après.

Au lieu de se demander comment valoriser l’existant, et ce en cohérence avec le changement climatique, le maire du Tampon sacrifie et artificialise sept hectares de terres agricoles déjà en activité ici ou là, pour « permettre la mise en valeur de nouvelles zones à vocation agricole ». C’est ce que d’aucuns appelleraient « marcher sur la tête ».

Avec ses projets de creusement de trous d’eau partout dans le périmètre de Bourg Murat – d’autres seraient prévus près du Piton Villiers, du Piton Mahot et du Piton Antoine - , il ne contribue pas à remettre en question le modèle agricole actuel dénoncé dans tous les rapports du GIEC : on plie encore et toujours la nature à des exigences difficiles à justifier. Nous ne prendrons pas de pincettes pour dénoncer son choix délibéré de la maladaptation, c’est-à-dire une politique d’adaptation intentionnelle avec ces retenues d’eau creusées un peu partout, qui augmentent directement la vulnérabilité des acteurs ciblés et/ou d’autres acteurs, et/ou qui érode les conditions nécessaires à un développement durable.

4. La MRAE a encore une fois épinglé ce maître d’ouvrage, en seulement cinq ans

Dans ce projet de retenue d’eau au cœur de Bourg Murat, la MRAE a rendu public un rapport dans lequel figurent pas moins de onze recommandations, et c’est énorme, parmi lesquelles :

  • Une meilleure prise en compte de l’environnement humain. La maîtrise des risques permettant d’assurer la pérennité de l’ouvrage (étanchéité, stabilité). Les habitants de ce bourg sont en droit de se demander si ce projet, au plan environnemental comme technique est bien fiable et apporte les garanties contre les risques majeurs : inondations, glissements de terrains…
  •  L’insuffisante prise en compte de l’empoussièrement car le chantier va avoir les mêmes effets qu’une carrière à ciel ouvert, mais en l’occurrence nous sommes au milieu d’habitations ! Le maître d’ouvrage répond avec désinvolture à cette recommandation, en affirmant sans aucune preuve que le chantier ne rejettera pas plus de 50 kg/h de poussière, sans obligation donc pour lui de mettre en place un plan de surveillance des poussières exigé par l’arrêté ministériel du 22/09/94 pour les chantiers avec production annuelle de matériaux supérieure à 150 000 T. Aucune considération pour les habitants qui pourraient rencontrer des difficultés respiratoires, pour les autres riverains bons contribuables qui vont subir une dégradation de la valeur immobilière de leurs biens, mais aussi les quelques établissements touristiques comme les nombreux restaurants, tables d’hôtes, hôtels et gîtes qui auront quelques soucis à se faire avec la dégradation de leurs structures par les quantités de poussières qui vont les recouvrir durant les deux ans de travaux. Ceux-là ont-ils réfléchi au coût des travaux qu’ils devront engager pour l’entretien voire les ravalements de façades de leurs maisons, hôtels, restaurants, petits commerces de proximité, sans compter la perte de clientèle évidente durant ces travaux ?
  • Le pétitionnaire prévoit, sur une période de 10 mois, un trafic moyen de 1 000 rotations de camions par mois, soit en moyenne 50 rotations de camions par jour. C’est-à-dire, pour être clair, 50 sorties de camions de 44t sur la petite route étroite qu’est le chemin Doret, et 50 retours via l’entrée principale du chantier, relié à la RN3 (avec, en période de pointe du chantier, jusqu’à 100 rotations par jour).

Outre la densification du trafic, ce n’est pas la même chose que de faire passer 50 véhicules légers ou 50 poids lourds de 44 T en termes de dimensionnement de la semelle de la chaussée !

Il faut ajouter que le GRR2 reliant Piton des Neiges et Piton de la Fournaise passe aussi par ce Chemin Doret et qu’il est à longueur d’année très emprunté par les randonneurs pédestres. Quid de la sécurité de cette catégorie d’usagers pendant la durée des travaux ?

  • L’augmentation du trafic de la RN3 (dont l’exposé n’est pas très clair) est estimée à 0,5% de son trafic journalier habituel, et celle du chemin Doret à 80% de véhicules supplémentaires au maximum le vendredi après-midi (avec 2,7% d’augmentation du trafic sur la RN3 le vendredi après-midi, sachant que les débits habituels sont de l’ordre de 300 à 400 véhicules/heure et par sens). La RN3 peut sans doute supporter cette recrudescence de circulation, mais quid du chemin Doret et des riverains pendant la bagatelle des 16 (voire plus ?) longs mois que durera le chantier ? Est-ce pour cette raison que la municipalité s’est permise de créer une ouverture sur le chemin Auguste Murat sans trop s’embarrasser de l’avis des propriétaires des habitations de cette ancienne impasse ?
  • Le porteur de projet avance que « la création de la retenue collinaire (en phase travaux et phase exploitation) aura pour effet potentiel une stagnation des eaux. Ce type de milieu est favorable au développement de gîtes larvaires, notamment pour les diptères tels que les moustiques. Nous avons évoqué plus haut le risque inexistant aujourd’hui d’épidémie de dengue dans cette région de La Réunion, mais que le projet de retenue d’eau en plein milieu d’habitations pourrait transposer très rapidement depuis les régions infestées aujourd’hui. Et qu’on ne vienne pas nous « bassiner » après avec des conseils pour se protéger des piqures de moustiques ! Dans sa réponse à la MRAE, le pétitionnaire indique que « les premières habitations se trouvant à environ 1 km du site du projet, les impacts sur la santé humaine seront limités. Une étude venant des USA a estimé que le déplacement des moustiques de toutes espèces était de 107 m en moyenne en leur lieu de ponte et leur repas ». Ce qui lui permet d’évacuer la recommandation de surveillance ; or, la mesure est fausse ! Le site Géoportail permet facilement de vérifier que la plupart des habitations les plus proches seront à un peu plus de 300 m, les plus éloignées à moins de 500 m ! Et c’est cette mesure erronée qui permet d’évacuer rapidement le sujet en assurant seulement les préventions minimales de rigueur.

5. Et si on parlait un peu de patrimoine historique ?

Le bureau d’étude du maire avance qu’il n’y a pas de site archéologique sur le secteur. Evidemment le Chemin Doret n’est pas classé pour le moment, mais il abrite encore sur ses flancs des murets de pierres sèches construits par les petits « détenus » des centres d’enfermement juvéniles édifiés par l’APECA, dont un établissement ouvert en 1938 peut se visiter à Bourg Murat. C’est clair que les bureaux d’étude métropolitains ne peuvent pas le savoir. Or précisément, c’est cet étroit chemin Doret qui assurera la moitié du transit de matériaux de terrassement à évacuer. Les 50 sorties de camions de 44 T par jours, jusqu’à 100 par jour en période de pointe, épargneront-elles de la destruction ces vestiges d’un pan douloureux du patrimoine historique de l’île ? Nous nous souvenons très bien des travaux engagés par le Conseil départemental pour réhabiliter, à très juste titre, les vestiges du bagne pour enfants de l’Ilet à Guillaume. La mémoire des enfants de l’APECA auraient-elle moins de valeur que celles des enfants détenus par les missionnaires du Saint Esprit ?

6. Sur le respect des citoyens consultés

Nous dénonçons fermement un déficit informationnel du citoyen appelé - pour la forme seulement ? - à participer à cette enquête publique. On lui explique doctement et il est prié de croire sans chercher à comprendre, que les besoins d’irrigation sur la Plaine des Cafres ne sont pas satisfaits et que les projets de développement agricole restent freinés par l’insécurité de la ressource en eau, et qu’un diagnostic a été réalisé et consigné dans un Schéma directeur d’irrigation (SDI) à l’échelle du territoire du Tampon. Celui-ci définirait les volumes annuels nécessaires à hauteur de 1,17 million de m3.

Or, ce SDI n’est pas dans le volumineux dossier technique dont la vocation semble plutôt être là pour noyer le citoyen-poisson dans des élucubrations de techniciens, le décourager à se poser les bonnes et vraies questions, sans lui montrer les méthodes utilisées pour déterminer les besoins à satisfaire et le déficit à combler. Comment le citoyen appelé à participer peut-il apprécier la pertinence d’un nouveau trou d’eau sans les outils pour le comprendre ?

Il est même scandaleux d’entendre dire quand on en fait la demande à la permanence de l’enquête publique que « cela ne sert à rien ».

Cependant, après avoir insisté, j’ai personnellement réussi à me procurer auprès de l’ingénieur responsable des grands projets à la mairie, une synthèse de quatre pages de ce schéma directeur. A sa lecture, nous sommes en droit de nous demander quelle évaluation a été faite des autres mesures qui y étaient préconisées, car il n’y est pas question que de trous à creuser, de sols à artificialiser et de tuyauteries à poser. La commissaire-enquêtrice ferait bien d’éclairer l’autorité environnementale sur ce point afin que celle-ci puisse commencer un début d’application du Plan Eau du Gouvernement. Notre questionnement est d’autant plus sensé que nous apprenons qu’en mars 2023, la Mairie du Tampon avait lancé une consultation pour une étude visant à actualiser le schéma directeur d’irrigation en question.

Pour nous, il est urgent d’attendre les résultats de cette nouvelle étude avant de creuser d’autres trous d’eau, et demander que l’étude en question intègre les exigences nouvelles du Plan Eau.

[1] En l’occurrence, la mairie du Tampon est devenue spécialiste de la « bonne » exploitation de la manne FEADER que l’Europe offre aux territoires ultramarins, malheureusement souvent à mauvais escient pour l’Environnement, avec ses parcs d’attractions qui détruisent les écosystèmes, ses retenues d’eau qui artificialisent les sols, ses aménagements touristiques qui défigurent le Patrimoine de l’Humanité Pitons, Cirques et Remparts.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.