Aujourd'hui, tout se joue sur réduction-simplification-vitesse. Un mot, un logo, disent tout ; les transactions, langagières comme financières, sont au millième de seconde. Paradoxalement, les paroles ne s'envolent plus, et comme les transactions financières elles sont arborescentes en buissons épineux et inextricables. C'est que ...tout est trop compliqué, trop surabondant, et on n'a pas le temps...
Et si on prenait, une minute, le temps de s'expliquer ? Une civilisation, personne n'est capable de dire ce que c'est, de façon exhaustive et consensuelle. Les spécialistes, historiens, ethnologues, sociologues, philosophes, s'y cassent les dents. C'est peut-être pour ça qu'ils ne mordent pas. Mais les non-spécialistes, en particulier les religieux et les politiques, ces spécialistes de tout, eux mordent les fruits vénéneux, et leurs contemporains. Et les civilisations, au pluriel? Encore moins clair, et de moins en moins à mesure que le temps passe. Illustrations :notre français, qui a des racines diverses et lointaines, est envahi de mots anglo-saxons. Il me souvient que notre ministre -de droite- Allgood (pardon! Toubon) a hurlé, et pris des mesures pour défendre notre civilisation ; cependant qu'une bande de technocrates -de droite aussi- importaient sans relâche des marketing, merchandizing, prospect,available, and so on...et que des djeunes, pas spécialement de droite, étaient avec enthousiasme baggy, metal rock, Nike (ta mère) et autres gadgets. On y perd son latin... Mais dites-moi, où sont aujourd'hui les "isolats" d'hier, africains, indonésiens, amazoniens ? On a son tee-shirt, son portable, on danse et chante les musiques d'ailleurs. Et où sont, ailleurs que dans les medias, les bretons bretonnants pur jus de cidre, les basques embusqués dans leurs vallées particularistes, et tous les "autres". On est tous "autres", et tous "pareils". C''est avant-hier que deux civilisations pouvaient se télescoper, l'une écrasant l'autre, à notre grande honte d'Occidentaux d'aunjourd'hui, héritiers bien involontaires de conquérants et colonisateurs sans états d'âme. Aujourd'hui, on écrase encore, mais en douce. Et aujourd'hui, quoiqu'on puisse proclamer ou insinuer, on est tous métis. Tant mieux, les métis sont souvent fichtrement réussis.
Alors, Mesdames et Messieurs présents à tous micros et cameras, qui jouez sur la corde sensible, ou exprimez votre vérité sans mélange? pour ma petite tête franchouillarde, c'est-à-dire métis de très longue date, vous avez tous raison. Je veux dire : vous avez tous des raisons de parler comme vous parlez, d'écrire comme vous écrivez. Mais vous ne dites pas vos raisons. Non, vous faites appel à "la" raison, comme s'il n'y en avait qu'une, celle qui vous arrange. Et vous vous servez, ou sans le savoir, ou malhonnêtement, de notre caractéristique profonde de vivants : agir pour servir, maintenir, reproduire "notre forme", au moyen de choix et rejets, pour survivre, se nourrir, se reproduire. Et nos inventions sapiens de la parole et de la pensée n'en sont pas affranchis. Cela donne : oui/ non exclusifs, puis bon/ mauvais sans partage.Ca s'est appelé manichéisme, Dieu/Diable, nous (hommes)/autres (non-hommes). J'appelle ça "idéologie", et on ne peut pas s'en passer : si je vois du sable, j'ai pas envie de le bouffer. Et, comme dit L.P., "J'aime mieux mes enfants que ceux du voisin, ceux du voisin que ceux du village d'en face..."., et on arrive à "préférence nationale". On ne peut pas s'en passer, mais on sait qu'on fonctionne et fonctionnera comme ça. Et le savoir, ça peut tout changer. J'essaierai de raconter comment un autre jour...
PS le Canard écrit, fort justement, "le mur du çon". Bafouer l'orthographe, pour le plus grand bien de la vigilance sur l'idéologie.